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MA MODESTE CONTRIBUTION À LA DÉSINTOXICATION DU MONDE

votre serviteur de dos interviewé par France Bleu Nord – photo René D, avec son aimable autorisation

17 avril, journée contre la ré intoxication du monde et en soutien aux luttes paysannes, à l’appel d’une centaine d’organisations au niveau national. On en a déjà parlé dans le dernier envoi avec, notamment, la lutte du collectif ch’moisnil contre la construction d’un entrepôt géant sur des terres agricoles. Retour à Marquillies le matin du 17 et à Lille l’après-midi. La journée d’un militant pour la convergence des luttes, mais avec des ratés.

On commence donc à Marquillies, village des Weppes à la limite du Pas De Calais dont on a déjà parlé l’autre fois. Nous sommes 4 d’Attac, 2 lillois, 1 du comité de Villeneuve d’Ascq et moi-même, pour Roubaix. C’est peu, mais d’autres actions ont lieu ce même jour, notamment la suite de la campagne « Qui doit payer la crise ? » entamée le 10 avril à Villeneuve d’Ascq.

Nous sommes environ 200, et pas seulement des militants. Beaucoup de gens du village ont rejoint la mobilisation et on a même un âne qui nous a suivi sur tout le parcours. On aurait pu être plus nombreux – on dira que c’est toujours ce que l’on dit – si les camarades d’ANV COP21, d’Alternatiba, des Amis de la terre et de Greenpeace n’avaient pas jugé préférable de se rendre au troisième rassemblement contre le projet Tropicalia à Rang du Fliers, un aquarium géant de poissons exotiques érigé lui aussi sur des terrains agricoles. Mais on ne va pas se mettre à concurrencer les luttes et à se compter par rapport aux autres mobilisations.

La petite place de Marquillies à 10h. donc, avec son café-tabac fermé définitivement pour cause de Covid et sa mairie devant laquelle le gros des troupes se réunit. Dans une ambiance bon enfant de fête au village, autant dire dans la joie et la bonne humeur, les prises de parole se succèdent.

C’est d’abord Pascal P. qui prend le micro au nom du collectif ch’moisnil. Il résume l’affaire qui nous occupe aujourd’hui à gros traits (voir envoi précédent sur le contenu du dossier), tout en mettant la MEL (communauté urbaine Métropole Européenne de Lille) devant ses contradictions. De belles intentions écologiques mais des réalisations comme ce funeste entrepôt et, pour toute justification, le simple fait que la décision a été prise avant le verdissement. Aussi ridicule qu’hypocrite. De quoi franchement rigoler, si la situation n’était pas aussi sérieuse.

Joyeux et festif, tel est ce rassemblement. Les organisations se suivent au micro avec Europe Écologie Les Verts, Extinction Rébellion qui nous fait sa déclaration à trois voix (de femmes), puis Attac pour rappeler que cette journée s’inscrit dans la lutte contre les grands projets inutiles et imposés, ici et ailleurs (Parc, aéroport de Lille – Lesquin, Tropicalia…), pour la rattacher aux luttes altermondialistes et pour dénoncer ce retour à la normale généralisé après le « plus jamais ça ! » et toutes les réflexions et pistes d’action élaborées durant le premier confinement.

Nous marchons ensuite sous un soleil printanier pour enterrer symboliquement le « plan vert » de la MEL, avec un vrai cercueil et les cordons du poêle tenues par quatre organisateurs. Cela fait partie de la volonté commune de donner à la manifestation les armes de l’humour et de la dérision, de mettre les rieurs de son côté et de dédramatiser les enjeux. La presse ne s’y trompe pas, et BFM TV comme France Bleu Nord ou La Voix du Nord sont venus en curieux, attirés justement par le programme des festivités.

À midi, une petite délégation se prépare à porter les signatures de pétitions à la MEL quand nous retournons sur Lille pour de nouvelles aventures. Laissons Marquillies jusqu’au mois de mai, où il est question d’un autre événement pour interpeller les candidats aux élections cantonales et départementales. On y sera ! Chapeau en tout cas pour l’organisation et la chaleur humaine. Un vrai plaisir de militer dans de telles conditions.

Après un excellent bœuf bourguignon et quelques libations, il faut prendre une décision pour la suite. L’un de nous ira à la friche Saint-Sauveur, une sorte de ZAD contre un projet de construction d’appartements de luxe et de piscine olympique ; départ en cortège depuis la place Jean Lebas, au lieu dit Le Belvédère. Un autre se rendra à la MEL pour accompagner les gens de Marquillies, avec des prises de parole sur tous les projets inutiles de la métropole. Pour moi, ce sera le rassemblement de 15h devant le théâtre Sébastopol à l’appel de Solidaires pour un départ en manifestation contre la contre-réforme des allocations chômage et pour soutenir les revendications des interluttants et précaires (réouverture des salles de spectacle, année blanche supplémentaire et suppression de la loi sur le chômage qui enfoncera dans la précarité). Les interluttants et précaires occupant le Colisée de Roubaix depuis un mois sont venus ensemble et les prises de parole se succèdent à nouveau, insistant sur la place de la culture dans nos vies et sur la scélératesse des nouvelles mesures sur les indemnités de chômage. Les revendications sont rappelées mais je dois laisser tout ce beau monde pour partir moi aussi à la MEL où, à 15h30, la délégation est reçue et où d’autres portes parole doivent aussi se faire entendre.

Je prends donc le métro direction Gare Lille Europe mais, évidemment, j’arrive trop tard et, à presque 16h, tout le monde est déjà parti. Ne reste qu’à regagner la friche Saint-Sauveur où, là aussi, les événements prévus ont déjà eu lieu. La porte-parole du collectif Parc est en train de répondre à des journalistes et il sera ensuite procédé à un étiquetage des différents végétaux poussés dans un terrain où chacun était appelé à amener ses semis pour faire d’une partie de la friche un vaste jardin potager que les occupants pourront cultiver. Car décidément non, la friche Saint-Saveur n’est pas le boboland parfois décrit par la presse locale. On y trouve aussi bien des écologistes de conviction que des migrants ou des SDF, dans un lieu autogéré où chacun peut trouver une occupation et un espace de liberté, le tout dans le respect du collectif.

Encore une zone à défendre à deux kilomètres du centre ville, en pays d’utopie où on se bat aussi contre le projet d’extension de l’aéroport de Lille – Lesquin avec l’association NADA et contre tous les autres projets inutiles. On se bat surtout pour un autre mode de vie qui puisse concilier les envies, les amitiés, les désirs dans un souci constant de convivialité, de respect et de cohérence. Ici, on sait concilier l’écologie et le social, reliés par la volonté de faire, de se rendre utile en toute bienveillance les uns vis à vis des autres.

17h et l’après-midi tire à sa fin. Il ne se passe plus rien à la friche et la manifestation du Belvédère n’a finalement pas eu lieu. On s’est contentés d’un rassemblement. Les gens de Marquillies ont regagné leurs pénates, se préparant déjà pour d’autres festivités. Je n’ai plus qu’à rentrer chez moi en reprenant mon bâton de pèlerin jusqu’au métro le plus proche.

Même si la matinée fut belle et si je garde l’impression de ne pas avoir gâché ma journée, j’ai cependant l’impression confuse d’avoir tout raté. D’avoir couru plusieurs lièvres à la fois et de n’en avoir attrapé aucun. Partout et nulle part. Qui trop embrasse… Ubiquité quand tu nous manques !Convergence des luttes, qu’ils disent. Sauf que chaque week-end, différentes manifestations sont organisées par différents syndicats, associations et collectifs et, qu’au final, on disperse les forces militantes jusqu’à finir par lasser les participants eux-mêmes. Y aurait-il également une concurrence – libre et non faussée ? – qui se serait introduite jusque dans les manifestations organisées par les diverses composantes du mouvement social ?

C’est moins, je le crains, une question d’agenda à harmoniser que la volonté des uns de toujours considérer l’objet de sa mobilisation comme plus important que celui du voisin. En gros, on veut bien être solidaires, convergents, intersectionnels et sur tous les fronts ; chacun va au rythme de ses engagements et travaille dans son coin, dans sa chapelle, avec les siens.

C’est une autre machine à perdre, sociale celle-là, et elle ressemble beaucoup à la désunion politique là où il faudrait une union nécessaire, mais certainement pas suffisante quand on sait que les derniers sondages (qui valent ce qu’ils valent comme chacun sait) créditent l’ensemble des voix de gauche entre 25 et 30 %. De quoi réfléchir. De quoi surtout chercher une bonne fois pour toutes à se coordonner, à se rassembler, à s’unir. À converger en un mot, quitte à parfois savoir en rabattre un peu de ses propres revendications, de ses propres positions pour prendre aussi en considération celles des autres, sans jamais rien lâcher sur les valeurs et sur les convictions.

Ce n’est qu’à ce prix qu’on pourra arriver à quelque chose, si toutefois nous ne sommes pas déjà condamnés à mener des luttes de résistance, des luttes en contre, sans grand espoir de mettre un jour nos idées au pouvoir, ou même de transformer le pouvoir pour que vivent nos idées. J’étais parti pour décrire la journée type d’un militant et me voilà presque à éditorialiser. Allez, y’ est temps que j’arrête !

20 avril 2021

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