Le site de Didier Delinotte se charge

SOLIDARITÉ, INÉGALITÉS, FISCALITÉ

sur le site de l’Observatoire de la justice fiscale, pas de copyright, j’espère.

Liberté pour les riches, égalité pour les pauvres et fraternité pour faire bien, disait déjà le regretté Reiser. La fière devise de la République en a pris un sérieux coup, en 40 ans de libéralisme débridé. Que peut la fiscalité pour corriger les inégalités sans cesse grandissantes ? N’est-elle qu’un correctif là où il faudrait taxer le capital, voire abolir le capitalisme ? En attendant, elle reste un outil à utiliser sans modération pour que riches comme pauvres le soient un peu moins. Réformisme social-démocrate ? Peut-être, en attendant le grand soir. Vincent Drezet (Attac et Solidaires Finances publiques) anime le site Pour la justice fiscale, et c’est de cela que traitera l’émission Angles d’Attac, sur Radio Campus, le samedi 30 octobre.

Deux occurrences ont mis la fiscalité au cœur du débat à gauche, en vue des Présidentielles de 2022 : la création de l’Observatoire de la justice fiscale, le 16 septembre, par Attac et l’avant-dernière publication de l’association intitulée Impôts, idées fausses et vraies injustices.

L’occasion de mettre en avant le thème de la justice sociale dans le débat politique, ce qui vaut mieux que les tristes tribunes permanentes d’un Zemmour à la télé poubelle ou les accès de nationalisme d’un Onfray sur l’identité française, la laïcité (entendre la croisade contre l’islamo-gauchisme dont eux seuls ont la définition) ou encore la lutte désespérée contre les hordes de migrants qui visent à nous remplacer grandement. Tout cela sur fond d’un capitalisme encore plus triomphant après la pandémie, un système jamais remis en question par nos tribuns qui doivent y voir, dans un enthousiasme nietzschéen que tous deux doivent ressentir, l’aboutissement logique de la sociobiologie néo-darwiniste et de la victoire, justifiée par la nature, des forts sur les faibles. Struggle for life, les plus forts survivent, malheur aux vaincus et tout ce genre de choses.

L’époque a après tout les penseurs et les médias qu’elle mérite et on imagine mal un Sartre, un Camus ou un Debord à l’ère de l’Internet et des réseaux sociaux. Mais on s’éloigne du sujet, même si pas tant que cela.

Attac est né en janvier 1998 sur la base d’un éditorial d’Ignacio Ramonet dans Le monde diplomatique, désarmer la finance. Il s’agissait à l’époque de taxer les transactions financières, une idée développée par l’économiste James Tobin, l’un de ceux qui parlaient à l’oreille des présidents démocrates (Tobin se désolidarisera vite d’une campagne jugée par lui trop gauchisante, mais l’appellation Taxe Tobin restera malgré lui). C’est dire si la question de la justice fiscale a toujours été présente à Attac, et elle l’a été dès la création de l’association, même si d’autres thèmes, plus en rapport avec l’écologie ou la lutte contre les banques et les multinationales lui ont fait suite. L’altermondialisme était né.

Le site comporte, sur sa page d’accueil, une série d’articles sur le sujet proposant aussi bien une connaissance plus fine de la fiscalité que l’expression des positions d’Attac ou encore des chroniques sur tout ce qu’on publie sur ces questions dans la presse ou dans les livres. Un travail de romain effectué principalement par notre ami Vincent Drezet qui veille à la mise à jour et à l’actualisation du site.

On a droit ainsi, dans les premières livraisons, à une critique farouche du taux d’imposition mondial des multinationale à 15 %, à une analyse sans complaisance de la volonté du Modem de choyer les riches contribuables (et de LREM et de Macron, ayant supprimé l’ISF et instauré une flat tax sur les capitaux de 30%, entre autres friandises), à des commentaires sur la dérisoire défiscalisation des pourboires (on ne savait pas qu’ils étaient fiscalisés), à une saine riposte aux délires de Zemmour sur les dépenses sociales, à une critique argumentée du Projet de loi de finance 2022 ou encore à l’histoire (depuis 1789) du refus de consentement à l’impôt des conservateurs de tous âges et de tous poils. Entre bien d’autres choses tout aussi intéressantes et dont la lecture a quelque chose de réjouissant, comme une remise à l’endroit des choses qui ont été tellement tordues et perverties par les gouvernements (y compris sociaux-démocrates) et les économistes de cour à leurs services. « Mettre à l’endroit ce que le capitalisme fait fonctionner à l’envers », comme disent les copains de la Fondation Copernic.

Certains articles font l’objet d’un plus long développement et il s’agit d’une véritable étude détaillée, aussi bien sur la nécessité historique d’une taxe sur les transactions financières que sur le caractère ouvertement ultra-libéral du polémiste d’extrême-droite Eric Zemmour.

Suivent les publications, les derniers livres d’Attac aux éditions Les liens qui libèrent évidemment (titre cité plus haut) mais aussi, par exemple, une riche étude sur le CIR (Crédit Impôt Recherche). Niche fiscale ou aide efficace ? On devine aisément la réponse. Chaque étude est argumentée, construite et chiffrée et on ne peut que féliciter l’équipe qui prend en charge ces contre-argumentaires infiniment utiles à quiconque veut avoir voix au chapitre sur le sujet dans le débat démocratique.

« Comprendre la fiscalité », un autre onglet qui se veut didactique sur des thèmes qui peuvent facilement devenir très techniques et peu motivants pour des militants. Le premier volet est consacré aux multinationales sous la forme d’un titre alléchant : « comprendre l’évasion fiscale des multinationales ». Un vieux serpent de mer combattu avec une énergie farouche par les frères Eric et Alain Bocquet dans leurs récents ouvrages (Sans Domicile Fisc ou Milliards en fuite, qui vient de sortir) ces paradis fiscaux dont Sarkozy nous annonçait fièrement la fin en 2009. Sinistre clown. 80 millions d’Euros par an cachés, rien que pour l’Europe, dans les paradis fiscaux et des paradis qui ne sont pas forcément où on les croit, dans ces îles exotiques aux noms qui font rêver (voir aussi l’Irlande, le Luxembourg ou les Pays-Bas). Sans parler des dernières révélations des Pandora Papers où l’on apprend que des pères la rigueur comme Tony Blair, DSK ou le Tchèque Babis (pour ne citer qu’eux) planquaient eux aussi leurs économies pour un total ahurissant de 11.300.000.000.000 $ ! Je ne sais même pas comment ça se dit (trilliards ?). Soit 9.400 milliards en €. En tout cas, largement de quoi soulager une partie des grands maux de l’humanité (éducation, santé, sécurité sociale, alimentation, climat, biodiversité et on en passe).

Des pages débats sur le quotient familial ou les finances locales et, pour finir, les propositions d’Attac : TTF, propositions pour une véritable justice fiscale, sociale et écologique et pour une taxation unitaire des multinationales et de leurs filiales.

À l’heure où nous sommes désillusionnés sur la possibilité d’un autre monde après la pandémie (le monde d’après), à l’heure où dividendes et taux de profits n’ont jamais été aussi hauts et où chômage, pauvreté et inégalités accrues en sont la conséquence, que peut la fiscalité ? Suffit-il d’ajouter quelques tranches à ce qui existe ? Comment taxer des capitaux par essence flottants et protégés par des spécialistes de l’optimisation fiscale, quand ils ne sont pas planqués dans des paradis fiscaux ?

On peut évidemment se dire que tout cela est mesurette et initiative de peu de portée tant qu’on n’aura pas aboli le capitalisme et décrété la sociale. Certes, mais le rapport de force ne plaide pas en faveur des mouvements sociaux et l’opinion, même si ses réponses à des enquêtes sur des thématiques sociales sont encourageantes, n’en est pas moins à l’écoute des populistes et des démagogues qui justifient leur biais anti-fiscalité et anti-impôts par la dette « que laisseront à nos enfants » tous ces politiques qui n’auront pas pris leurs responsabilités (air connu). Sous-entendu, il est grand temps de dégraisser le mammouth, les services publics et les services sociaux, sécurité sociale comprise et de faire en sorte que ces fainéants de chômeurs, de fonctionnaires ou de salariés protégés « se sortent les doigts du cul » (air encore plus connu).

Il fut un temps où Vincent Drezet animait des débats en compagnie de l’économiste (ex F.I) Liêm Hoang Ngoc sur les questions de fiscalité sous le titre provocateur de « Vive l’impôt ! ». De quoi en décoiffer beaucoup, mais les moins bornés avaient vite compris de quoi il pouvait bien s’agir : mettre un peu de justice et d’égalité par la redistribution, les services sociaux et les services publics, afin que ceux qui poussent des cris d’orfraie quand l’État leur demande un effort (après-guerre, sous un Truman influencé par Roosevelt et Keynes, les taux d’imposition pour les riches pouvaient aller jusqu’à 95% aux États-Unis) en criant sus aux assistés et marre des feignants finissent par baisser le ton et par consentir à l’impôt ; ce consentement à l’impôt qui reste l’un des piliers de toute démocratie.

John Maynard Keynes, économiste distingué et intellectuel féru de littérature et d’arts, plaidait avec humour pour une « euthanasie des rentiers ». Drezet et son observatoire ne vont pas jusque-là, mais sont bien décidés à les saigner jusqu’à les faire rendre gorge. Au nom de la justice, de l’égalité et de la solidarité. Au nom de l’humanité, tout simplement.

Site : https://obs-justice-fiscale.attac.org/

émission Angles d’Attac sur Radio Campus (106.6), le samedi 30 octobre entre 12 et 13h.

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