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LES BYRDS : 50 ANS QUE LES OYSEAUX NE CHANTENT PLUS

Les Byrds en 1966, après le départ de Gene Clark. Dessin piqué sur Wikipedia, auteur anonyme. The Byrds have flown…

Précurseurs du Folk-rock avant d’aller vers le psychédélisme, le free jazz, le raga indien et la country, les Byrds, de Los Angeles, furent l’un des groupes les plus novateurs de l’histoire du rock. Formés en 1964, ils se sont séparés en 1973 après un dernier album raté réunissant la formation originelle. Roger Mc Guinn aura joué le rôle de sergent-recruteur, formant des musiciens en les portant vers l’excellence tout en en virant d’autres sans ménagement. Histoire de ces oyseaux-là qui, sur les brisées de Dylan, auront contribué à faire de la Pop music l’un des beaux-arts. Bye bye Byrds !

Dylan aurait inventé le Folk-rock lors de son set au festival de Newport où il a laissé la guitare sèche au magasin des accessoires pour jouer de la guitare électrique, avec des musiciens pop dont Al Kooper ou Michael Bloomfield. Le Folk-rock va essaimer à New York et, surtout, en Californie, à Los Angeles plus précisément, avec les Turtles, les Mamas And The Papas, Sonny & Cher, le Buffalo Springfield, Love et, ceux qui brandiront au plus haut l’esprit du genre, les Byrds.

On a d’abord les Jet Sets avec quelques ex-musiciens folk comme Jim Mc Guinn, de Chicago, guitariste de Bobby Darin ; David Crosby, de Los Angeles, retourné en Californie après avoir tenté sa chance à Greenwich Village et Gene Clark, qui joue de la mandoline chez les Dillards, un groupe de Country’n’western du Midwest.

Les Jet Sets deviendront les Beefeaters (du nom d’une marque de gin) pour être plus en phase avec l’invasion du British Beat et du Swinging London. Se sont joints au trio initial Chris Hillman à la basse et Michael Clarke (simple homonymie avec l’autre) à la batterie. Les cheveux ont poussé et les Beefeaters lorgnent du côté des Stones pour l’image, et de Dylan pour la musique.

Un couple de producteurs – Eddie Tickner et Jim Dickson – va faire des Beefeaters les Byrds, en les faisant tourner dans les clubs de L.A, le Troubadour et le Ciro principalement, et en leur proposant de reprendre des chansons de Dylan. Terry Melcher, le fils de l’actrice Doris Day, est de l’aventure et il produira les premières galettes des Byrds. Au Troubadour, des acteurs d’Hollywood comme Peter Fonda ou Jack Nicholson viennent applaudir le groupe qui acquiert vite une renommée nationale.

C’est d’abord Preflyte, un excellent premier album qu ne paraîtra qu’en 1971, avec déjà des petits trésors mélodiques (« You Showed Me », « She Has A Way ») et déjà le splendide « Here Without You », signé Gene Clark, qui figurera sur leur premier album officiel.

Il sort en juin 1965 après la sortie de leur premier 45 tours, une reprise électrique du « Mr Tambourine Man » de Dylan, un hit imparable. La douze cordes Rickenbacker à son de cloche de Mc Guinn donne des ailes à leurs reprises de Dylan (4) mais aussi à leurs propres chansons qui mettent en valeur le talent exceptionnel de Clark, seul ou avec Mc Guinn.

Turn ! Turn ! Turn ! (un titre repris d’une chanson de Pete Seeger d’après le Cantique des cantiques), leur deuxième album, sort en décembre 1965. Moins de reprises de Dylan, toujours les chansons magnifiques de Clark (« The World Turns Around Her », « If You’re Gone ») et une montée en puissance de Mc Guinn et Crosby pour des compositions originales.

Les Byrds, vus par les journalistes comme « la réponse américaine à l’invasion britannique », partent en tournée en Angleterre où ils fraternisent avec les Beatles autour d’un joint. Mais Gene Clark, l’oiseau qui ne savait pas voler, n’a pas suivi la tournée, par peur de l’avion. À un moment où les Byrds atteignent au succès mondial, Mc Guinn, qui a pris désormais les rennes en évinçant son trio de managers – producteurs, le vire et le pauvre Clark tentera une carrière en solitaire.

En juillet 1966 paraît 5th Dimension, l’un des albums les plus originaux de l’histoire de la Pop music. Fini le Folk-rock et les reprises de Dylan ; les Byrds mettent dans leur rock le jazz d’un Coltrane, le raga d’un Ravi Shankar et le psychédélisme ambiant pour une ode futuriste à l’espace et au futur. « Eight Miles High » est un petit bijou tout en progression d’accords et les compositions de Mc Guinn (« 5th Dimension » ou « Mister Spaceman ») sont on ne peut plus inspirées. Mais l’album ne rencontre pas le succès public des deux premiers et les Byrds, réduits à quatre unités, vont revenir aux recettes ayant fait leur succès. La tête dans les étoiles, mais les pieds dans la prairie. Les cow-boys de l’espace, comme on les appellera, vont concilier leurs racines inscrites au plus profond de l’Amérique avec leur goût du futur et de l’exploration spatiale . Ce sera Younger than yesterday, en février 1967, qui n’est pas loin d’être leur meilleur album.

On assiste ici à la montée en puissance de Chris Hillman, qui compose avec Mc Guinn la plupart des morceaux et y va de ses premières compositions comme ce fabuleux « Have You Seen Her Face » où son jeu de basse impressionne, ou encore le superbe « Thoughs And Words ». Les Byrds reprennent le chemin des hit-parades avec « So You Want To Be A Rock’n ‘roll Star », satire puissante du vedettariat pop, et Crosby se fait discret, si c’est possible, co-signant l’émouvant « Renaissance Fair » mais flirtant avec l’emphase pour « Mind Gardens ». Côté reprise, le « My Back Pages » de Dylan, sûrement leur meilleure adaptation du Rimbaud du Minnesota.

Puis David Crosby est remplacé par un cheval, allusion à ses problèmes d’héroïne. La pochette de Notorious Byrd Brothers (janvier 1968), nous les montre à trois, photographiés dans des stalles. Un pur émerveillement que ce disque, avec la magnifique reprise du « Goin’ Back » de Goffin – King, mais aussi l ‘immense « Get To You », leur plus grande chanson, sans conteste.

Réduits à trois unités, Mc Guinn va se mettre à recruter, d’autant que Michael Clark veut aussi claquer la porte. Ce sera d’abord Kevin Kelley à la batterie et un jeune guitariste prodige issu d’une grande famille du sud profond : Gram Parsons. Des Byrds new-look qui vont enregistrer à Nashville leur bible Country : Sweetheart of the rodeo (novembre 1968). La galaxie hippie, ou ce qu’il en reste, est abasourdie : le groupe phare du psychédélisme est allé enregistré des reprises de Country’n’western avec des requins de Nashville. Pire, les Byrds se produisent dans la foulée au Grande Ole Opry, la grand-messe des Rednecks. Pour aggraver encore leur cas, ils entament une tournée dans l’Afrique du Sud de l’apartheid. Mc Guinn s’en défend mollement devant ceux qui lui demandent des comptes.

Avec de nouveaux musiciens, John York, Gene Parsons et Clarence White, les Byrds sortent Doctor Byrds & Mister Hyde en mars 1969. Pas ce qu’ils ont fait de mieux, malgré leur reprise de « This Wheel’s On Fire » du Band et leur « Drugstore Truck Driving Man », une chanson sur un routier du vieux sud chef du Ku-Klux Klan qui sera reprise par Joan Baez. Changements incessants de personnel, albums de moindre qualité, on ne donne plus cher de la survie des Byrds, en quoi on se trompe.

Chris Hillman s’en va fonder les Flying Burrito Brothers avec Gram Parsons, entre autres, et Skip Batin, vieux complice de Kim Fowley, le remplace à la basse. Kelley et York sont partis et le groupe s’est stabilisé avec les trois nouveaux venus.

Les Byrds composent l’essentiel de la bande-son du film de Denis Hopper Easy Rider qui sort sous le titre Ballad of easy rider, avec la chanson titre cosignée par Mc Guinn et Dylan. Le grand retour des Byrds avec la reprise du « Refugees » de Woody Guthrie et celle de « It’s All Over Now » de Dylan. Le film triomphe au box-office et les Byrds ont un nouveau hit international.

Untitled est un double album avec un disque live et un disque studio qui contient plusieurs de leurs meilleures chansons : « Chesnut Mare » ou le poignant « Welcome Back Home » sur les vétérans du Vietnam de retour au pays. En public, une longue version jazzy de « Eight Miles High » de 16 minutes enregistrée à New York. L’album de l’année 1970 pour Rolling Stone.

Ils passent en vedette dans les festivals européens, à Rotterdam puis à Bath (Angleterre).

1971 ne sera pas une grande année pour les Byrds, avec deux albums catégorie moyen – médiocre, Byrdmaniax en mai et Farther Along en novembre où on voit les Byrds renouer avec la Country.

Dernier tour de piste au Midem de Cannes en janvier 1972 et tournée américaine au printemps avec un dernier concert calamiteux à Passaic (New Jersey), avant dissolution et reformation avec les membres originaux pour un dernier opus largement dispensable.

Mc Guinn, devenu Roger après une adhésion à une secte de born again christians, rejoindra la Rolling Thunder Review dylanesque quand Crosby fera des albums avec Graham Nash, la plupart des autres continuant avec différents groupes country dont les fameux Flyin’ Burrito Bros. Exit les Byrds, éternel phénix du rock américain. Ils seront à l’origine de toute la vague Country-rock des années 1970 et, au-delà, resteront l’expression musicale la plus inspirée de l’Amérique des droits civiques, du Vietnam et de la conquête de l’espace. Eight miles high, toujours…

3 décembre 2023

Didier Delinotte – Les Byrds, cowboys de l’espace – 1994 réédité en 2016 chez Camion Blanc.

Comments:

Merci Didier pour cet important rappel. Je les ai vus au Fillmore West fin 1969 ou début 1970. Pas leur meilleure époque, mais excellent concert malgré tout. Pour la petite histoire, le seul des Byrds à jouer son instrument dans la chanson Mr. Tambourine Man est McGuinn avec sa douze cordes Rickenbacker. Tout comme les Beach Boys de l’époque, ce sont les musiciens de la Wrecking Crew qui jouent le reste.

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