Le site de Didier Delinotte se charge

MAGIC BUS : CHRONIQUE D’UNE MOBILISATION.

Depuis presque 3 ans, un collectif issu des 3 comités Attac de la métropole lilloise (Lille, Roubaix – Tourcoing et Villeneuve d’Ascq) se mobilise pour la gratuité des transports publics à Roubaix. Bien que le décideur en matière de transports soit la MEL (Métropole Européenne de Lille, ex Communauté Urbaine), il nous a semblé pertinent de porter cette revendication au niveau d’une ville, dans un souci de démocratie et pour renouer avec la tradition du municipalisme.

Pourquoi Roubaix ?, entend-on souvent alors que vous savez bien que les transports publics dépendent de la communauté urbaine. Simplement parce que nous considérons que la MEL est une structure opaque, à l’abri des regards citoyens, et que celle-ci se compose des maires des communes de la métropole qui y ont un rôle important à jouer, au lieu de se laisser engluer dans un consensus mou technocratique. Voir à ce sujet La politique confisquée, (éditions du Croquant, 2001) l’ouvrage de Fabien Desage (coécrit avec David Guéranger), politiste universitaire qui nous a accompagné dans notre démarche.

Parce que Roubaix est la ville la plus pauvre de France à échelon comparable (40 % de la population en-dessous du seuil de la pauvreté) et que la pollution aux particules fines y bat des records.

Parce qu’à Roubaix, on ne vote plus et que le maire et les élus le sont avec un pourcentage dérisoire de la population en âge de voter (à peine 20 % de participation en moyenne).

Pourquoi nous demandons la gratuité totale ? Pas réservée à une classe d’âge, aux chômeurs ou aux étudiants ou seulement le week-end ? Parce que pour nous, la gratuité doit être totale et inconditionnelle, afin de soustraire cette activité au secteur marchand dans le souci du bien commun, comme pour l’eau par exemple, une autre mobilisation impliquant certains d’entre nous.

D’autres collectifs ont existé, s’adressant à la MEL dans l’indifférence totale des élu-e-s et ne revendiquant que des formes de gratuité partielles. Les rassemblements devant la MEL les jours de vote n’avaient aucun impact. Nous avons décidé dès le départ d’agir autrement.

De même, les associations environnementales et écologistes actives sur la métropole (ANV COP21, Alternatiba, Amis de la terre), entendent agir contre la MEL en englobant les transports publics dans un paquet « transports » où on trouve également le fret ferroviaire ou les luttes contre l’extension de l’aéroport de Lesquin. De notre point de vue, les mobilisations pour la gratuité des transports publics se doivent d’être menées spécifiquement.

Un groupe de militants, donc, qui a commencé, après quelques réunions réunissant un large éventail de partis de gauche et d’associations, à faire remplir un questionnaire sur les besoins et les usages en matière de transports publics sur les principaux marchés de la ville. Les réponses nous ont incité à continuer : adhésion massive aux principes de gratuité, pauvreté, critiques vis-à-vis de la compagnie délégataire de service public (inconfort, dessertes, horaires…).

Nous avons publié les résultats de cette enquête sur un blog créé à cet effet (transportsgratuitsrx) et avons assisté au lancement de la gratuité dans la Communauté Urbaine de Dunkerque, ce qui nous a donné l’idée d’organiser un débat public avec Damien Carême, maire de Grande-Synthe et grand artisan de la gratuité en tant qu’adjoint aux transports, et Fabien Desage, politiste et sociologue.

Le débat a réuni près de 200 personnes à Roubaix, en janvier 2019, ce qui a regonflé les énergies et nous a permis de passer aux étapes suivantes. Damien Carême (EELV) a expliqué comment les choses s’étaient mises en place à Dunkerque, où l’ambition initiale était de « rendre du pouvoir d’achat aux gens ». Des informations sur le financement, sur l’ambition politique, sur les dimensions sociales et écologiques. Fabien Desage a insisté sur l’aspect démocratique du combat pour la gratuité dans l’esprit du municipalisme.

Après les éternelles distributions de tracts expliquant le sens de notre démarche et un rendez-vous avec un édile de la mairie de Roubaix, nous nous sommes lancés dans une pétition pour obtenir un référendum local d’initiative communale (RLIC), qui, à 20 % du corps électoral, peut et doit engager un débat au sein du conseil municipal et déboucher sur un vote organisé par le maire.

Signatures de pétition sur la place de Roubaix et dans les quartiers, avec une mobilisation d’abord au Cul de Four, puis à la Potennerie, en lien avec les comités de quartier. Un peu plus de 900 signatures à ce jour, de roubaisiens pour la plupart, ce qui n’est pas ridicule quand on voit le petit nombre de voix avec lesquelles sont élus nos édiles roubaisiens. Le confinement nous a empêché d’aller plus loin, mais d’autres quartiers seront ciblés pour populariser la revendication auprès des habitants, au plus près des citoyens, dans une démarche d’éducation populaire.

Parallèlement, nous avions entamé une démarche auprès de l’université (Sciences Po), grâce à Fabien Desage et à la boutique des sciences. Une recherche – action avec 17 étudiant-e-s qui devaient mener des interviews d’habitants volontaires. Malheureusement, cette étude n’a pu se concrétiser pour cause de confinement. Des contacts ont néanmoins été pris et il nous faudra réfléchir à une autre forme d’intervention, comme d’ailleurs avec la mairie de quartier Nord de Roubaix auprès de qui nous avions sollicité des moyens dans le cadre d’un PIC (Projet d’initiative citoyenne).

Et maintenant ? La lutte continue et la mobilisation a bien pris dans les quartiers déjà sillonnés par les équipes militantes. Le blog va être rendu plus attractif, avec des vidéos de micro-trottoirs, et d’autres rendez-vous seront pris avec des représentants de la mairie. Nous nous sommes entendus avec un comité de quartier pour reprendre la campagne de signatures et d’explications sur ce que nous voulons.

Après les villes françaises qui ont décidé la gratuité (Dunkerque, Châteauroux, Niort, Aubagne…), la gratuité des transports est envisagée par la gauche dans le cadre des élections régionales en Île de France, sans parler de Montpellier qui a instauré la gratuité le week-end (pour commencer). La gratuité a le vent en poupe et elle prend tout son sens dans des villes comme Roubaix (une lumière?) où les besoins sont criants en matière de mobilité et de désenclavement.

Point n’est besoin d’espérer pour entreprendre (ni de réussir pour persévérer), disait naguère Guillaume d’Orange, dit le Taciturne. Quel que soit le résultat final d’un combat qui semblait au départ utopique, nous aurons démontré qu’une telle mobilisation intéresse les milieux populaires au plus profond des quartiers et qu’elle gagne en signification et en puissance. En plus, nous l’avons menée dans la joie et la bonne humeur, ce qui ne gâte rien.

Pour signer la pétition (en solidarité si vous n’avez pas la chance d’être roubaisien-ne : transportsgratuitsrx.fr

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.

Catégories

Tags

Share it on your social network:

Or you can just copy and share this url
Posts en lien