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LES PRÉNOMS ONT ÉTÉ CHANGÉS (21)

NAÏMA

Illustration Daniel Grardel qui n’a rien à voir. Encore que… Salutations amicales au Guy Pellaert picard.

C’était l’été de la canicule et on était censés tous crever de chaud. On avait passé des vacances dans le Tarn avec un ami et surtout avec des averses tous les jours et un chauffage rallumé par mon épouse pour qui la petite laine n’était plus suffisante. C’était encore le temps où on pouvait fumer dans les restaurants, mais la pression sociale était telle que des regards obliques m’obligeaient à éteindre mes cigarettes dès les premières bouffées. On m’avait tellement parlé du Sidobre et de ses paysages, mais le temps pourri nous avait plutôt dirigé vers les musées de Castres ou d’Albi. Tarn ! Tarn ! Tarn !

C’était aussi, du moins le croyais-je, mes dernières vacances en tant que fonctionnaire des Télécommunications, puisque j’avais été recruté comme « technicien du cadre de vie » (c’était l’intitulé pompeux de ma fonction) à la mairie de R…, et un ami conseiller municipal s’était fait l’écho du conseil qui avait décidé de ce recrutement. Mes engagements associatifs et syndicaux avaient pesé dans la balance ainsi que mes qualités humaines et professionnelles, m’avait-il confié. J’étais, selon l’expression de la DRH « the right man » ou, variante moins anglophone, « l’oiseau rare » ou encore « le mouton à cinq pattes », métaphores animalières qui avaient le mérite d’être parlantes. J’allais plutôt être le chien dans un jeu de quilles, mais jusque-là tout allait bien.

Ça avait plutôt mal démarré. Le premier jour, ma chef de service s’étonnait du fait que je ne lisais pas la presse locale et surtout la rubrique consacrée à la ville. J’avais répondu avec une pointe d’insolence que le bal des pompiers et la centenaire du patelin d’à côté, non merci ! Première offense, elle avait frisé le nez. Elle n’avait pas apprécié non plus que je dénigre mon employeur qui, en pleine mutation pour passer d’un service public à une multinationale, dégraissait son personnel fonctionnaire surnuméraire en lançant des passerelles (c’est le mot qu’ils employaient) vers les autres administrations. Il fallait compresser les effectifs et faire partir les syndicalistes ou les voix trop critiques « par la porte ou par la fenêtre », comme dira le PDG plus tard.

– « en même temps, ça donne des opportunités. Et puis, on ne peut plus passer toute sa vie professionnelle chez le même employeur. Sans parler de l’âge de la retraite qui recule et les carrières vont être de plus en plus longues. Vous êtes encore jeune !

– la réforme des retraites, je l’ai prise en pleine gueule et j’ai lutté contre avec toute l’énergie de mes convictions. Croyez bien que si j’avais pu partir à 55 ans au bout de 37 annuités et demi ou avec un plan social, je me serais accroché comme une moule sur un rocher ».

Elle n’avait pas compris et paraissait indignée par un discours qui, selon elle, ne témoignait pas d’une grande motivation et renvoyait à des stéréotypes de vieux fonctionnaire cul de plomb et fort en gueule attendant patiemment la retraite. Mais je l’avais déjà jaugée, elle, avec ses airs de superwoman sans cesse affairée, ses lunettes de marque, ses pompes Louboutin et son sac Vuitton. Tout ce que je détestais.

Après une rapide tournée des popotes dans les mairies de quartier où tout le monde me souhaitait la bienvenue avec empressement, on avait une réunion l’après-midi avec le maire en personne et tout un aréopage de personnalités qualifiées dans des domaines aussi divers que la santé, la sécurité et la propreté de la ville. J’étais quasiment en vedette, avec une présentation sommaire de ce qui était attendu de moi : signalement des dépôts d’ordure clandestins, vérification des dimensionnements des terrasses et des devantures des commerçants, avertissements en cas de petites infractions ou incivilités, maintenance de l’éclairage public, supervision des projets d’urbanisme, des entreprises d’insertion… Je serai le lien entre la mairie et les habitants des quartiers et on avait créé un centre d’appels pour consigner toutes les réclamations des riverains, pour quelque motif que ce soit. J’aurais à être réactif et diligent, à ne pas compter mes heures, à chouchouter (selon le verbe usité par le maire) les gens des quartiers. On me donnait enfin la parole après que chacun se fût exprimé sur l’importance du rôle qui m’était dévolu, du lien social, de la lutte contre la petite délinquance qui pourrissait les vies, de l’hygiène et de la propreté nécessaires à toute cohabitation harmonieuse entre les citoyens. Je leur faisais écho sur la question du lien social tout en les reprenant sur les missions de police qui n’étaient pas les miennes, n’ayant aucun pouvoir de verbaliser et ne tenant pas à en avoir. J’insistais aussi sur le service public devenu de plus en plus à la charge des municipalités maintenant que les administrations se transformaient, que les statuts étaient menacés et que les missions n’étaient plus assurées. J’évitais d’employer les gros mots de libéralisme, de privatisations, de prédation ou de profits. C’était déjà plus que ne pouvait supporter ma DRH et, comme elle me reconduisait en voiture, elle m’en fit la remarque :

– « Euh, ça ne va sûrement pas vous faire plaisir ce que je vais vous dire, mais je préfère que les choses soient claires d’emblée entre nous…

– Que de circonlocutions, allez-y, je suis prêt à tout entendre, l’interrompais-je, avec une pointe d’ironie.

– Euh voilà. Vous étiez convié à cette réunion pour écouter, pour apprendre, pas pour nous faire part de vos théories sur le service public ou le rôle de l’état dans l’économie. Moi, je parle avec des chiffres. Ici, nous nous efforçons de rester neutres et n’avons aucun a priori sur les entreprises publiques avec lesquelles nous tenons à garder les meilleures relations…

– Autrement dit, vous avez besoin d’un petit soldat qui fait où on lui dit de faire et surtout qui ne pense pas. J’essaierai de m’en souvenir. N’empêche, j’ai fait 30 ans de syndicalisme dans une entreprise où les relations sociales étaient rugueuses et on ne m’a jamais fait ce type de réflexion. Je ne m’attendais pas à entendre ce genre de discours dans une municipalité.

– J’ai peut-être été un peu abrupte. Vous parliez, lors de votre entretien de recrutement « d’arpenter les rues », c’est cette expression qui m’a convaincue. « Arpenter », c’est tellement, ça fait image…

– Une sorte de saint laïc dans la jungle des villes ? C’est ça ? ».

Elle ne répondit pas et je lui demandais de me déposer au premier feu rouge. J’ai fait le reste à pied. Ça commençait bien.

Le lendemain, je prenais officiellement mes fonctions à la mairie de quartier ouest. Le maire de quartier me recevait en me recommandant la bienveillance pour ses concitoyens. La majorité socialiste venait de repasser mais on avait eu « chaud aux fesses », me confia-t-il.

– « Pardonnez-moi l’expression. On a compris qu’on devait sortir de nos tours d’ivoire et s’occuper un peu plus des conditions de vie des gens, d’où votre embauche. Se sortir les doigts du cul, comme on dit vulgairement. Du terrain, de la proximité, du service ! ».

Je traduisais mentalement « les concitoyens, les gens ou les habitants » par « les électeurs » et je l’assurais avec un zeste d’hypocrisie que j’avais bien reçu le message.

Le secrétaire de mairie m’avait fait une drôle d’impression. Visiblement un excité, un agité du bocal qui fumait cigarettes sur cigarettes tout en mâchant ses deux paquets de chewing-gum. Occupant une petite pièce contiguë à son bureau, il me donnait le tournis à le voir s’agiter le stylo sur l’oreille et le téléphone mobile en main. Il avait commencé à faire une plaisanterie vaseuse sur ces « fonctionnaires » de France Télécom ou d’Edf qui vont envahir les mairies et les préfectures. Qui vont venir manger notre pain, j’avais compris. Puis on avait fait un tour dans le quartier, comme deux flics en vadrouille arpentant leur secteur. Il m’avait présenté aux commerçants et aux responsables d’associations, notamment un maghrébin président d’un club de football à qui il avait dit : « maintenant, vous savez à qui vous adresser en cas de problème ». Il servait le même discours à tout le monde. Ça puait le clientélisme à plein nez mais le but de la promenade était surtout de me faire connaître un major de la police avec qui j’allais être amené à travailler. Un type pas franc du collier qui me regardait en coin et retenait ses jugements péjoratifs sur les petits délinquants et dealers de shit maghrébins. Maghrébins, ça allait de soi ! Je me voyais collaborer avec le major, un raciste sécuritaire qui devait voter F.N.

Le secrétaire de mairie – Dominique – m’avait emmené dans les quartiers nord où je devais faire la connaissance de son homologue, un vieux beau en costard qui me faisait faire à son tour une visite des quartiers avec ses entreprises, ses décideurs, comme il disait, ses dents creuses et ses travaux de rénovation en cours. Je lui avais dit que j’avais demandé un vélo et que, si j’avais mon permis, je ne conduisais pas.

– « Mais vous n’y pensez pas, on va vous donner une voiture de service. Vous allez devoir côtoyer des chefs d’entreprise, travailler la main dans la main avec des élus… Et puis il va faire froid, c’est encore l’été (on était début septembre), mais quand il va neiger à pierre fendre…

– J’aviserai à ce moment-là mais je n’ai pas besoin de voiture. Dussé-je voir le pape .

– Comme vous voudrez. C’était juste un conseil ».

Sa secrétaire, une jeune maghrébine qui s’appelait Naïma, était morte de rire. Non seulement j’avais mouché son patron, mais mes réparties avaient eu l’heur de l’amuser. Comme Cadet Rousselle avait trois maisons, j’avais trois bureaux : un à l’ouest, un autre au nord, que j’occupais avec Naïma, et un troisième dans le quartier du centre, en mairie, où le maire adjoint était un ancien sportif professionnel placé là par protection. Enfin quelqu’un de sympathique avec qui j’allais déjeuner chez un chômeur qui avait ouvert une brasserie dans son secteur.

Je passais beaucoup de temps au nord, où Naïma semblait m’avoir pris en affection. Elle tenait mon agenda, mettait à jour mon planning, me disait le matin qui rencontrer et à quelle heure et s’occupait de mes notes de frais. Les soirs où il pleuvait à verse, elle me prenait dans sa voiture et je mettais le vélo, acquis de haute lutte, dans le coffre. Un petit bout de femme, mignonne et gentille, pour qui j’avais certaines tendresses. Elle me le rendait bien et, on en était à se faire des petits cadeaux. Je lui offrais des chocolats et pâtes de fruit et, en plus de me servir de chauffeur occasionnelle, elle veillait à maintenir un semblant d’ordre sur mon bureau et m’avait un jour acheté le livre que je cherchais d’un auteur dont je lui avais parlé.

Déjà lassé par un travail dans lequel j’avais mis beaucoup d’espoir et qui consistait pour l’essentiel à réceptionner des communications du centre d’appel me signalant des dépôts d’ordure clandestin ou à discuter de généralités avec des notables dans des réunions interminables. Je me levais le matin en pensant à elle, sans autre motivation pour ce boulot stupide où je passais le plus clair de mon temps à parcourir la ville à vélo, d’une mairie de quartier à l’autre. Je l’avais invitée à déjeuner deux ou trois fois, et elle m’avait parlé de ses parents pour qui elle représentait le seul espoir d’insertion, de son frère aîné qui la surveillait et fréquentait la mosquée en marquant des complaisances pour les islamistes, de son petit frère qui dealait du shit dans les halls de HLM. Tout cela faisait un peu cliché, mais je voyais bien que ça la minait et que c’était là son quotidien, dans un quartier relégué où les usines textile avaient été transformées en lofts, en centres d’appel ou en restaurants.

Au bout de quelques semaines, on m’avait reproché de ne pas être venu en mairie un dimanche après-midi, alors qu’un incendie criminel avait rasé tout un pâté de maison . Le feu avait pris dans un entrepôt où zonaient des dealers et un gamin était mort. L’adjoint à la sécurité avait eu les honneurs de la presse nationale et il fallait surtout ne pas surinterpréter l’événement : la ville de R. changeait d’année en année et devenait un important centre tertiaire, loin des clichés misérabilistes dont on persistait à l’accabler. C’était le discours qu’il fallait relayer.

Dominique, le secrétaire de mairie, ne comprenait pas que je puisse rentrer chez moi à 18h et il me proposait de garder les clés si d’aventure je voulais finir plus tard. Les samedis et dimanches, il était de bon ton de participer aux fêtes locales et aux divers événements organisés par la mairie en lien avec les comités de quartier. « Tu dois te faire connaître », ne cessait-il de me répéter.

Un jour, je pétais un plomb en arrivant au bureau. J’avais assisté la veille à une réunion d’habitants mécontents et j’avais laissé mon compte-rendu à Dominique. Il me l’avait rendu complètement caviardé, avec des remarques en rouge, des points d’exclamation et des ratures à chaque ligne. Cette nuit-là, je n’avais pas dormi. J’étais entré dans son bureau en lui jetant les feuillets à la tête :

– « Tu comprends, les écrits sont regardés par les élus et il faut savoir arrondir les angles.

Les élus, ils n’avaient que ce mot à la bouche ; une bande de courtisans dont l’objectif premier était surtout de complaire aux sacro-saints élus. C’était à vous dégoûter de voter pour eux.

–  On ne m’a encore jamais fait ça en 30 ans de vie active. Je ne croyais pas que c’était possible de voir un compte-rendu corrigé par un âne qui écrit comme ses pieds. Tout cela parce que j’ai transcrit fidèlement les prises de parole et que ce n’est pas politiquement correct pour monsieur. Un agité du bocal doublé d’un commissaire politique. Je t’emmerde, Dominique ! ».

J’avais signé mon arrêt de mort. Dans les films, on voyait le héros sortir tranquillement après une scène pareille avec le sentiment du devoir accompli. Moi, j’avais claqué la porte et j’étais piteusement rentré chez moi avant d’aller consulter mon médecin généraliste pour un arrêt de travail. Je ne voulais plus y retourner et je tentais des démarches pour réintégrer les télécoms, puisque je n’étais pour l’instant que détaché. Je revenais au bout de huit jours et j’étais convoqué par la DRH qui me demandait de faire de plates excuses à Dominique et qui m’assurait que l’incident serait oublié. « Nous n’avons pas fait une erreur de casting en vous recrutant. Nous croyons toujours en vos capacités ». Tu parles. Je reprenais mes virées à vélo et j’essayais de passer le plus de temps possible avec Naïma, tout en négligeant mes tâches habituelles. J’en avais plus qu’assez et des contacts pris avec mon ancien employeur m’avaient laissé entendre que ma réintégration ne poserait pas de problème. « Quand même, vous aviez une belle opportunité. Au cœur du service public ! », avait commenté le DRH. Je n’avais pas envie de faire des commentaires, du moment qu’ils me reprenaient.

Dès mon retour, je faisais une journée de grève à l’appel de mon syndicat contre la baisse des parts de l’état dans le capital et la privatisation de fait. J’étais tancé le lendemain par ma directrice qui me reprochait mon ingratitude : « après tout ce qu’on a fait pour vous ». Je décidai d’en rester là mais je l’aurais étranglée.

J’avais repris mes fonctions, retrouvé mes collègues et renoué avec mes fonctions syndicales. J’essayais d’oublier cette période de trois mois, cet automne pourri et cette mairie où j’avais tout détesté. Sauf mon ex basketteur de la mairie du centre et, bien sûr, Naïma. J’avais souvent eu envie de reprendre contact avec elle, mais je ne tenais pas à tomber sur le maire de quartier ou le secrétaire de mairie. J’avais aussi pensé à lui écrire, mais, vu son contexte familial, ça aurait pu être compromettant pour elle et je décidais de n’en rien faire.

Un jour, alors que je sortais d’une réunion pour mon association, je tombais sur elle par hasard et je l’invitais à prendre un verre dans un bistrot du centre-ville. On reparlait évidemment du boulot et de mes trois mois passés là, même si je n’avais aucune envie de revenir là-dessus. Elle me vouvoyait toujours :

« – Vous avez essuyé les plâtres, vous avez servi de cobaye. De toute façon, ils n’avaient aucune idée de la charge de travail que ça représentait. Ils n’avaient même pas imaginé ce que serait le poste. C’était juste un truc électoraliste pour pouvoir prouver aux gens qu’on s’occupait d’eux ».

C’était ce que j’avais toujours pensé mais le fait qu’elle le disait clairement me soulageait d’une sourde culpabilité, et de l’impression d’avoir failli.

Elle me parlait de ses parents, de son père maintenant en invalidité et de sa mère se désolant de la radicalisation de son fils aîné, prêt à partir en Tunisie pour rejoindre des djihadistes. Quant au petit, il venait d’être condamné à des peines d’intérêt général. J’essayais de la rassurer mais je n’étais pas trop convaincant dans ce rôle. Qu’est-ce que représentaient mes états d’âme de fonctionnaire et ma démission théâtrale devant ce qu’elle me racontait. Toutes ces familles qui avaient dû se faire discrètes devant la bêtise à front de taureau des Français de souche et dont les fils commençaient à se rêver au mieux en Zidane ou en Djamel Debouze, au pire en trafiquants de haut vol entre le Maroc et les banlieues ou en djihadistes.

Je lui donnais de mes nouvelles, rien qu’elle ne sache déjà. Mes engagements associatifs et syndicaux, mon boulot qui consistait à envoyer des réponses stéréotypées à des clients VIP, mes bouquins, mes disques, mes amis, mes chats. Elle aimait que je lui parle de mes chats et elle riait de bon cœur à l’évocation de leurs traits de caractère, de leurs petites manies et habitudes.

On avait plus grand-chose à se dire et on se regardait sans parler. Pris d’une soudaine impulsion, je lui avais pris la main et elle avait réagi en la pressant contre la mienne. On était sortis et on s’était embrassés, avant de se séparer en restant quelques minutes comme deux adolescents timides et irrésolus. Puis j’étais parti sans me retourner, me sentant devenu trop vieux pour tomber amoureux, surtout avec une fille de 20 ans de moins que moi qui avait quasiment charge de famille et sûrement d’autres chats à fouetter.

Je ne revis plus jamais Naïma. Certains soirs, il m’arrive encore de la chercher du regard, en quête vaine de sa silhouette dans les rues de la ville. Elle est sûrement devenue une petite mère courage avec une famille, des enfants. Peut-être n’habite-t-elle même plus la ville de R., où, même au sein de ce milieu servile et avec un travail détestable, j’avais eu la chance de rencontrer Naïma. Un rai de lumière dans la grisaille. Un îlot secourable dans une mer d’indifférence. Une précieuse consolation.

11 août 2021

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