Le mouvement altermondialiste se mobilise depuis de nombreuses années contre les grands projets inutiles (G.P.I pour aller vite). Au plan national, ces mobilisations ont rencontré de belles victoires (Notre-Dame-Des-Landes, Sirvens, Europa City, en attendant Bure?), mais on connaît moins les luttes locales ou régionales se menant depuis parfois plusieurs années avec des collectifs militants combatifs et déterminés. Trois exemples, parmi tant d’autres.
Tout d’abord, Tropicalia ou ce projet de serre tropicale géante sur la côte d’Opale. Un collectif constitué de 38 associations et de 7 partis politiques veille au grain pour empêcher cette aberration écologique. « Il est aussi incohérent de construire une serre tropicale géante dans le nord de la France que de faire des pistes de ski dans le désert du golfe persique », dit non sans humour l’animateur du collectif Jean-Michel Jedraszak, interviewé par Didier Harpagès pour Reporterre (5 janvier 2021). On ne saurait mieux dire. Jean-Luc Bardel, de la Confédération Paysanne, insiste pour le même site sur l’artificialisation des sols et la souveraineté alimentaire. Quant à notre camarade Martine Minne, d’Attac Flandres, elle parle d’un coût exorbitant de 73 millions d’Euros, « trop d’argent pour détruire l’écosystème local », conclut-elle. Ce sont ensuite les politiques qui défilent en cette manifestation du 20 décembre à Rang-Du-Fliers, avec cette belle formule de Karima Delli, députée Verte européenne : « On nous propose un paradis sous cloche et le spectacle d’un bonheur standardisé… ».
Rebelote le samedi 6 février où le collectif donne rendez-vous à tous les militants de la région pour donner de la voix et dire haut et fort que ce projet doit rester dans les cartons, même si on peut imaginer que les investisseurs ne repartiront pas gros-jean comme devant après ces rassemblements et manifestations, fussent-elles réussies. La lutte continue, donc.
À Lille, la Friche Saint-Sauveur, à un jet de pierre de l’ex gare de marchandise du même nom, fermée définitivement en 2003, était appelée à devenir une piscine olympique selon les vœux et le bon plaisir de la mairie de Lille. Il s’agissait pour la métropole lilloise de se hausser du col en prévision des prochains Jeux Olympiques en Île-de-France. Depuis 5 ans maintenant, un collectif militant s’oppose à ce projet mégalomaniaque et écologiquement nuisible. Un collectif animé par la sociologue du travail Bénédicte Vidaillet et l’activiste Camille Verseau qui a multiplié les recours juridiques pour mettre un terme à cette incroyable gabegie financière comme à cette agression environnementale.
En 2018, les associations Parc et Aspim ont, sans présumer des suites judiciaires, obtenu de la justice administrative le gel de ce qui est en fait un projet plus vaste de nouveau quartier, et une ZAP (Zone À Protéger) s’est installée à demeure, sur les 23 hectares du parc où il est question de préserver et d’entretenir la nature en ville. « Un boboland », disent les détracteurs (Reporterre encore), sauf que nos « bobos » n’hésitent pas à mettre la main à la pâte et accueillent sur ce territoire sauvegardé (pour l’instant), des SDF, des migrants et des précaires, tous fiers de retrouver sociabilité et dignité dans des travaux de jardinage : plantations d’arbustes ou culture de jardins potagers. Agriculture et culture tout court, puisque le volet culturel est important, avec musique, théâtre, sculptures… Sans oublier la convivialité et les apéritifs militants préludant à des bouffes fraternelles. « L’altérité de la nature nous permet de respecter la nôtre », dit joliment Camille au terme de ce beau reportage de Reporterre (3 juin 2020).
Là encore, la messe n’est pas dite mais l’expérience aura généré des espoirs et crée des liens. Des gens, des jeunes pour la plupart, on pu se familiariser avec le militantisme, les communs, l’entraide dans une ambiance festive et conviviale. L’utopie concrète d’un autre monde possible est expérimentée ici, en pleine ville, mais dans un monde à part, un monde à venir mais déjà là.
Pour finir, mais on n’en finit jamais avec ce type de luttes, le projet d’extension de l’aéroport de Lesquin contre lequel une myriade d’associations sont vent debout (ANV COP21, Amis de la terre, Alternatiba, Attac, Greenpeace…) avec déjà une marche vers l’aéroport en octobre dernier. C’est cette fois Eiffage qui est à la manœuvre, pour agrandir, d’ici 2025, l’aéroport et doubler sa capacité.
Il s’agit, pour les promoteurs du projet (syndicat mixte de l’aéroport de Lille – Lesquin) de « mieux accueillir les voyageurs des Hauts-de-France », alors que Lesquin serait actuellement en sous-capacité, selon France Bleu Nord (3 octobre 2020).
Quand on sait la catastrophe écologique que représente le transport aérien, responsable de 5 % des émissions totales du pays (15 % des transports), son rôle d’accélérateur de la mondialisation et sa fiscalité dérogatoire, ce combat est à la fois juste et exemplaire de ce qu’il faut faire dans le cadre de ce monde d’après dont on nous rebat les oreilles. Plus jamais ça ! (1).
« Il faut stopper la croissance du trafic aérien et donc stopper ce type de projets« , dit Jonas Hériteau, d’ANV, au journaliste de France Bleu, ajoutant que les liaisons à l’intérieur du territoire français doivent être supprimées là où il y a des lignes de train existantes.
C’est tout un secteur ayant subi de plein fouet la crise sanitaire, qui doit être repensé en lien avec les personnels et les usagers. Tout en sachant qu’il est vain d’espérer pouvoir continuer à transporter des marchandises aux quatre coins du monde et à prendre l’avion comme on prend le métro, aussi bien pour les voyages d’affaire que pour le tourisme. Des solutions sont préconisées par les syndicats du secteur, des associations citoyennes ou des politiques (François Ruffin et Delphine Batho pour leur projet de « quota carbone indivuel »). On ne va pas rejouer la taxe carbone, mais il faudra bien des changements dans les mentalités et les habitudes.
Le juste chemin d’une transition écologique ne passera pas en tout cas par l’avion.
La récente victoire du collectif Novissen contre la fameuse ferme des 1000 vaches doit nous conforter dans nos luttes, avec une preuve nouvelle administrée que le pot de terre peut parfois triompher du pot de fer.
(1) : dossier Ligne d’Attac n °127 – janvier 2021. Aérien, ouvrir le chemin d’une juste transition écologique.
13 janvier 2021