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STADE DE REIMS: MORNE SAISON

Champagne ? Si on gagne. Bière si on perd. Banyuls si match nul

Au bout d’une saison médiocre, mon club de cœur, le Stade de Reims, termine dans le ventre mou du championnat, près du bas-ventre en fait, à la quatorzième place. Une triste saison avec un départ catastrophique, une coupe d’Europe ratée et une fin de championnat calamiteuse. On dira que ça aurait pu être pire et que les Rémois auraient bien pu tâter à nouveau de la Ligue 2. On se consolera surtout avec quelques révélations sur le terrain, malgré, côté vestiaires, le limogeage de David Guion. Un bilan globalement négatif.

Il y a en football, comme en économie, des cycles. Pour le Stade de Reims, ce sont des cycles de 4 ans au plus haut niveau, avant la chute. 2012 à 2016 en ligue 1 avant relégation et on peut craindre que 2021 soit une fin de cycle débuté avec la montée à l’issue de la saison 2017 – 2018, après une saison magique où le club a dominé la Ligue 2 de la tête et des épaules. Ce fut aussi la première saison pour le sympathique David Guion, excellent technicien et homme de cœur.

C’était le Stade des Julien Janvier, des Danilson Da Cruz et surtout de l’excellent brésilien Diego Rigonato Y Ramirez, dit Diego. La période des transferts ne présageait rien de bon. Les départs consécutifs d’Axel Di Sasi à l’AS Monaco, du capitaine Romao à Guingamp, d’Hassane Kamara à Nice et, surtout, de Rémy Oudin chez les Girondins de Bordeaux. Dans les arrivées, on avait une armada de joueurs étrangers grossissant la légion internationale déjà en place, les Foket, Cassama, Zenelli, Kutesa, Sierhuis, Donis et autres Munetsi. On avait donc Berisha, soit-disant un cador kosovar venu de la Lazio Rome après avoir joué en Allemagne, Hornby, un jeune écossais évoluant en Angleterre, Faes et Desmet, deux autres belges en défense. De quoi voir venir, pensait-on. Sans parler des jeunes pousses sur le point d’éclore, les M’Buku et El Bilal Touré. Le reste ? Ceux qui restaient, soit du solide, avec Rajkovic dans les buts, Konan et Abdelhamid en défense, Chavalerin, Cafaro et Doumbia au milieu et Dia en attaque. Solide ? Pas tant que ça.

Le début de saison est donc raté. Ça commence par un nul méritoire à Monaco et une défaite à domicile contre Lille, qu’on imaginait pas champion à l’époque. Un total de 2 malheureux points en 7 matchs avant un nul à Rennes alors leader (2-2), une victoire inespérée (0 – 4) à Montpellier et une rechute à domicile contre Lorient (1-3). C’est la période où on compte un ou deux expulsés par match ; des blessés et des suspendus en pagaille.

On met les contre-performances sur le compte de la Coupe Europa où Reims est engagé. Une victoire contre le modeste Servette Genève au premier tour et une défaite au second (il n’y en aura pas de troisième pour eux) contre un petit club hongrois. Hongrois rêver ! Le problème est plutôt à chercher du côté des transferts et de choix contestables. Wout Faes n’a pas remplacé Di Sasi en défense, une défense réputée la meilleure la saison dernière et qui prend l’eau cette année. Oudin manque en attaque et, surtout, les recrues étrangères sont en-dessous de tout : Berisha transparent, Hornby s’en ira sans presque avoir joué, Sierhuis, blessé l’an dernier, n’a toujours pas marqué en Ligue 1, record égalé par le Grec Donis, transféré au mercato d’hiver, 0 but en deux saisons pleines ; à quoi s’ajoutent en défense Marevic et De Smet, fébriles et maladroits.

Ça s’arrange à la fin des matchs aller avec quelques points glanés à l’extérieur (victoire à Bordeaux et nuls à Marseille comme à Lens) et aussi – enfin – des victoires à domicile (Nantes, Strasbourg ou Saint-Étienne). On croit presque revenu le Reims des années précédentes, le petit qui n’a pas peur des gros et qui s’en va défier régulièrement les grosses cylindrées (PSG, Lyon, Monaco…).

Très vite, on déchante. Même si Reims va encore chercher des points précieux à l’extérieur et que Wout Faes a trouvé ses marques en défense quand Boulaye Dia est juste derrière M’Bappé au classement des buteurs à l’automne. Mais l’éclaircie est de courte durée. Victoires quand même à Strasbourg, à Nantes et à Dijon, mais nombreux 0-0 à domicile. En coupe de France, Reims s’incline dès son entrée en lice contre le Valenciennes FC, 4 à 3. Boulaye Dia, qui avait marqué 14 buts (près de la moitié sur penalties) dont un à la Maradona à Lens, ne marque plus et Rajkovic n’a plus cette assurance dans ses buts qui en faisait la clé de voûte d’une défense de fer. Il relâche des ballons et commet parfois des erreurs de débutants.

Et puis c’est le mois de mai et, fin avril, après un nul méritoire à Nîmes sur un but égalisateur casquette d’un nouvel entrant du nom de Flips, c’est la douche froide avec quatre défaites de rang : défaites à domicile contre Marseille et Monaco. Carton contre le PSG et, pour finir en beauté, cette défaite humiliante chez eux, contre un Bordeaux agonisant. Le Stade rate sa sortie et les joueurs qui souhaitaient récompenser leur entraîneur par une dernière victoire, sont incroyablement passifs, sans idée, dépassés, à l’image des quelques remplaçants incapables d’apporter de la fraîcheur physique dans une équipe en bout de piste.

L’entraîneur, David Guion, en était à viser la 12° place, après que tout danger de relégation ait été écarté. Au fil des conférences de presse d’après défaites, il plaide la jeunesse de son effectif, le manque de réussite chronique, l’impuissance dans la surface de vérité et la sévérité de l’arbitrage qui n’épargne pas ses troupes. Un peu léger comme argumentaire, mais c’est de bonne guerre, on dira. Quand le Reims de la saison dernière savait fermer la boutique après un premier but, l’équipe de cette saison a coutume de marquer assez tôt avant de se faire rejoindre rapidement, voire dépasser pendant les arrêts de jeu. Le cru champenois 2020-2021 est médiocre et les œnologues, comme les supporters, ne retiendront pas cette année-là.

Ces plaidoyers pro domo n’ont pas l’heur de plaire à la direction qui attendait mieux. Guion est désavoué par le président Caillot et le directeur sportif Didier Perrin. Stéphane Dumont, le préparateur physique, le suit. Il faut absolument commencer un « nouveau cycle » (comme ils disent) et le pauvre David n’est plus l’homme de la situation. On lui préfère un entraîneur espagnol du nom d’Oscar Garcia Junyent (dit Oscar tout court), ex joueur ayant fait banquette au Barça avant d’être titulaire à l’Espanol de Barcelone et à Valence. Comme entraîneur, Garcia a fait un passage en France, à l’AS Saint-Étienne où on l’a viré après quelques matchs perdus. Les risques du métier. Il a eu plus de chance avec le RB Salzbourg et un titre de champion du peu prestigieux championnat autrichien. À part ça, une tripotée de clubs (Maccabi Tel Aviv, Brighton, Watford, Olympiakos, Celta Vigo) pour des résultats moyens et une réputation de technicien émérite un rien surfaite. Ça n’empêche pas le staff d’avoir les yeux de Chimène pour lui (normal pour un Espagnol). S’il y a bien la menace d’une fin de cycle, on peut légitimement craindre que ce n ‘est pas le brave Oscar qui va permettre de l’enrayer et de redémarrer sur de bonnes bases. Alors, la descente l’année prochaine ? C’est à craindre, d’autant qu’il y aura quatre équipes au tapis.

David Guion, qui avait succédé à Michel Der Zakarian, s’était quand même payé le luxe de remporter un superbe titre en Ligue 2 avant d’accrocher une place en milieu de tableau (saison 1), puis une 6° place qualificative en coupe d’Europe (saison 2). Excusez du peu. Le tout avec un effectif composé essentiellement de jeunes joueurs et d’espoirs du football européen ; certains se révélant d’ailleurs d’éternels espoirs, mais passons…

En tout cas, la saison se présente mal. Le billet de sortie est accordé à Boulaye Dia, déjà convoité par l’Olympique de Marseille la saison dernière, et à Nathanaël M’ Bucku, qui s’affirmait de match en match jusqu’à devenir un titulaire incontestable. Les recrues ? Aucun nom ne circule pour le moment à part, bien sûr, le nouvel entraîneur. À part un gardien quadragénaire, Penneteau, destiné à jouer les seconds rôles. Ça ne se bouscule pas au portillon et on sent bien que, dans un marché des transferts atone pour cause de pandémie, on sera bien obligés de faire avec ce que l’on a.

Car c’est tout le football professionnel qui s’apprête à souffrir, avec (voir les chapitres précédents) le fiasco des droits télé, l’absence de spectateurs, un sponsoring à la baisse et, pour couronner ces deux saisons en enfer, cette possible Super League qui a reculé sous les sifflets des supporters et les gros yeux de l’UEFA, mais qui pourrait bien revenir sous une forme moins sujette à caution, disons moins élitiste et un peu plus soumise aux aléas du sport.

Bref, les temps s’annoncent difficiles pour des clubs modestes comme le Stade de Reims, qui veille chaque année à équilibrer son modeste budget en se gardant de toutes dépenses somptuaires. Là où des clubs ont le droit d’accumuler les déficits (Marseille ou Bordeaux), d’autres, moins huppés, n’ont pas le droit à l’erreur et le gendarme financier du football a l’œil rivé sur leurs comptes. Selon que vous soyez puissants ou misérables…

Ça ne nous empêchera pas d’y croire encore et de supporter les rouges et blancs, comme à chaque début de saison, à chaque recommencement où on se dit que cette fois, ce sera la bonne. Les premiers résultats ont souvent tôt fait de nous ramener à la raison, mais on peut rêver un peu, le temps d’un été où tout est virtualité, où rien n’est encore compromis.

Et on repense à cette réponse définitive du grand Bill Shankly (entraîneur du grand Liverpool FC) à la question de savoir si le football était, pour lui, une question de vie ou de mort ? C’est beaucoup plus que ça ! Avait-il répondu, sans rire. Pas mieux.

26 mai 2021

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