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LIGUE 1: LA LUTTE FINÂÂÂLE

illustration pour la pièce Stadium – supporters du R.C Lens – photo l’Express

À 7 journées de la fin, le championnat de Ligue 1 (dit aussi Uber Eats) n’a toujours pas livré ses secrets. Un quarteron d’équipes peut légitimement prétendre au titre quand c’est la bouteille à encre aussi bien pour la coupe Europa que pour la relégation. À l’échelon inférieur, pas plus de certitudes avec des résultats surprenants qui viennent contrecarrer les pronostics les moins hasardeux. Revue de détail.

Les commentateurs patentés nous parlent d’une fin de championnat passionnante, juste parce qu’on compte 4 équipes qui peuvent encore prétendre au titre. Passionnant n’est peut-être pas le qualificatif requis. Certes, on a les dogues lillois en pole position, le Paris Saint-Germain à trois points, l’AS Monaco qui vient s’inviter dans le trio de tête un point en-dessous et l’Olympique Lyonnais qui ferme la marche lui aussi à un petit point.

C’est inespéré pour Lille, une équipe réaliste et bien organisée qui ne pratique pas le football le plus séduisant qui soit. Mais les Turcs (Yazici, Yulmaz et aussi Celik) ont fait la différence avec un buteur, le Canadien Jonathan David, qui, risée des supporters au début, a su lui aussi faire gagner des matchs sur le plus petit des scores grâce à un coup de patte meurtrier. On aurait tort de sous-estimer un bloc solide bien parti pour décrocher la timbale, dix ans après.

Le grand cirque du Paris Saint-Germain et ses animaux tristes a déjà trois longueurs de retard. La faute à Neymar, à ses caprices de caractériel, la faute aussi à M’Bappé, facétieux et inconstant. La faute surtout à un milieu de terrain où seul Verratti se montre à la hauteur des ambitions du club. L’entre-jeu, c’est un peu le talon d’Achille autant que le manque historique d’un club connu pour ses attaquants surdoués et sa défense en béton, avec l’un des meilleurs gardiens du monde. En tout cas, le PSG n’est plus dominateur et si les choses se sont un peu améliorées au plan européen, le club, aussi prestigieux soit-il, est redevenu une grosse cylindrée du championnat de France, rien de plus. Il n’y a plus de petites équipes, dit-on. Le problème est qu’il n’y en a plus vraiment de grandes non plus. On appelle ça le nivellement des valeurs ou, variante, le fameux « tout le monde peut battre tout le monde ! ».

L’AS Monaco de l’oligarque russe Rybolovlev revient fort après un début de saison en demi-teinte. Ses vedettes, les Ben Yedder, Voland, Golovine et autres Martins, se sont réveillées sur un tard et l’équipe peut même laisser sur le banc un technicien comme Fabregas. Une légion étrangère en principauté qui pourrait créer la surprise et coiffer tout le monde au poteau. Ce serait inespéré pour les rouges et blancs, mais l’objectif n’est pas inatteignable, vue la régularité des gaillards et leur capacité à gagner des matchs grâce à leurs buteurs maison et à un milieu qui sait prendre le jeu à son compte.

Ça se complique pour l’Olympique Lyonnais, qu’on ne voit pas décrocher la C1. Les hommes d’Aulas, le parangon français du foot business, sont trop irréguliers et se désolent à chaque rencontre de devoir laisser des points, à domicile comme à l’extérieur. Pour Rudy Garcia leur entraîneur, Lyon devrait tout bouffer et caracoler en tête. Pourtant, l’effectif n’a rien de resplendissant, à part l’international néerlandais Depay, l’arrière international Léo Dubois et le gardien de l’équipe nationale du Portugal Anthony Lopes. Une équipe surcotée qui a la particularité d’étouffer les talents de joueurs transférés comme Slimani (ex Monaco), Thiago Mendes (ex Lille) ou, l’année dernière, Terrier, passé depuis au Stade Rennais. Gones with the wind…

Pour la coupe Europa, disons la petite coupe d’Europe pour les non initiés, c’est aussi la bouteille à encre avec une demi-douzaine de clubs qui peuvent encore prétendre à s’y qualifier. C’est le cas d’une surprenante équipe du R.C Lens, emmenée par un superbe Clauss, révélation du championnat. Une équipe de bric et de broc (beaucoup de joueurs viennent du S.C Amiens relégué et de clubs de Ligue 2 ou de National comme Clauss justement ex Quevilly-Rouen ou encore Sotoca, ex Châteauroux). La grosse cote de l’année. Même si le FC Metz fait une mauvaise fin de saison, l’équipe, pourtant privée de son buteur maison Habib Diallo (parti à Strasbourg), a remporté moult succès à l’extérieur et cette typique équipe de contre (avec un gardien exceptionnel, l’Algérien Oukidja) peut encore prétendre à une place d’honneur. Montpellier est toujours à l’affût, avec son défenseur vétéran, le Brésilien Hilton et ses arguments offensifs, Laborde, Delort et l’Anglais Mavididi. L’une des seules équipes de ce championnat qui prend toujours le jeu à son compte et séduit par son football offensif. Que dire de l’Olympique de Marseille, avec un Payet en rideau et un Thauvin pas toujours au mieux de sa forme. Une équipe toujours au bord de la crise de nerf avec des supporters chauds bouillants qui poussent au crime et de sérieux problèmes de gouvernance. Les entraîneurs se succèdent sans jamais trouver la martingale. Et si on prenait enfin conscience que les joueurs alignés n’étaient pas ce qui se fait de mieux ? Peuchère, on y va fort ! De quoi se faire lyncher sur la canebière avec des propos aussi vexatoires. Le Stade Rennais, malgré un trou d’air à la fin des matches aller et au début des matchs retours, est reparti du bon pied, avec ses vedettes, les Camavinga, Doku ou N’Zonzi. Dommage qu’ils aient laissé échapper Rapinha (parti pour Leeds Utd) en début de saison. Dommage aussi qu’il ait fallu se séparer de Guy Stephan, un vrai gentleman, pour Genesio.

Pour la descente en Ligue 2, c’est aussi la bouteille à encre. Si les espoirs de Dijon sont définitivement enterrés (on se demande d’ailleurs ce que faisait cette équipe en Ligue 1), trois équipes vont se battre pour éviter la place de barragiste ou, pire, de second relégable. Encore parle-t-on de plus en plus souvent d’une Ligue 1 à 18 clubs, ce qui ferait passer encore plus d’équipes à la trappe. On ne miserait pas grand-chose sur les chances de maintien du F.C Nantes de Kombouaré, trop fébrile et fragile psychologiquement. De plus, l’équipe manque de talents et le football à la nantaise n’est plus qu’un lointain souvenir. Le Nîmes Olympique pourrait bien faire aussi les frais d’un football trop pauvre techniquement, en dépit d’une puissance athlétique remarquable. Les crocodiles, contrairement aux canaris, ne s’avouent pas vaincus et remportent des matchs à l’arrache, comme cette victoire inespérée à Lille. Puisqu’on en est au bestiaire, on peut passer sans transition aux merlus de Lorient, une équipe donnée perdante en début de saison mais qui a su obtenir des victoires ou des nuls dans les arrêts de jeu, avec l’une des révélations de ce championnat, le Nigérien Loffi, recruté en cours de saison. Bonne pioche !

Soit dit entre parenthèses, des clubs sociétaires de la Ligue 1 comme les Girondins de Bordeaux, le R.C Strasbourg ou l’A.S Saint-Étienne peuvent encore se voir inquiétés, sans parler des Brestois, pourtant longtemps dans le ventre mou, hors d’atteinte. Dans ce ventre mou justement où l’on peut trouver, confortablement installés, des clubs comme Nice, Angers ou le Stade de Reims qui, après un début de saison catastrophique, a réussi un très beau parcours et pointe à la 12° place, avec un Boulaye Dia ayant marqué à 14 reprises et qui se hisse sur le podium au classement des buteurs. À signaler aussi que l’entraîneur David Guion comptabilise 4 années en poste avec l’équipe première, presque un record de longévité au train où valsent les entraîneurs.

Pour l’accession en Ligue 1, là aussi, pas de certitudes. Si Troyes devrait rejoindre l’élite – les Troyens sont habitués à faire l’ascenseur entre les deux divisions -, rien n’est acquis pour les places d’honneur. Les Toulousains du Téfécé devraient logiquement accompagner Troyes, mais les violets sont habitués aux contre-performances et il faudra attendre probablement l’ultime journée. Sinon, ce sera le Paris F.C, Grenoble ou Clermont Foot, qui jouerait sa première saison en première division. Clermont qui, comme au rugby, peut devenir le Poulidor de la ligue 2, avec un effectif qui ne paye pas de mine mais d’une efficacité redoutable.

Pour la descente, les carottes sont cuites pour le Châteauroux de Michel Denisot comme pour les picards de Chambly. On aurait espéré la montée du Red Star, club ouvrier cher à notre cœur, mais une série de contre-performances a plombé le club audonien pourtant bien parti. En National, il faudra attendre Quevilly-Rouen, auteur d’une saison parfaite et le S.E.C Bastia dont ce sera le grand retour après quelques saisons en enfer après faillite.

On espérait aussi la montée en National du C.S Sedan, autre club cher à notre mémoire, mais le classement médiocre des Sedanais et l’interruption brutale des championnats amateurs (y compris en National 2) pour cause de Covid n’autorisent pas le moindre espoir. Quand on pense que le club avait fait appel à un émir saoudien, dans l’espoir d’imiter le PSG avec le Qatar. Les sangliers n’ont pas su s’adapter au désert, quoi de plus normal ?

Voilà. Alors, fin de saison passionnante ? Rien n’est moins sûr avec un championnat de Ligue 1 poussif où des équipes comme Lille, sans vouloir les déprécier, sont capables de l’emporter. Un championnat où les matchs sont fermés et où les faits de jeu ou les décisions arbitrales sont souvent déterminantes. Un championnat sans billetterie, sans public, avec des présidents mégalomanes, des entraîneurs bravaches et des supporters énervés. Un championnat dont les qualifiés français en coupe Europa sont régulièrement sortis dès les tous premiers tours, idem pour la C1, à part le PSG, l’arbre qui cache la forêt. Un championnat qui ne fait pas le poids face à l’Angleterre, l’Espagne ou même l’Italie et l’Allemagne. Pas de quoi pavoiser.

Vivement l’année prochaine, avec un football professionnel au régime sec où les transferts records vont se raréfier. Des droits télé moins soumis à la foire d’empoigne avec des investisseurs sortis de nulle part. Un football qui, sous la contrainte économique, retrouvera peut-être des vertus. Avec un peu plus de foot et de jeu et un peu moins de business et de gonflette médiatique. C’est tout ce qu’on souhaite en tant qu’amateur de football lassé par ses dérives mercantiles et spectaculaires. Mais c’est sûrement trop demander…

4 avril 2021

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