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RETOUR À REIMS

Jens Cajuste, l’avenir du stade de Reims ? Photo l’équipe (avec leur aimble…).

Retour à Reims, pour reprendre le titre d’un essai de Didier Éribon sur les transclasses. Ce 1° mai n’était pas la fête du travail chez les footballeurs professionnels. Mais ça valait le coup de se mettre à l’ouvrage, puisque le Stade de Reims s’en va gagner à Lorient (leur bête noire ou l’une d’elles) et sauve sa peau en première division, même s’il n’y avait plus grand suspense après leur victoire contre Lille. Encore une saison difficile, voire laborieuse, où les jeunes pousses (Flips, Ékitiké, Lopy…) ont été encadrés par quelques anciens dont l’inamovible Yunis Abdelhamid qui prolonge encore pour deux ans. Un nom qu’il va bien falloir écrire en lettres d’or au fronton du Stade Auguste Delaune.

Quand on parle d’anciens, il n’y en a d’ailleurs pas des bottes, puisque, à part Abdelhamid, les plus vieux ont 27 ou 28 ans tels les Faes, Focket, Rajkovic, Matusiwa, Konan, Munetsi, Cassama et autres Gravillon. Le reste, une équipe de minots entre 18 et 21 ans avec les attaquants et milieux déjà cités, Ékitiké, Lopy, Flips, mais aussi M’ Buku (international espoir), El Bilal Touré (blessé toute la saison après d’insistantes rumeurs de départ) ou Maxime Busi, le Liégeois venu de Parme.

On ne dira jamais assez ce que le Stade de Reims actuel doit à la Belgique, avec des défenseurs internationaux comme Focket et Faes ou un milieu comme Busi, sans parler des joueurs qu’ils sont allés pêcher dans le championnat néerlandais, à Hereenven, Arnhem ou Groningue. Tel est le cas du milieu Azor (nom d’un chien!) Matusiwa ou du Kosovar Arber Zenelli. Tel est encore le cas du malheureux Mitchell Van Bergen, incapable de marquer le moindre but malgré plusieurs titularisations aux avants postes. Des attaquants muets, Reims s’en est fait une spécialité avec l’Écossais Hornby ou le Grec Donis, 0 but malgré plusieurs entrées en cours de jeu. Il faut dire que le Stade entretient la particularité d’avoir ses buteurs à l’arrière : Faes et Abdelhamid ayant souvent été décisifs pour, d’un coup de tête rageur, débloquer l’issue d’un match.

Pourtant, on ne fanfaronnait pas trop en début de saison. Le recrutement de Matusiwa avait fait fuir Xavier Chavalerin chez les rivaux troyens alors que les autres arrivées étaient rares : Gravillon venu de Lorient en défense centrale (qui serait désormais une défense à trois) et Ilan Kebbal, pas vraiment une recrue mais un retour de prêt de l’U.S Dunkerque. Pas de quoi se rassurer. D’autant que le buteur maison, Boulaye Dia, avait son billet de sortie pour Villareal, demi-finaliste de la Coupe d’Europe, où il n’aura fait que des bouts de matchs. Dia, la gazelle des surfaces, aura pu rejoindre le Fennec Aïssa Mandi, lui aussi trop souvent condamné à jouer les utilités dans un effectif où la qualité appelle la concurrence.

Le changement d’entraîneur n’était pas non plus pour fait pour apaiser les craintes. Un Oscar Garcia grassouillet s’exprimant difficilement en français qui avait lâché au beau milieu du championnat : « pour l’instant, on ne regarde pas le classement ». Soit. Franchement, on lui préférait le sympathique David Guion, entraîneur dans la tradition des éducateurs humanistes qui aura été incapable d’éviter le naufrage bordelais.

En gros, on faisait confiance à la jeunesse, et on avait en partie raison. Étikité, avant sa blessure, totalisait 9 buts au compteur et M’Buku faisait des entrées remarquées, même si chiches en buts. Au milieu, Flips ou Lopy assuraient tant bien que mal avec Bradley Locko en défense et des apparitions du Malien Kamory Doumbia, homonyme de Moussa un peu éteint cette saison, ou du jeune Adeline. Bref, du sang neuf mais une maturité qui reste à acquérir et ne s’obtient d’autant plus facilement qu’avec le concours des vieux briscards et de leurs précieux conseils.

Cette saison en particulier, l’infirmerie est restée pleine et les éclopés s’y sont succédé, les anciens laissant leur place aux nouveaux. À telle enseigne que le préparateur physique a fini par se faire licencier, accusé de trop forcer sur la musculation et le travail de fond. Le Kosovar Arber Zeneli, la perle de cette équipe, est ainsi encore resté plus de 6 mois loin des stades, rejoint par Ékitiké, Gravillon, Munetsi et Focket (liste non exhaustive, puisque tout le monde y est passé).

Garcia avait en plus décidé de ne pas faire appel aux services de Moussa Doumbia, jugé trop peu collectif et, surtout, de Mathieu Cafaro, trop inconstant, qui partira tenter sa chance chez d’autres rouges et blancs, ceux du Standard de Liège. Pour une fois que Reims envoie un joueur en Belgique, d’habitude c’est l’inverse (ou l’Anvers?).

Rien de rassurant donc à l’entame de la saison, sinon qu’on pouvait toujours compter sur les valeurs sures : Rajkovic dans les buts, le Serbe ayant encore souvent sauvé les meubles par ses parades et ses arrêts réflexes ; Abdelhamid en défense centrale, métronome impeccable aussi bon dans les interceptions que dans les relances et les milieux Cassama et Munetsi, buteurs en début de championnat, même si le Guinéen (Bissau) Moreto Cassama atteint vite ses limites physiques et s’est un peu étiolé en fin de championnat.

On n’a pas vu certains rémois, comme chaque année, notamment Valon Berisha, l’autre Kosovar qui n’a fait que des bouts de matchs et s’est surtout rendu célèbre pour recevoir des cartons. On n’a pas vu non plus Donis, Van Bergen, Hornby, comme on n’avait pas vu Seerhuis l’an dernier. Des joueurs fantômes, souvent transparents, qui n’ont pas pris une grande part au sauvetage.

Car on a surtout joué le maintien, depuis le début de la saison. Pas de folles ambitions cette saison et le coup la 6° place en 2020 (avec Coupe Europa en prime) paraissait injouable. Restons modestes.

Sans revenir dans le détail sur tous les matchs (on est pas David Peace, ça se saurait, qui a fait ça sur quinze saisons avec les Reds de Liverpool dans le fameux Rouge ou mort), on peut quand même tracer les grandes lignes et tirer les enseignements.

Contrairement à l’adage usuel, Reims est fort avec les gros et faible avec les petits. Ça s’est encore vérifié cette saison avec des victoires à l’extérieur inespérées (à Rennes, à Lyon, à Monaco et une à Marseille qui aurait dû être acquise sans un arbitrage scandaleux) en même temps que des défaites humiliantes contre des clubs qu’on va qualifier de moyens pour ne fâcher personne : deux défaites, à domicile et à l’extérieur, contre Troyes, une défaite à domicile contre le F.C Metz, relégué, une autre à Delaune contre le SCO d’Angers, sans parler de cette avanie à Bordeaux où le Stade menait tranquillement 2 à 0 à un quart d’heure de la fin avant de se faire battre sur le fil avec un penalty discutable dans les arrêts de jeu.

Ce genre de cuisantes défaites a d’ailleurs souvent été leur fait et ce qu’on appelle le « money time » a parfois été cruel, quand les rémois ont été rejoints ou battus dans les arrêts de jeu. Pour être honnête, ils ont parfois fait la décision dans les toutes dernières secondes, comme à Lyon ou à Monaco.

Deux renforts à l’intersaison, l’Italo-belge Busi, déjà évoqué et l’international Suédois Jens Cajuste, venu du club danois de Midtjylland. Une gueule de star R’n’b, une bonne vision de jeu et des passes décisives ajustées. Encore un bon. En coupe, Reims est sorti pas Bastia aux penalties en 1/8° de finale. Pour une fois, Rajkovic n’a pas fait de miracles.

Les performances ou contre-performances d’un club doivent se mesurer au bout de la saison et c’est à la fin du marché qu’on compte les bouses, pour reprendre un proverbe élégant. On verra que les erreurs d’arbitrage, les penalties accordés ou concédés, les expulsions, les avertissements, les faits de jeu contraires ou favorables, tout finit par s’équilibrer dans une sorte de jugement dernier où les dieux du football, dans leur infinie bienveillance, ont veillé à ce qu’il n’y ait ni favorisés ni malchanceux. Même si certaines équipes et leurs entraîneurs en tête n’en finissent pas d’accuser les arbitres ou la VAR d’être responsables de leur infortune.

Un bon point également, c’est que quasiment toute l’équipe a marqué au moins un but et, là où le Stade des années précédentes était souvent dépendant d’un buteur (Dia en l’occurrence), cette saison a vu chacun apporter sa pierre à l’édifice et n’importe qui pouvait se trouver en situation de trouer les filets. On a pu aussi observer et saluer la combativité de l’équipe qui ne s’est jamais démontée et a montré des qualités mentales exceptionnelles, ce qui n’avait pas toujours été le cas dans le passé. Notons aussi que Reims s’en tire avec un goal-average équilibré, là où tous ses rivaux sont dans le rouge. Jamais de cartons, jamais de scores fleuves, sauf en leur faveur contre Bordeaux (5 – 0) par exemple ou en leur défaveur au Parc Des Princes (4-0).

La suite ? On l’espère plus ambitieuse, moins prudente, plus hardie. Il reste trois matches pour la saison, deux à domicile (Lens et Nice) et un à l’extérieur (Saint-Étienne). Pas gagné a priori d’autant que Lens et Nice ont en vue les places d’honneur et la qualification pour l’Europe et que les Stéphanois luttent d’arrache-pied pour le maintien. Mais bon, même s’ils perdaient ces trois matches, la saison aura été plutôt réussie dans l’ensemble, compte tenu des moyens mis en œuvre. Reste à espérer encore quelques recrues venues des Pays-Bas ou du Plat pays et le moins de départs possibles, sinon de joueurs en fin de contrat qui ne se sont jamais vraiment sentis à l’aise dans le club. Il y en a.

On s’est contenté ici d’évoquer la saison du Stade de Reims. On reviendra la fois prochaine sur l’ensemble des clubs pour un exercice qui sera terminé, championnat et coupe comprise. Les tops et les flops, comme ils disent dans l’Équipe, avec les bonnes surprises (Lens, Nantes, Rennes, Strasbourg, Nice…) et les mauvaises (Lille, Lyon, Metz, Bordeaux ou Saint-Étienne). On y ajouterait bien le Paris Saint-Germain, champion, pour ses parcours toujours aussi erratiques en Champions League, mais bon, on s’en voudrait de tirer sur l’ambulance et sur une équipe qui, quoi qu’on en dise, survole encore les doigts dans le nez notre petit championnat de France. Ils pourraient faire tellement mieux !

Allez Reims, qui entamera sa cinquième saison consécutive en Ligue 1. Du jamais vu depuis les années 1970, celles des goleadors argentins Onnis, Santamaria ou Bianchi. Ô nostalgie !

1° mai 2022

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