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PUTAIN DE GRAAL!

Arthur, le Graal, la table ronde et tout ce genre de choses. Enluminure du XV° siècle

KAAMELOTT (premier volet) de Alexandre ASTIER

avec Lionnel Astier – Clovis Cornillac – Sting – Audrey Fleurot – Guillaume Galienne – François Rollin – Antoine De Caunes – François Morel – Alain Chabat, Christian Clavier, et on en passe…

On se régalait, dans les années 2000, des petites séquences, comme des clips, entrecoupées de sons de trompe ou de cris d’olifant. C’était Kaamelott, une fantaisie délirante et résolument anachronique de Alexandre Astier, avec sa bande de copains et copines ; une bande de bras cassés stupides et lâches tous concernés cependant par les rites de la Table ronde et la quête du Graal. Une série qui ne manquait pas de celtes, pour faire dans le calembour à la Canard Enchaîné.

Tous les soirs, pendant quelques minutes, on riait à gorge déployée devant Arthur admonestant ses vassaux et chevaliers de fortune avec pédagogie et tendresse, toujours près à tout laisser tomber mais continuant pour quelque chose de plus grand que lui, malgré la débilité ambiante et la bouffonnerie instituée. Merlin, Karadoc, Perceval et tous les baltringues réunis pour faire échouer chaque acte héroïque qui pourrait tant soit peu laisser penser que la chevalerie, le courage, l’héroïsme et le panache ne sont pas des vains mots. En gros, que les hommes ne sont pas que des mangeurs de saucisson et des piliers de taverne.

Et puis il y a le père, Léodagan (Lionnel Astier), fourbe et va-de-la-gueule ; la mère (Joëlle Sevilla), une punaise atrabilaire. Il y a l’épouse, Guenièvre, une cruche fleur bleue et le triste Lancelot du Lac, le seul qui semble être taillé pour la course, pour la quête, mais le seul qui fait porter des cornes au sanglier des Cornouailles, si on voit l’image, et qui va trahir.

Au milieu de tout cela, des hordes de barbares plus ridicules les uns que les autres (mention spéciale aux Burgondes), des satrapes d’autres royaumes et duchés tous aussi bêtes, veules et cupides, des scènes de taverne désopilantes avec des jeux délirants et des paysans vindicatifs toujours au bord de la jacquerie.

C’était désopilant, avec un langage moderne plaqué sur des scènes du haut Moyen-âge, un contraste permanent entre les idéaux esquissés et des pleutres qui ne pensent qu’à s’empiffrer. L’impossibilité de toute élévation spirituelle, de toute noblesse d’âme, de tout romantisme courtois face à une nature humaine prise au ras des pâquerettes où ne compte qu’une certaine forme d’épicurisme, que de la paresse, de l’indolence et de la lâcheté.

Des dialogues dignes d’un Michel Audiard complètement en décalage avec les situations présentées et un humour constant à la Marcel Gotlib de Pilote ou du premier Écho des savanes ou encore du Cavanna historien et anthropologue pour rire de Hara Kiri. Plus, bien sûr, les Monty Python et les films de Mel Brooks. Bref, à peu près tout ce qu’on aime.

Historiquement, le film commence au Livre VI : les temps où Lancelot (Thomas Cousseau) a remplacé Arthur qui a abandonné le trône, lassé par la bêtise de son entourage et désabusé pour les idéaux de la Table ronde. Lancelot a pactisé avec les Saxons qui ont envahi le royaume de Logres et rançonnent le nouveau roi et sa triste cour de jean-foutres serviles et cyniques. Arthur a été vendu à des marchands d’esclave et vogue quelque part en Méditerranée, à fond de cale, alors que les Saxons ont mis sa tête couronnée à prix. Voilà pour le contexte, brossé à gros traits, n’étant ni historien, encore moins médiéviste et érudit sur la geste arthurienne, la table ronde et les légendes celtiques. Et n’ayant aucune ambition de le devenir.

Géographiquement, on est donc dans le royaume de Logres, la terre des peuples celtes qui regroupe l’équivalent de l’Écosse, de l’Irlande, du Pays de Galles et bien sûr du royaume de Bretagne. Ne manque que la Galice pour que le panorama soit complet.

Historiquement toujours, les Celtes sont des peuplades venues d’Orient (l’Inde probablement) et ont remonté Danube et Rhin jusqu’à l’Europe occidentale, pourchassés par des populations sédentaires qui les ont fait reculer jusqu’aux provinces les plus reculées voisines de l’Atlantique. L’histoire pour les nuls d’après Wikipedia.

On avait déjà eu droit à un long métrage qui rompait un peu avec les gags à répétition et qu’on avait moyennement aimé. C’était l’enfance d’Arthur (Arthurus) chez les Romains, avant qu’il ne soit propulsé sur le trône de Logres après l’exploit d’Excalibur, l’épée fichée dans le rocher (il n’y a pas de contrepèteries). C’est à dire, à la préhistoire de Kaamelott, ou du moins à la genèse. Trop de mélancolie et d’émotion et pas assez d’éclats de rire, comme si Astier préférait épancher ses états d’âme plutôt que d’amuser la galerie. C’est dire si on craignait un peu ce film, ou cette première partie qui doit en appeler d’autres.

On n’est pas déçus, même si un peu décontenancé. Si on ne s’attend plus aux gags en rafale et aux scène hilarantes, on a quand même de quoi rire de bon cœur, même si certaines répliques tombent à plat et si tout n’est pas jubilatoire, notamment les longs flash-back concernant encore une fois l’enfance romaine d’Arthurus et l’exploration un peu laborieuse de sa psyché.

L’histoire, donc, nous ramène à Lancelot souverain d’un royaume en morceaux gouverné par les Saxons et où la quête du Graal a été abandonnée, devenue un souvenir lointain d’Arthur et de ses chevaliers. Lancelot est un personnage ridicule, engoncé dans des épaulettes, avec une collerette en forme de minerve et des ailes qui le font ressembler à un joueur de football américain. Marié avec une petite peste (« intrigante à bouclettes »), iI tient Guenièvre prisonnière et entretient ses courtisans en attendant d’assouvir sa vengeance contre Arthur. Léodagan, lui, est devenu paysan.

Arthur, lui, revient après un trafic d’esclaves mené par un Guillaume Galienne épatant et après un passage chez le Duc d’Aquitaine, incarné par un Alain Chabat à son meilleur. Il ne veut plus rien entendre du Graal et de la Table ronde et s’étrangle en apprenant qu’un embryon de résistance, porté par Karadoc et Perceval, existe au royaume de Logres.

On devine facilement la suite, sans vouloir spoiler quoique ce soit. Il y a une scène émouvante où Arthur refait surface on ne sait trop comment dans les forêts de Bretagne. Il voit sa bande de bras cassés autour d’une Table ronde de fortune et chacun se présente à son tour. Là où il y aurait à rire ou à pleurer, Arthur prend soudain conscience que ces hommes, même ridicules ou dérisoires, sont prêts à se sacrifier pour quelque chose de plus grand qu’eux. Sont prêts à résister au nom de valeurs qu’ils portent mal, mais qu’ils portent quand même.

Dès lors, les bonnes volontés peuvent s’unir, les espoirs renaître et la geste se poursuivre. Arthur reprendra du service avec son armée de fortune et, comme toute résistance a besoin d’alliés, ce sont pour le coup les Burgondes qui s’y collent, avec leur chef incapable de faire fonctionner ses catapultes et autres machines de guerre antédiluviennes.

La résistance est, s’il en faut un, le vrai thème de ce film attachant et drôle. On sait qu’Astier n’est pas qu’un amuseur, bien qu’il soit avec Rollin et Morel l’un des plus grands humoristes actuels, c’est aussi un humaniste, musicien et homme de théâtre. Sous ses dehors bougons et taciturnes, on devine un honnête homme qui connaît bien la nature humaine, ses contemporains, ne se la joue pas et cache des trésors de tendresse et de sensibilité.

Et d’intelligence ! Car ce film en regorge, dans ses plans et son découpage, dans ses scènes et ses dialogues. Même si on est pas en présence du film comique de la décennie, on prend du plaisir sans honte et sans gêne. Et on prend surtout de la joie à retrouver tous les vénérables anciens, les Jacques Chambon (Merlin), Franck Pitiot (Perceval), Jean-Christophe Hembert (Karadoc), Jean-Robert Lombard (le père Blaise), Nicolas Gabion (Bohort), Anne Girouard (Guenièvre) ou Audrey Fleurot (La dame du lac). Et on en passe ! Tous ces actrices et acteurs qui ont depuis fait leur petit bonhomme de chemin, surtout la dernière, qui truste moult séries et téléfilms depuis quelques années, et on ne s’en plaindra pas.

Une grosse réserve toutefois, que ce film soit adossé à M6 (mais la série a été programmée là), et à RTL. Bref, le groupe Bertelsman en voie d’être dépecé et partagé entre Bolloré et Bouygues, deux grands humanistes. Surtout Bollo qui fait régner la terreur sur Canal+ et Europe 1 en satrape des médias. Sans parler de C News et de ses animateurs vedettes bêtes et méchants, au premier degré cette fois. Mais bon on, on ne va pas bouder son plaisir et on attend la suite.

Voilà, mes excuses pour avoir été aussi long, après tout, il ne s’agit que d’un film, mais le sujet m’inspire. Depuis le temps que tous ces lascars me font hurler de rire, ça valait bien ce petit hommage.

30 juillet 2021

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