On comptait écrire sur la fin du championnat de France avec les bonnes surprises et les mauvaises. Les tops et les flops, comme on dit dans l’Équipe. Las, après l’avant-dernière journée, rien n’est réglé et les positions sont encore disputées, aussi bien pour les places européennes que pour les barrages et les relégations. Le verdict, ce sera pour la prochaine fois. En attendant, un petit focus sur le plus grand club d’Europe, le Real de Madrid, qui joue la finale de la Champion’s league le 28 mai au Stade de France contre les rivaux du Liverpool F.C, finale loin d’être inédite. L’histoire glorieuse des Merengues depuis l’invention de la Coupe d’Europe des clubs champions, en 1955, et jusqu’à nos jours. Viva Real !
Le Real de Madrid, né Madrid F.C, a longtemps été la vitrine du franquisme, à l’époque où le Caudillo appréciait souverainement de voir le plus grand club de son Espagne rétrograde et sanguinaire défendre les couleurs (blanches) du catholicisme et du fascisme complices à travers les Phalanges et l’Opus Déi.
C’est le roi Alphonse XIII qui fit du Madrid F.C le Réal (royal), dès 1920 (le club a été fondé en 1902 par les frères Juan et Carlos Padros). Puis le Real redeviendra le Madrid F.C avant que Franco lui-même, bourreau des républicains (socialistes, communistes, trotskistes et anarchistes) ne décide à faire reprendre à Santiago Bernabeu, le nouveau propriétaire, le titre de Real.
Il s’en suivra une rivalité éternelle avec les Catalans du Barcelone F.C, la Catalogne ayant toujours été dans le camp républicain alors que Aragon et Castille soutenaient majoritairement le camp franquiste. Les supporters des deux équipes s’en souviendront lors des luttes homériques des deux clubs phares du football ibère. Le troisième larron s’appelle l’Atletico Madrid, jouant souvent les trouble-fêtes entre le Réal et le Barça, mais les rouges et blancs de l’Atletico n’ont jamais eu à porter le lourd héritage du franquisme.
Sous la présidence de Bernabeu, le Réal remporte les 5 premières coupes d’Europe des clubs champions, trophée lancé par Gabriel Hanot via France Football en 1955. Il est peu dire que le club domine le football mondial de la tête et des épaules. Les tuniques blanches (les merengues) battent par deux fois le Stade de Reims en finale (1956 et 1959). En 1957 et 1958, ce sont respectivement les Italiens de la Fiorentina puis du Milan A.C qui succombent à l’invincible armada. En 1960, c’est une victoire contre l’Eintracht de Francfort qui suffit au bonheur des supporters.
1961 est la première année sans coupes d’Europe, laissée à Benfica aux détriments du Barça. Benfica qui emporte à nouveau la coupe aux grandes oreilles en 1962 puis se fait battre à son tour par le Milan A.C. Ce sera le temps des Italiens de l’Inter du Catenaccio (verrou), une tactique mise au point par Helenio Herrera, qui battra le Real en 1965 après avoir triomphé de Benfica en 1964.
Les merengues d’alors ont pour noms Araquistain (dans les buts), Santamaria ou Munoz (en défense), Marsal ou Rial en milieu de terrain et une attaque du feu de dieu avec le divin chauve argentin Alfredo Di Stefano, le Hongrois au pied gauche magique, Ferenc Puskas, l’ailier aux semelles de vent Gento, plus un Del Sol au dribble magique et Joseito le goleador. Kopa viendra renforcer l’équipe en 1959, avant retour à Reims, avec son coéquipier Lucien Muller, et il sera remplacé au Real par le brillantissime Amancio.
Le Real renouera avec le succès en 1966 contre les Yougoslaves du Partizan de Belgrade. L’équipe a changé. Amancio est toujours là ainsi que l’inamovible Gento, mais les vieilles gloires ont remisé les crampons. D’autres ont pris leur place, la jeune garde des Pirri, Zocco, Pachin, Grosso, Velazquez ou le tout jeune Sanchis qui demeurera longtemps l’inamovible arrière latéral droit.
Puis c’est le trou noir dans les années 1970. Les équipes du Nord, écossaises, anglaises, néerlandaises et allemandes ont supplanté celles du sud et, même dans le championnat espagnol (la Liga), la suprématie du Real est contestée par les rivaux de l’Atletico et, surtout, par le Barça des Cruyff et des Neeskens. Mais le phénix va, c’est bien connu, renaître de ses cendres avec des socios (actionnaires du club qui le financent) et une nouvelle direction qui va pratiquer une politique de recrutement ruineuse. Santiago Bernabeu a laissé son nom au stade où évoluent les Madrilènes, mais d’autres profils – affairistes et politiques – piaffent dans l’ombre, à l’image de Fernandez Vara ou de Florentino Perez, ancien cadre de la mairie de Madrid. Le Real entend reprendre sa domination sur le championnat d’Espagne mais, surtout, retrouver son rang et à se replacer sur le toit de l’Europe.
Pour ce faire, il se mettra à l’heure sud-américaine après être passé par la même étape que les rivaux du Barça qui vont plutôt lorgner vers l’Allemagne et les Pays-Bas (Maradona n’ayant été qu’un malheureux épiphénomène). Breitner puis Schuster avant Stielike. À l’heure allemande.
Pour aller vite, on retrouve le grand Real en finale de la coupe d’Europe de 1981, au Parc des Princes, contre les Reds du Liverpool F.C (soit dit en passant la même finale que cette année). Sous la houlette du Yougoslave Boskov, le Real a bonifié son effectif avec l’arrivée de l’Allemand Stielike et de l’Anglais Cunnigham. Plus la nouvelle vague des Camacho, Del Bosque ou Juanito. Pas de quoi battre le grand Liverpool des Lee, Souness ou Dalglish, mais de quoi reprendre date et prouver au Barça que le club est de retour. Le Barça qui perd la finale de 1986 contre le Steaua Bucarest, après l’interdiction des clubs anglais à la suite de la finale tragique Juventus – Liverpool F.C au Heysel. La contre-performance fait la joie des Madrilènes qui refont vraiment surface dans les années 1990, après une finale perdue en 1985, en coupe de l’UEFA contre les Hongrois du Videoton S.C.
La dream team, une de plus, prend forme avec le Roumain Hagi, l’Allemand Schuster, les Argentins Valdano et Ruggeri, le Mexicain Hugo Sanchez et quelques Espagnols quand même parmi lesquels l’éternel Sanchis, Michel, Hierro, Butragueno, Raul ou Martin Vazquez. Ça prend tournure et ça sera encore mieux, sous la direction de l’Argentin Valdano – autre joueur flamboyant passé de l’autre côté – avec l’autre Argentin Redondo, le Chilien Zamorano et le Danois (piqué au Barça en prise de guerre) Michael Laudrup.
Il n’en faut pas plus pour remporter un nouveau trophée en 1998 et l’équipe a été baptisée dans les années 1980 la «quinta del buitre » (la bande des vautours), après ses deux victoires en coupe de l’UEFA dans ces années-là (les Spurs de Tottenham en 1985 puis le F.C Cologne l’année suivante). Sous la férule cette fois du Néerlandais Guus Hiddink, l’effectif s’est encore renforcé de l’Italien Panucci, de Roberto Carlos, Seedorf, Suker, Etoo et Morientes, sans parler du frenchy Karembeu avant l’inénarrable Anelka. Le Real est censé incarner le beau jeu et la technique, là où le Barça joue un football plus tactique et réaliste. Encore que…
Les clubs anglais sont depuis longtemps de retour et Chelsea et Manchester United inscrivent leurs noms au palmarès. Ce qui n’empêche pas le Real maintenant emmené par l’Anglais Mc Manaman de l’emporter cette fois contre Valence, en 2000. Puis Zidane arrive et le Real remporte l’épreuve à nouveau en 2002 aux dépends du Bayer Leverkussen grâce à un but d’anthologie du même Zidane. Zidane, mais aussi le Portugais Figo, le Brésilien Kaka et Makélélé, l’homme aux trois poumons.
La fin des années 2000 et le début des années 2010 voient le Barça de Messi enfiler les victoires et le Real, malgré ses vedettes, fait grise mine. Les maillots se sont garnis de liserés mauves et il faut attendre l’ère Zidane (entraîneur) pour voir le Real à nouveau champion d’Europe, avec une victoire contre l’Atletico de Diego Simeone. Finale identique en 2016, gagnée elle aussi, puis c’est contre la Juventus en 2017 et les Reds en 2018. Et de trois, à la suite ! Puis l’Angleterre reprendra les rênes et le Real devra ronger son frein.
Le Real se fait maintenant appeler los Galacticos, avec les Français Varane et Benzema, le Croate Modric, le Gallois Bale, les Allemands Kroos ou Özil, les Brésiliens Marcelo, Robinho et Casimero, le Portugais Christiano Ronaldo, le Colombien James Rodriguez et le Belges Hazard. Plus les Espagnols Izquer Cazillas, Sergio Ramos, Iscio ou Vazquez. Les meilleurs à chaque poste.
Est-il besoin de raconter la suite ? L’entraîneur a maintenant pour nom Carlos Ancelotti (ex Milan A.C, PSG, Naples…) et les Galacticos sont en plus allés chercher les Brésiliens Rodrygo (buteur face à Manchester City au match retour) et Vinicius. Brazil… Plus le Belge Courtois dans les buts. En attendant M’ Bappé l’année prochaine ?
Le Real est redevenu célèbre pour ses victoires à la desperado après être mené ; victoire in extremis contre le Paris Saint-Germain, on s’en souvient, et plus récemment contre Manchester City dans les arrêts de jeu. Un moral d’acier pour des joueurs aussi costauds psychologiquement qu’exceptionnels côté football. Les amalgames de stars planétaires ne sont pas toujours payants, mais ils l’ont toujours été au Real, question d’état d’esprit ? Il flotte un parfum magique dans le ciel de Bernabeu.
Une finale au Stade de France, Paris s’étant substitué à Saint-Pétersbourg pour cause de guerre Russo-ukrainienne. On va essayer de voir cette finale, en espérant qu’ils la perdent (c’est les Reds, Liverpool quand même !), même si les Reds sont aussi devenus une machine à gagner peuplée de mercenaires venus des quatre coins du monde. Bill Shankly doit se retourner dans sa tombe, mais c’est le football moderne. Hélas !
16 mai 2022