On aurait pu reparler des New York Dolls après la mort de David Johansen, ou des Damned, certainement le groupe le plus imaginatif de la galaxie Punk après la mort de leur guitariste Brian James. Mais on préférera causer Rhythm’n’blues, un genre pas très évoqué jusqu’ici dans ce blog. Les décès concomitants de Sam Moore (le Sam de Sam & Dave) et de la belle Roberta Flack nous obligent. Do you like soul music, sweet soul music ? On reparlera néanmoins des Damned la fois prochaine. Mother of a fuck’n’rollin’ band !
Sam Moore est décédé le 10 janvier et Roberta Flack lui a succédé le 24 février de cette année.
Le « double dynamite » comme on l’a surnommé, c’était Samuel David Moore et son complice David Pratter, mort longtemps avant, en 1988. Sam And Dave pour tout dire, redoutable duo de rhytm’n’blues agissant pour le compte des disques Atlantic des frères Ertegun.
Leur succès est d’ailleurs un peu paradoxal, puisqu’il n’est bon bec à l’époque que de la compagnie Tamla Motown de Berry Gordy Jr à Detroit. Là où s’illustrent les Supremes, les Four Tops et autres « Little » Stevie Wonder, avant beaucoup d’autres.
Le duo se forme à la suite d’un concours de chanteurs amateurs dans une boîte de Miami, le King Of Hearts. Ils décident d’unir leurs forces et de conjuguer leurs talents pour un premier contrat sur les disques Roulette, un label qui promouvra aussi des groupes comme Tommy James & The Shondells et qui sera réputé tenu par des personnages louches proches de la mafia new-yorkaise.
Après deux singles sur un petit label – Marlin – ils enchaînent avec cinq 45 tours chez Roulette, entre 1962 et 1964. Aucun de ces titres ne se classe dans les charts, si ce n’est dans les classements de musique dite noire, Soul ou Rhythm’n’blues.
Fin 1964, Jerry Wexler, producteur et recruteur de chez Atlantic, leur trouve un potentiel commercial évident et les envoie enregistrer dans les studios Stax à Memphis (Tennessee). Là, ils peuvent profiter des chansons des plus grands songwriters de la musique populaire noir-américaine, à savoir les Isaac Hayes ou David Porter, le tout sur les rythmes de Booker T. Jones & the MG’s ou des Mar-Keys.
Les deux premiers singles commercialisés par Atlantic sont des échecs, que ce soit « « A Place Nobody Can’t Find » ou « I Take What I Want », tout juste un succès d’estime chez les fans du genre. Il faut attendre leur « You Don’t Know Like I Know », en décembre 1965, pour les voir triompher. Le morceau se classe dans les charts et reste 14 semaines en tête des classements rhythm’n’blues. Le titre sera repris plus tard par Ronnie Bird (« Tu en dis trop »), interprété avec brio dans le Bouton Rouge de Pierre Lattès en mai 1967).
Mais c’est 1966 qui sera leur année, taillant des croupières aux groupes de chez Tamla comme aux ténors du genre, de Otis Redding à James Brown. « Hold On ! I’m Comin’ » se classe n°1. Un petit bijou, un classique de la soul avec une mélodie inspirée et un ronflement de cuivres inoubliable. Ce sera, la même année, « Double Dynamite », qui deviendra le surnom de ce duo tonique et doué.
Deux titres, deux « follow up » suivront : « Said I Wasn’t Gonna Tell Nobody » puis le fameux « You Got Me Hummin’ », un autre de leurs hits fracassants.
L’année d’après, ils sont en vedette à la Stax / Volt review du printemps 1967, avec Otis Redding en tête d’affiche. « When Something Is Wrong With My Baby » s’est classé n°2 et le duo a le vent en poupe. La tournée, partie des États-Unis, jouera les prolongations en Angleterre et en France pour la plus grande joie du journaliste Kurt Mohr, spécialiste Soul muic à Rock & Folk. La tournée triomphe en Europe, ce qui donne l’idée aux promoteurs de la prolonger encore avec le Sweet soul tour, cette fois avec Arthur « sweet soul music » Conley et Percy Sledge
« Soul Man » paraît pendant cette tournée et atteindra le n°2 des charts, vendu à un million d’exemplaires en quelques semaines. Toujours composés par Hayes et Porter, leur dernier hit, « I Thank You », sortira en 1968 avant leur chant du cygne, « Soul Sister, Brown Sugar » en 1969. C’est l’année où Sam & Dave, devenus très populaires chez les étudiants blancs comme noirs, font la tournée des universités, d’est en ouest.
Mais leur étoile a pâli et d’autres genres musicaux se partagent l’intérêt des fans (Hark-rock, Blues Boom, Psychédélisme…). D’autant que les deux compères ne s’entendent plus et que des conflits les opposent. La légende veut qu’ils ne se rencontrent plus que sur scène et que, sous les allures joviales, se cachent des drames humains. Ils se battraient en coulisse et Sam Moore serait devenu héroïnomane.
Durant toutes les années 1970, ils passeront leur temps à annoncer leur séparation avant de se retrouver pour des concerts de retrouvaille montés à la diable pour se payer leur dope et leurs impôts. Plus aucun disque ne sortira à l’exception de ce Back at ‘Cha en 1974, un live vite oublié.
Leur « Soul Man » est l’un des titres phare du film Les Blues Brothers et ils essaient de surfer sur ce regain de popularité. En vain, car les soul brothers ou supposés tels se sépareront définitivement après un dernier concert à San Francisco, en 1981.
Ils resteront dans les mémoires comme les artistes les plus célèbres et les plus talentueux du genre, avec Otis Redding, James Brown, Wilson Pickett, Marvin Gaye, Stevie Wonder, Joe Tex et… Roberta Flack.
Roberta Flack est une jeune surdouée originaire de Black Mountain (Caroline du Nord) où elle naît en 1937. Elle chante et joue du piano en virtuose à l’église baptiste de Arlington (Virginie) et entame des études musicales à l’université Howard de Washington. Elle est la première élève noire de la prestigieuse université musicale de Chevy Chase, dans le Maryland mais elle doit abandonner ses études à la mort de son père.
Elle retourne en Caroline du Nord où elle devient professeur d’anglais dans des écoles pour enfants pauvres. Puis c’est Washington à nouveau où elle chante le blues au Tivoli Club pour un parterre de connaisseurs. Bill Cosby (du Cosby Show) la remarque et la fait signer chez Atlantic en 1968.
Elle aurait 600 chansons à son répertoire personnel mais se contente d’en chanter une quarantaine à Joel Dorn, producteur chez Atlantic. Plusieurs d’entre elles seront utilisées pour ses deux premiers albums (First take et Chapter 2, respectivement en 1969 et 1970). Elle fait aussi une reprise du « Just Like A Woman » de Dylan qui lui vaudra un succès d’estime car, si elle peut se targuer de bonnes critiques (notamment dans Rolling Stone), le public ne suit pas et le succès la fuit.
Pour cela, il faut attendre 1971 et le film de Clint Eastwood Un frisson dans la nuit qui met à son générique l’une des premières chansons de Roberta, « First Time I Ever Saw Your Face », une mélodie suave transcendée par des arrangements somptueux. La chanson sort en single et se classe n°1. A star is born !
Après Quiet fire (1971), elle sort son quatrième album en duo avec le chanteur Donny Hathaway. Leur album éponyme sera l’une des plus grosses ventes de l’industrie du disque mondial avec des reprises de Leiber – Stoller (« I Who Have Nothing) ou de Carol King (« You’ve Got A Friend »).
Déjà star dans son pays, elle acquiert un succès international avec le single « Killing Me Softly With This Song », en 1973 et l’album du même titre sorti l’année suivante. Un méga-hit de discothèque qui sera classé n°1 dans tous les charts du monde des mois durant et il faudrait avoir revendu son cerveau à l’institut Pasteur pour ne pas avoir entendu au moins une seule fois cette mélodie soyeuse toute en mélancolie et en douceur.
La suite vaut-elle d’être racontée ? Si son Feel like making love (1975) est encore écoutable, les albums suivants sont médiocres et la belle Roberta, à 40 ans, vit un peu sur sa réputation. Encore une chanson (« This Side Of Forever ») pour le quatrième film de la série Dirty Harry d’Eastwood et des reprises de Burt Bacharach dont ce « Making Love » , chanson du film du même nom de Arthur Hiller. On ne change pas une équipe qui gagne et le trio Flack – Bacharach – Hiller renouera avec le succès avec « Maybe » pour le film Romantic comedy en 1983.
Plus rien de notable à signaler et Roberta Flack refait parler d’elle en 2022 où on,la sait atteinte de la maladie de Charcot. Son dernier album remonte à 2012 avec des reprises des Beatles (Let it be / Roberta Flack sings The Beatles).
Elle nous a laissé ce 24 février où elle décède à l’âge canonique de 88 ans. Roberta Flack était sûrement allergique à l’Amérique de Trump. Avec Aretha Franklin et son amie Dionne Warwick, elle restera comme l’une des grandes voix de la Soul, en mode sexy et suave. Soul sister qui nous tuait doucement avec ses chansons. Et on aimait ça !
30 mars 2025
hi
Merci, Didier, pour ces deux excellents rappels.