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LES SUPREMES / LA REINE DIANA ET SA DAUPHINE, MARY WILSON

Sweet Mary (absolutely), au temps des Supremes

Si Diana Ross a pris toute la lumière au sein du trio vocal féminin de Detroit signé par Tamla Motown – The Supremes – peu de place aura été laissée à sa dauphine, Mary Wilson. Pourtant, la chanteuse avait aussi du chien. Elle est décédée à Las Vegas le 8 février dernier, soit 45 ans après la troisième de ce chavirant brelan de dames, Florence Ballard. Voici leurs histoires !

Mary Wilson est née le 6 mars 1944 à Greenville (Mississippi), avant de suivre ses parents, victimes de l’exode rural, à Detroit. C’est dans ces années-là que beaucoup d’ouvriers agricoles du sud vont connaître les charmes des bagnes industriels du nord et du midwest. Detroit et Chicago tiennent la corde. La petite Mary débarque donc à Motor city à 12 ans et, dotée d’une voix de contralto et d’un physique avenant, elle forme avec – déjà – Diana Ross et Florence Ballard (plus une dénommée Betty Mc Glown que la gloire n’aura pas convoquée) les Primettes, signées par le label Lu-Pines qui fera faillite en 1959, justement l’année de la fondation par Berry Gordy du label Tamla Motown.

Les trois chanteuses connaissent déjà deux futurs Temptations, Eddie Kendricks et Paul Williams, et elles avaient choisi leur nom en référence à leur groupe, les Primes. Et puis, Smokey Robinson est voisin de Diana Ross dans un quartier ouvrier du nord-est de Detroit, ça aidera.

Le quatuor s’appellera les Supremes sous le nouveau label, et Betty Mc Glown se verra remplacée par Barbara Martin qui s’en ira à son tour, en 1962. Les Supremes seront donc un trio. Elles ne signeront au profit de l’usine à tubes qu’en 1961.

Les Primettes s’étaient contentées de faire les chœurs sur des enregistrements des Falcons ou de Eddie Floyd. Un single quand même à leur actif, avec « Tears Of Sorrow », chanté par Diana Ross, et « Pretty Baby » en face B, laissée à Mary Wilson.

Les débuts des Supremes ne sont pas spécialement glorieux non plus. Berry Gordy les fait enregistrer mais la plupart de leurs titres restent dans les tiroirs, à l’instar de « After All », pourtant de Smokey Robinson. Les autres morceaux de la période ne figureront plus tard que sur des compilations. Un galop d’essai mais leur premier single, «I Want A Guy », comme le deuxième « Popcorn Buttered » se ramassent. Gordy ne croit plus trop aux chances du trio et il souhaite les employer comme choristes derrière Smokey Robinson.

En 1962, Gordy et Robinson constatent un léger frémissement : « Your Heart Belongs To Me » et « Let Me Go The Right Way », leurs deux singles de l’année, se sont classés dans le Top 100 et leur premier album, Meet The Supremes, sorti en décembre, a inscrit les trois jeunes filles dans le paysage musical de l’Amérique. Trois car Barbara Martin est partie. Gordy et Robinson sont aux manettes et un coup de main est donné par Lamont Dozier et Eddie Holland. La dream team est à la manœuvre.

Dès lors Berry Gordy fait du trio une priorité pour Tamla. Mais le prototype sorti des usines Motown connaît encore des ratés. « My Heart Can’t Take It No More » comme « A Breathtaking Guy », leurs simples de 1963, ne font pas recette et elles brouillent leur image en enregistrant un album de reprises de standards (The Supremes sing Country, Western and Pop) qui ne sortira que deux ans plus tard. Pire, un autre album du même tonneau (The Supremes sing ballads and blues) ne paraîtra jamais. Les sylphides noires commencent à être la risée du milieu et la revue maison, Motortown, les surnomme les « no-hit Supremes ». Il est plus que temps de réagir.

Les patrons de Motown ne rient pas, eux. Si les Marvelettes ont décroché un hit avec le « Please Mr Postman » repris par les Beatles, pourquoi pas les Supremes, qui chantent aussi bien et font un peu moins godiches. On met les grands moyens. Les frères Holland (Eddie et Brian) et Lamont Dozier écriront désormais leurs chansons. Une équipe qui gagne avec Martha And The Vandellas et qui triomphera avec les Four Tops ou les Temptations. On améliore la production en s’inspirant des Girls groups de Phil Spector et, surtout, on met Diana Ross en vedette alors que c’est Mary Wilson qui était la préférée de Gordy, même s’il croyait beaucoup en Diana, naguère la seule vendeuse noire du grand magasin Harrod’s à Detroit. La favorite est reléguée dauphine, mais l’élégance prévaut.

Après deux autres semi-échecs (« When The Lovely Starts Shining Through Your Eyes » fin 1963 et « Run Run Run » début 1964), c’est enfin la gloire et l’olympe des teenagers avec « Where Did Our Love Go » en juin de la même année. Numéro un et disque d’or pour cette bluette inspirée et sautillante qui les envoie au sommet des hit-parades. La chanson avait été refusée par les Marvelettes et Mary Wilson parlait à son sujet de « truc pour gamins » au micro de Dick Clark.

L’album éponyme fait aussi un triomphe avec son lot de hits (« Baby Love », « Come See About Me », tous deux n°1). En octobre, c’est la sortie de leur troisième album, A little bit of Liverpool, avec des reprises des Beatles, du Dave Clark Five et de Gerry And The Pacemakers.

Les désormais reines de Detroit se posent en Beatles au féminin. Puis c’est une tournée triomphale à travers le pays et un hommage à Sam Cooke (We remember Sam Cooke). 1965 est l’année des Supremes et des « trucs pour gamins » (et gamines) encore appelés « symphonies pour adolescents », ils vont en sortir une tannée ; une avalanche de hits. Rien que pour 1965 : le torride « Stop ! In The Name Of Love » puis le magique « Back In My Arms Again » avant l’émouvant « Nothing But Heartaches » et l’un des plus grands albums de la pop music : More hits by the Supremes. La même année, une autre tournée triomphale aux États-Unis, avec le Lovin’ Spoonful en première partie. Bien accompagnées. Le groupe de John B. Sebastian et de Zal Yanovsky va d’ailleurs s’inspirer de leur « Baby Love » pour écrire l’intro de leur « Daydream ».

En robes du soir – toutes pareilles – et coiffures apprêtées, les Supremes sortent, à la fin de cette année-là, un live au Copa, le Copacabana de New York où Sinatra était en résidence, plus un disque de Noël. Elles en font un peu trop et on sent bien que Gordy veut tirer le maximum de ses poules (de luxe) aux œufs d’or. Après le Copa, c’est le Philharmonic Hall de New York et leur premier hit de 1966, le somptueux « I Hear A Symphony » avant l’épatant « You Can’t Hurry Love » à l’été et le trouble « You Keep Me Hangin’ On », le disque de la maturité où une Diana Ross devenue femme crie un définitif « get out of my life ! ». Elle doit s’adresser à tous ces mâles qui l’ont fait reine mais qui ne la respectent pas pour autant. Fin 1966, l’album Supremes A Gogo est leur chant du cygne, avec des reprises imparables du catalogue Tamla, des Four Tops aux Temptations en passant par les Miracles de Smokey Robinson.

Florence Ballard s’en va après un ultime crêpage de chignon avec lady Diana qui, encouragée par Gordy, parle de plus en plus d’une carrière solo, loin de ses partenaires qu’elle croit jalouses d’elle. Elle doit inaugurer son nouveau statut de chanteuse en solitaire au Flamengo de Las Vegas, mais Gordy décide de remplacer Ballard par Cindy Birdsong, la bien nommée. Deux albums pour 1967, les Supremes se prolongent : elles chantent d’abord les songwriters maisons, Holland / Dozier / Holland, puis Rogers and Hart, le duo qui a fait les beaux jours de Broadway. Diana Ross se voit toujours triompher en solitaire à Las Vegas et Berry Gordy, pour la faire patienter, accepte, sur sa suggestion, de rebaptiser le groupe Diana Ross And The Supremes. Merci pour les copines.

Une demi-douzaine d’albums (live et studio) sans intérêt entre juillet 1967 et fin 1970, jusqu’à ce Farewell qui marque les adieux du groupe à son public.

C’est là qu’on retrouve Mary Wilson qui, avec Cindy Birdsong et Jean Terrell, va permettre au groupe de survivre jusqu’en 1977, avec de nombreux changements de personnel et encore une dizaine d’albums largement dispensables. Dirty Diana est partie faire la carrière solo que l’on sait tout en s’apprêtant à marrainer le « roi de la pop », un certain Michael Jackson.

Les Supremes de Mary Wilson obtiennent quand même un hit mineur avec une reprise de « River Deep Mountain High » et elle entame une carrière solo à la fin des années 70. Elle donne des concerts de charité et écrit deux biographies des Supremes (Dreamgirls : my life is a supreme 1986 et Supreme faith : someday we’ll be together en 1990. Juste avant son décès, elle avait annoncé la parution d’enregistrements avec son amie Florence Ballard, un peu avant son départ des Supremes.

Elle aura donc été l’ultime Supreme, gardienne d’un temple dédié au rhythm’n’blues, à la musique de l’âme à la négritude et à la féminité. We believe you, mrs Wilson.

Tous les disques des Supremes ont paru chez Tamla Motown.

23 février 2021

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