Le site de Didier Delinotte se charge

VERT BAUDET : LE BÂTON SANS LA CAROTTE

Sophie Binet avec les grévistes du Vertbaudet. Photo Libération (avec leur aimable autorisation). Lutte ! ouvrière.

Cela fait plus de deux mois que la lutte des salarié-e-s du Vert Baudet, portée par l’U.L CGT de Tourcoing, défraie la chronique régionale. Une lutte qui a pris une ampleur nationale avec les récents développements répressifs et la venue de Mélenchon au siège pour soutenir les grévistes. « Gloire aux grévistes ! » a-t-on pu entendre clamer la foule lors de ce meeting. Une lutte exemplaire, comme on dit, qui oppose des femmes aussi volontaires que mal payées et mal considérées, à un patronat autiste et à des syndicats jaunes. Récit d’une lutte ouvrière et de ses différentes étapes, de Tourcoing à Marquette-lez-Lille.

Le petit Baudet devenu la proie de la finance internationale.

Augmentations de salaires (la demande est de 150 €) ? Verboten au VertBaudet. Pour le vieux tourquennois que je suis, des entreprises comme La Blanche Porte, Le Vertbaudet ou Willemse France ont longtemps fait partie du décor d’une ville en désindustrialisation chronique. La VPC devait remplacer le textile, comme à Roubaix.

Le Vertbaudet est une entreprise née en 1963 qui se spécialise dans les vêtements pour enfants, ou plutôt pour bébés envoyés par correspondance. Historiquement, ce sont les Dewavrin, l’une de ces familles ayant fait fortune dans le textile, qui lanceront l’affaire mais les héritiers refuseront de reprendre l’affaire familiale et la branche textile sera délocalisée en Bulgarie, pour une banale histoire de coût de la main-d’œuvre. L’activité VPC sera reprise par le groupe La Redoute et cédée à François Pinault et à son groupe Pinault-Printemps-Redoute en 1992. Vertbaudet se verra ensuite intégré à la marque Redcats que Pinault se décidera à céder « par appartements ».

La petite marque locale de vêtements pour enfants par correspondance va devoir affronter les vents mauvais de la mondialisation capitaliste.

Déjà, en décembre 2012, une pétition « Noël sans sexisme  au Vertbaudet» signée par 3000 personnes, alerte sur des comportements sexistes à l’égard de membres d’un personnel majoritairement féminin. Un malheur n’arrivant jamais seul, Pinault cède Vertbaudet et sa sous-marque Cyrillus à un fonds d’investissement – Alpha Private Equity 6 – qui procède par LBO (Leverage Buy Out), technique consistant à racheter une entreprise par emprunt en se servant dans les actifs pour redémarrer l’affaire en vue de la revendre, avec effet de levier. Quelques magasins en France, à Montpellier ou à Dijon, ferment leur porte et la préparation des commandes est sous-traitée. Inutile de préciser que les effectifs fondent.

En juillet 2021, Vertbaudet est racheté par un autre fonds d’investissement, Equistone Partners Europe (un champion de l’évasion fiscale selon Éric Bocquet, un connaisseur), dont le directeur n’est autre que Édouard Fillon, le fils de… Les chiens ne font pas des chats. Encore un LBO réalisé grâce au concours de la BNP Paribas pour 200 millions d’Euros. Alpha avait acheté à Pinault pour 100 millions et il ne peut pas suivre, d’autant que le deal comprend aussi le rachat des dettes. Le groupe CVG (Cyrillus Vertbaudet Groupe) est donc repris par Equistone, mais le groupe ne détient pas tout le capital ; des parts revenant à l’équipe dirigeante de Vertbaudet. Le siège social est revendu et le Vertbaudet réintègre ses murs, à Tourcoing, entre la Gare et le quartier de La croix rouge. Le Baudet en aura vu de toutes les couleurs et la petite entreprise est devenue la proie de la haute finance internationale, basée à Londres.

Les raisons de la colère.

Le siège et les bureaux se situent donc rue Winoc Chocqueel à Tourcoing, quand les entrepôts sont à Marquette-Lez-Lille, là où grévistes et militants ont installé leur camp de base, une grande tente où on boit un coup et où on discute des stratégies d’action et des tâches à répartir. Un camp qui sera remplacé par des parpaings pour interdire l’accès.

Il s’agit de la première grève en 60 années d’existence de la boîte, pour des augmentations de salaire. Il faut dire que les petites mains du groupe, les ouvrières de Marquette, sont payées un peu plus que le SMIC et qu’elles sont souvent à temps partiel. Donc, moins qu’un SMIC en réalité. Elles peuvent parcourir, du fait des contraintes de leur emploi, une bonne vingtaine de kilomètres par jour.

La direction propose une prime type Macron, bien sûr exonérée d’impôts et de cotisations sociales et l’accord est signé par la CFTC, premier syndicat du site, et par F.O. Elle parlera ensuite de NAO anticipées. 82 grévistes pour un effectif total de 225 salariés. La CGT soutient la grève et appelle au boycott de la marque, tandis que la direction annonce son intention d’embaucher 84 intérimaires afin de remplacer les grévistes. Une direction qui plaide en justice « l’accroissement temporaire d’activité », et porte plainte pour « dégradations, menaces, violences physiques et occupation de propriété privée ».

Si de légers heurts entre syndicalistes, grévistes et non grévistes ont pu avoir lieu, la direction évoque des agressions « à la barre de fer » sur France 3, alors que rien de tel n’a eu lieu, si ce n’est des interventions policières pour « dégager » le site. Elle parlera aussi de « bris de portes et de fenêtres » quand le préfet, lui, parlera « d’incendie volontaire d’un poste électrique ». Toutes allégations non fondées et le site Streetpress, en revanche, publiera deux vidéos témoignant de violences policières à l’égard des syndicalistes.

Car la répression aura été rien moins que sévère, avec le kidnapping d’un syndicaliste emmené dans une voiture et relâché quelques kilomètres plus loin, sans son portefeuille, après avoir été gazé et jeté à terre. Il avait été témoin d’un début d’étranglement d’une salariée qui sera traînée sur plusieurs mètres, ce qui lui vaudra 4 jours d’ITT. Des méthodes qui fleurent bon les syndicats patronaux de type CFT ou le SAC et ses milices. Un autre syndicaliste a reçu la visite de policiers à son domicile et a été agressé devant chez lui. On parle aussi de propos sexistes, ce qui semble inscrit dans l’ADN des dirigeants de l’entreprise. En plus, des charges contre les abris des grévistes et des gardes à vue musclées avec un observateur de la CGT qui présente des contusions, une côte cassée et des hématomes. Il portera plainte en ajoutant des propos inadmissibles – menaces et insultes – proférés contre lui lors du trajet entre le site et le commissariat. On ne fait pas dans la dentelle côté forces de l’ordre, et la LDH, invitée sur le site, publiera un appel à soutien tout en dénonçant ce climat délétère.

À la suite de ces incidents, 6 salariées seront convoquées par la direction pour un entretien préalable à licenciement ; l’entreprise excipant que le piquet de grève est illégal puisque situé dans sa propriété. L’élue CGT fait partie du lot, bien évidemment.

Médias et meeting.

La presse nationale, après la presse locale, s’empare de l’affaire. La Voix du Nord, après avoir suivi la chronologie des faits, interviewe des non-grévistes, comme gage d’objectivité. On pense aux « 5 minutes pour les Juifs, 5 minutes pour Hitler » du regretté Jean-Luc Godard. Libération (27 mai 2023), sous la plume de sa correspondante régionale Stéphanie Maurice, interroge à son tour les non-grévistes qui pestent contre les pressions exercées par les grévistes et la CGT. Brigitte Liso, députée macroniste, dit qu’on est allés trop loin et craint que la concurrence, qui fait rage (on est près de la Belgique) ne coule définitivement l’entreprise. Silence du fils Fillon qui doit avoir d’autres chats à fouetter, on le comprend. Une manifestation au siège de Equistone ne l’a pas perturbé. On peut souligner la qualité du travail de L’Humanité qui a rendu compte régulièrement des événements, certes avec un a priori pour les grévistes, mais avec une information précise et de qualité. Le Monde a publié une tribune de soutien signée par une centaine d’artistes dont Adèle Haenel et Corinne Masiero.

Au meeting du 22 mai, on a droit aux discours de l’UD CGT, de la déléguée syndicale Allison Glorieux (un nom prédestiné?), de la LDH et des politiques : PCF, EELV, P.S et LFI. La NUPES dans la rue. Devant la camionnette de la CGT, les orateurs se succèdent, criant tous à l’injustice sociale, à la répression et à l’atteinte aux droits, sur fond de mobilisations sur les retraites et de Macronie féroce. Chacun appelle évidemment à donner aux caisses de grève. Les quelques 300 personnes agglutinées dans la rue crieront en chœur : « gloire aux grévistes ».

Dans une interview à France Inter, le lendemain, Olivier Véran, porte-parole du gouvernement, dira que Mélenchon n’a même pas eu la décence de parler des trois policiers tués dans un accident de la route à Villeneuve d’Ascq. Pas de pot, Méluche avait commencé par ça. Encore une vérité alternative d’un gouvernement national-libéral qui n’en finit plus de choyer les puissants en – corollaire – réprimant le peuple. « Gloire aux grévistes », donc, et admiration pour leur courage.


Épilogue (Pascal Vergote)
Enfin  au terme de plus de 2 mois et demi de grève les salariés de Vertbaudet ont accueilli la nouvelle  avec soulagement vendredi 2 juin au soir : la direction consentait   enfin  
à augmenter les salaires un protocole de fin de gréve était conclu avec les représentants CGT  Il comprend la levée du piquet de gréve à compter du samedi 3 juin à minuit,et le retour au travail des soixante douze grévistes mardi 6 juin  a indiqué Vertbaudet dans un communiqué

Épilogue d une longue et emblématique bataille menée depuis le 20 mars par ces salariés de l’ entrepôt logistique de la marque de vêtements  pour enfants  à Marquette lez lille. Des femmes pour la plupart. Si ces préparatrices de commande se sont mises en gréve pour la première fois de leur vie c est contre le  0% d augmentation de salaires lors des négociations annuelles obligatoires  N.A.O malgré l inflation. L accord signé par  FO et la CFTC (majoritaires) ne prévoyait que des primes

La grève du VERTBAUDET débouche sur une revalorisation des salaires .
Un protocole de fin de gréve a mis un terme vendredi soir au mouvement mené depuis le 20 mars par 72 salaries de l’ entrepôt Vertbaudet de Marquette lez lille. Aucune sanction ne sera prise.


3 juin 2023

épilogue d’épilogue, il s’agit de NAO anticipées et gageons que la direction va considérer que ces NAO seront valables pour 2024. Un nouveau mouvement social en perspective ?

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