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QATAR, TRÈS TARD EN SAISON (3)

Hakim Zyech, remplaçant à Chelsea, stratège des Lions de l’Atlas. Photo Wikpedia

Maintenant qu’elle est terminée et que la capricieuse (vu le nombre de surprises) coupe Jules Rimet a choisi son vainqueur (aucun cliché qu’on lit dans les pages sportives ne vous sera épargné), retour au Qatar pour un bilan, non pas économique (l’exercice aura été profitable, merci) mais politique et sportif de la tant controversée compétition. Une 22° Coupe du monde de football qui se sera déroulée en parallèle à l’agonie du roi Pelé, le joueur qui aura sans doute le plus – avec Maradona – marqué l’épreuve en maître d’œuvre de 3 victoires (sur un total de 5) de la Seleçao.

D’abord un erratum, Stéphanie Frappart avait arbitré un match de qualification en tant qu’arbitre principal. Ensuite une précision importante : Infantino et la FIFA menaçaient de sanctions sévères les équipes où les joueurs qui auraient osé revendiquer pour les morts de salariés, les femmes ou les LGBTQ. Ça allait mieux en le disant. Dont acte. Merci au lecteur attentif de m’avoir corrigé.

Sinon, le Qatar continue à faire fort, avec un haut dignitaire qui ne reconnaît que trois morts sur les chantiers de la coupe du monde, là où, pour rappel, Le Guardian en dénombre 6500. Mais il y a pire avec ce scandale ayant entaché le Parlement Européen avec un lobbying des Qatari pour redorer son blason et des liasses de billets distribuées généreusement de l’extrême-droite à un groupe socialiste. Le Qatargate, ils appellent ça. On se demande bien pourquoi certains boycottent la compétition.

Une petite minorité qu’on se rassure, car les audiences de TF1 n’ont jamais été aussi bonnes. À croire que ça pourrait se jouer en Chine ou en Russie, ce serait le même engouement. Au fait, ça s’est joué en Russie il y a 4 ans, des Russes qui avaient déjà pris des territoires à la Georgie et la Crimée à l’Ukraine. Mais ne mélangeons pas la (géo) politique et le sport. Comme par exemple Jesse Owen à Berlin en 1936 ou Smith et Carlos en 1968 à Mexico. Sinon, on ne pourrait plus rien regarder, hein Robert ? Ouais Roger !

Mais parlons sport, si on n’est pas trop dégoûtés. Pour rappel, je n’ai vu aucun match, sinon la finale. Juste les commentaires sur le fil Internet de l’Équipe et des buts passés aux informations télévisées. J’ai tenu mon pari, n’était une ultime rechute.

Les 1/8° de finale auront été farces. Pas d’énormes surprises n’était l’élimination de l’invincible armada espagnole par le Maroc, aux penalties. Le Maroc qui a un gardien de grande classe, Bounou, une défense de fer et des joueurs intéressants tels Ohani, l’Angevin (comme Boufal d’ailleurs et on se demande ce que fait cette équipe à la dernière place de la Ligue 1), déjà sollicité par les plus grands clubs. Mais est-ce encore une surprise pour une sélection qui s’est déjà offert la Belgique et a tenu en échec la Croatie. Demi-surprise avec la Croatie justement, qui se qualifie laborieusement aux penalties contre le Japon. La bande à Modric est décidément gagne-petit et j’aurais souhaité que le Japon l’emporte. Pas que je sois un admirateur du pays du soleil-levant, mais parce que cette équipe méritait mieux. Sinon, les Pays-Bas battent les États-Unis, l’Argentine se défait de l’Australie, l’Angleterre assomme le Sénégal, la France dispose largement de la Pologne (Macron avait fait le bon pronostic, quel président on a!), le Brésil se joue de la Corée du Sud et le Portugal écrabouille la Suisse, pourtant réputée pour faire déjouer l’adversaire. Rien que de très normal. J’étais dans les rues de Roubaix le soir de la qualification du Maroc et franchement ça fait plaisir de voir ces visages illuminés et joyeux, même s’il faut se farcir les klaxons des voitures. Dommage que la Tunisie n’ait pas été à pareille fête, sans parler de l’Algérie qui n’était pas qualifiée. Pourtant, quelle équipe avec Mahrez, Bennacer, Belaïli, Atal, Slimani ou Mandi l’ancien rémois. Mais les Lions de l’Atlas ont fait mieux que les Fennecs et que toutes les équipes africaines puisqu’elles ont brisé le fameux « plafond de verre » dont on nous rebat les oreilles.

Les 1/4 de finale s’annonçaient intéressantes, mais que de matchs nuls et de qualifications à l’arrache, aux penalties encore, autant dire au tirage au sort. La Croatie once again, qui sort le Brésil, pourtant bien plus inspiré dans le jeu avec des joueurs comme Casemiro, Vinicius Jr ou Richarlison. Il a encore fallu aux Croates un grand Livakovic pour sauver les fesses de la bande à Modric qu’on a connue plus inspirée. Après un houleux Pays-Bas – Argentine, c’est la bande à Messi qui passe et c’est heureux. L’Argentine a révélé d’autres joueurs que Messi comme Fernandez, Paredes, Alvarez ou Martinez (il y en a 3). L’entraîneur Scaloni n’a quasiment pas fait jouer Dybala et à peine Di Maria quand Agüero n’était même pas sélectionné. Et puis, ce serait logique que Lionel Messi, plus grand joueur de ces temps, remporte sa coupe du monde. Une coupe du monde que va sûrement lui disputer la France, vainqueur de l’Angleterre dans un « big crunch » footballistique. Les Français s’en sortent bien et Harry Kane leur a facilité la tâche en ratant son second penalty. M’Bappé n’a pas brillé et ça prouve au moins que l’équipe de France peut gagner même lorsqu’il est moins tranchant. Et ce Portugal – Maroc avec une victoire marocaine qui m’a hautement réjoui. Je n’ai rien contre le Portugal, mais tout contre un Christiano Ronaldo hautain, arrogant et antipathique. Le parangon du footballeur de l’ère moderne mondialisée, tout fric et tous médias. Dommage pour ses partenaires mais il fallait bien un vainqueur. On applaudit encore le onze marocain qui, aussi modeste soit-il (surtout côté rémunérations des joueurs) aura beaucoup fait pour rendre passionnante cette coupe du monde, un peu comme le Cameroun en 1990 ou le Sénégal en 2002. Deux années où la France n’avait pas brillé, absente même en Italie.

Et les demi-finales ? La première opposait donc la Croatie à l’Argentine et on se disait que ça allait encore se terminer aux penalties avec des spécialistes du genre des deux côtés. Eh bien pas du tout, l’Argentine l’emporte largement (3 – 0) avec deux buts de Alvarez, de Manchester City et un de Messi. Franchement, on ne va pas regretter les Croates qui ont joué tout le tournoi sans brio et sans panache. Les épiciers peuvent regagner Zagreb et leurs clubs respectifs et on les a connus plus séduisants. Et puis une nouvelle finale France – Croatie, ça aurait un goût de déjà vu, de réchauffé.

Et la France, et le Maroc ? La France marque d’entrée grâce à une reprise de volée de Théo Hernandez. Allez, je confesse que j’ai quand même vu la première mi-temps. Pas terrible, les attaques marocaines systématiquement barrées par la défense française et des ballons de contre mal exploités. On s’ennuie. M’Bappé n’a pas l’air dans un grand jour et Giroud rate deux fois une balle de but. Reste Griezman, stratège au milieu et la défense centrale Konaté – Varane. Quant au Monégasque Fofana en milieu de terrain, pas le niveau. Pareil pour la seconde mi-temps avec des offensives marocaines enrayées par la défense française et des contres imprécis. M’Bappé pointe le bout de son nez mais Dembélé est toujours brouillon. Coaching gagnant, comme on dit c’est au moment où il est remplacé par Kolo Muani, l’ex Nantais de l’Eintracht Francfort, que les Français font le trou. Pas une grande équipe de France, pas un grand match, mais le boulot est fait. On est en finale, sur l’air des lampions. On ne verra pas de joyeux marocains ce soir.

Venons-en à la finale. Argentine – France donc. La troisième étoile possible pour les deux sélections. Deux victoires pour l’Argentine, deux pour la France. Une finale perdue (aux penalties) par la France, trois pour l’Argentine. Et puis Messi qui veut tirer sa révérence avec une coupe du monde à son actif. Je souhaiterais une victoire de la France, mais une victoire de l’Albiceleste ne me désolerait pas. J’ai toujours aimé ces gars-là, des blocs rigoureux et organisés avec un génie en attaque, Maradona puis Messi. Et puis ces maillots, ciel et bleu rayés short noir. C’est qu’on est aussi esthète. Alors ?

Un peu de patience. Pour la dernière marche du podium, la Croatie bat le Maroc qui prend la quatrième place, celle dite du « couillon », comme dit leur propre entraîneur. Mais ils auront été la grande sensation de cette compétition. Je dois avouer que j’ai craqué : j’ai regardé la finale (je n’en ai pas loupé une depuis 1962). J’ai failli le regretter amèrement durant les 75 première minutes où l’Albiceleste a baladé littéralement des français maladroits, brouillons, inexistants. Et puis il y a eu ce dernier quart d’heure euphorique où ils reviennent à 2-2 avec un Kolo Muani et un M’Bappé magiques. Les prolongations donnent l’avantage à l’Argentine avant un ultime penalty de M’Bappé. Pas ultime, puisque l’épreuve des penalties, le jugement de dieu ou l’ordalie, aura donné la victoire à l’Argentine. On allait pouvoir infirmer le théorème de Linecker et dire qu’à la fin c’est toujours la France qui gagne, mais non. Un match historique, aussi beau que le Italie – RFA de la demi-finale de 1970 ou de celle de Séville en 1982. Il est de ces matchs où on se dit qu’on pourrait mourir après les avoir vus. Et puis Messi aura sa troisième étoile, il la mérite. Autant positiver, et j’ai toujours adoré cette équipe, mieux que le Brésil.

Voilà, une coupe du monde scandaleuse qui se termine sur un match héroïque, une odyssée de 120 minutes. On a l’impression que seul le football peut offrir des moments comme ceux-là. Sinon, on se consolera en se disant que Macron ne pourra pas voler au secours de la victoire et que la cause palestinienne a été très présente dans les tribunes. On se console comme on peut.

Les Amériques dans quatre ans (USA, Canada, Mexique), avec 48 équipes au départ et un système de barrages complètement cinglé pour une épreuve qui se jouera tous les deux ans pour alimenter la machine à cash. Infantino « el loco » a encore frappé ! Vont finir par nous en dégoûter totalement. Allez, soyons beau joueur : viva Argentina ! Et à dans quatre ans.

18 décembre 2022

Comments:

Le football est vraiment un objet sociologique très singulier. Pratique incontournable des plus pauvres partout (une scène d’anthologie dans le film « Timbuktu ») mais aussi adulé des milliardaires (non sans, souvent, mépris de classe, condescendant), il échappe aux étiquetages simplistes. Témoignage encore à l’occasion de cette coupe du monde : en occident, la conscience de la corruption et la condamnation de son organisation au Qatar étaient largement partagés, et pourtant le « boycott » (j’hésite à utiliser ce terme de combat pour désigner l’action de ne pas allumer sa télé tout seul chez soi) a été, à l’évidence un échec. De mon point de vue (de pas trop supporter de foot qui n’a regardé que par fragments, comme d’habitude), c’était écrit.

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