On fête cette année, dans les comités locaux comme au plan national, les 25 ans d’Attac. Une association dite altermondialiste créée officiellement en mai 1998 après un éditorial retentissant de Ignacio Ramonet dans Le Monde Diplomatique (décembre 1997) au titre-manifeste de « Désarmer les marchés ». Bernard Cassen, autre grande plume du Diplo de l’époque et quelques membres fondateurs (associations, syndicats, médias…) ont donc créé Attac sur la base d’une taxation des transactions financières, la fameuse Taxe Tobin. Que de chemin parcouru depuis, avec des centres d’intérêt qui se sont multipliés et une présence médiatique constante. Les comités de la métropole s’organisent pour donner à cet anniversaire l’occasion de mettre en visibilité une association qui, plus qu’un mouvement social, est devenue une véritable institution.
Le contexte. C’était au mitan des années 1990. Après les désespérantes années 1980 où, en France, même les socialistes n’avaient pu résister aux vents mauvais du néo-libéralisme, la conflictualité sociale reprenait ses droits. Des tas de signes venaient le prouver : création des SUD après les grèves et manifestations de décembre 1995 contre les lois Juppé ; création du DAL pour les mal-logés, création d’A.C ! pour les droits des chômeurs, de Droits devant ! Et d’autres associations citoyennes. Après les Tapie et les golden boys français, on voyait émerger des figures humanistes comme celles d’Albert Jacquard, de Jacques Gaillot, de Léon Schwartzenberg ou de Gilles Perrault. Sans oublier Pierre Bourdieu et ses éditions Raison d’agir. Des signes annonciateurs d’une éclaircie.
Rien de folichon jusque-là. La guerre du Golfe avait fait rage et la chute du mur avait accru le rayonnement d’un capitalisme financiarisé. En France, Chirac avait succédé à Mitterrand et les premières réformes avaient fait naître un mouvement social combatif. Au plan international, les accords de Marrakech avaient accouché de l’OMC qui s’inspirait des accords du GATT pour construire une nouvelle architecture financière internationale. Les rounds s’étaient succédé : Genève, Punta Del Este (Uruguay), Singapour, Seattle… Et c’est justement Seattle, en 1999, qui va rester dans les mémoires, perturbé par des activistes altermondialistes qui feront capoter les négociations.
L’altermondialisme était né bien avant la bataille de Seattle. Des théoriciens comme Susan George, Vandana Shivah, Amartya Sen, Gus Massiah, Chico Whitacker ou Aminata Traoré avaient déjà balisé les sentiers de la lutte et désigné les ennemis : la banque, la finance, les multinationales, les institutions financières mondiales, la dette et tous les outils d’un capitalisme prédateur empêchant les solidarités internationales et la naissance d’un autre monde de coopération, d’entraide et de partage sur des bases d’égalité et de justice sociale et écologique. Dans le viseur après l’AMI, le Tafta, l’AGCS, le Ceta ou le Mercosur.
À chaque sommet de l’OMC, sans parler de Davos, des contre-sommets s’organisaient. Porto Alegre (Brésil) était devenu la capitale mondiale de l’altermondialisme, mais on se réunira aussi à Bamako, à Séoul, à Londres et à Saint-Denis. Le Monde Diplomatique triplait ses tirages et les émissions de Daniel Mermet, sur France Inter, étaient très écoutées.
Par la suite, les chefs d’État, leurs délégations et leurs sherpas iront le plus loin possible, à Doha (Qatar) par exemple, loin de la foule en colère, mais ce sont à ce stade les Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) qui refuseront de signer tout accord sur l’agriculture. Par ailleurs, les accords commerciaux scélérats de type AMI donnant tout le pouvoir aux multinationales au détriment des États avaient été annulés sous la pression des mouvements citoyens de type Attac, justement. L’une des premières victoires. Il y en aura d’autres.
L’association Attac naît donc au printemps 1998 à la suite de réunions entre membres de la rédaction du Monde Diplomatique, activistes issus des comités contre l’OMC, et représentants des membres fondateurs que sont les syndicats Solidaires, FSU, CGT Finances, la Confédération Paysanne , l’UNEF ; des journaux comme Politis, Alternatives Économiques, Golias ou des associations populaires et environnementales comme Artisans du Monde, le DAL, le MRAP, Les Amis de la terre, Aitec , le Cedetim, A.C ! le MNCP, Survie et on en passe. Pour l’anecdote, le Charlie Hebdo de Philippe Val avait été l’un de ces membres avant de se rétracter.
La fameuse Taxe Tobin (0,1 % sur toutes les transactions financières) est discutée en hauts lieux et Tobin, ancien ministre de l’économie de Kennedy, s’en désolidarisera. Mais l’arc revendicatif d’Attac va bien plus loin : annulation de la dette du tiers-monde, dénonciation des accords de libre échange, lutte contre les paradis fiscaux et, plus globalement, combat contre l’insécurité économique et les inégalités sociales. La plateforme s’intitule « se réapproprier, ensemble, l’avenir de notre monde ». À quoi vont s’ajouter des revendications écologiques et une lutte acharnée contre la malbouffe après les événements de Millau et le démontage d’un Mc Do. « Agir local, penser global », la formule a beaucoup servi mais elle définit bien ce qu’était Attac à ce moment.
Au plan national, Cassen est remplacé par Jacques Nikonoff en 2002 et l’association a atteint les 30000 adhérents. On inclut dans les statuts ces fameuses CNCL, qui sont le parlement de l’association. Depuis 1999, des comités locaux se sont formés sur tout le territoire, avec des Attac internationaux (Attac Allemagne aura presque autant d’adhérents qu’en France, mais aussi la Belgique, l’Autriche, l’Espagne, la Tunisie…).
Crise de croissance ? Les difficultés commencent et, même si Attac a pris une large part au combat victorieux contre le T.C.E en 2004 et 2005 en même temps qu’elle a été active dans les mobilisations contre la guerre en Irak en 2003, la nouvelle direction peine à s’imposer et, en 2006, des fraudes électorales vont largement discréditer le mouvement. S’en suivront des démissions en masse après des luttes de pouvoir et des querelles d’ego. De 30000, on passera à 10000 adhérents et de nouvelles figures (Christophe Aguiton, Pierre Khalfa, Jacques Cossart, Dominique Plihon, Aurélie Trouvé, Jean-Marie Harribey, Thomas Coutrot, Annick Coupé…) émergent pour redonner à Attac ses capacités de mobilisation et surtout sa capacité à imposer ses thèmes. Attac sera très présent dans les ZAD, à Bure et contre les GAFAM, sans s’éloigner de l’international.
Mais les temps sont difficiles et la société se droitise. D’autres organisations ont émergé (Alternatiba, ANV COP21, XR…) sur des terrains de lutte pourtant proches mais avec des modes d’action plus radicaux. La convergence des luttes reste un vœu pieux, même si Attac a eu sa fenêtre de tir lors de la crise financière de 2008 et a repris la lumière avec les Économistes Atterrés et leurs. nombreuses publications. La pandémie a remis Attac à l’honneur, en tant que force motrice du collectif Plus jamais ça qui va devenir l’Alliance Écologique et Sociale (A.E.S). Sans parler du « quoi qu’il en coûte » et du « pognon de dingue » macronien déversé sur les entreprises, sur lesquels l’association va alerter.
Dans la métropole lilloise, les comités de Lille, Villeneuve d’Ascq et Roubaix – Tourcoing se sont formés au tout début des années 2000, après la création d’un Attac régional en 1998 puis d’Attac Lille l’année suivante.
Les 3 comités travaillent ensemble dans les réunions des 3 Attac et ont souvent mis en place des initiatives communes (ciné-débats, débats publics, manifestations de rue, ateliers, forums…). Chaque comité a ses spécificités, Lille multiplie les initiatives locales, Villeneuve d’Ascq relaye les campagnes nationales et Roubaix – Tourcoing s’est souvent investi dans des collectifs citoyens.
C’est aussi ensemble que les 3 comités fêteront les 25 ans d’Attac, comme ils l’ont fait en 2018 pour ses 20 ans.
Des groupes de travail vont se former sur trois thèmes : biens communs et services publics, Grands travaux inutiles et imposés et historique et bilan d’Attac et des comités locaux de la métropole. L’idée est de faire à partir de ces thèmes un forum social ou un village associatif avec des interventions des membres fondateurs, du théâtre (avec le Théâtre de l’opprimé qui ferait répéter à des militants volontaires un texte en préparation à Attac Paris avec la troupe NAJE), de la musique et une exposition.
Ce sera aussi l’occasion de saluer les grandes figures locales qui ont porté les comités même si elles se font plus rares aujourd’hui : les économistes Jean Gadrey, Laurent Cordonnier, ou la sociologue Nicole Gadrey. Sans parler des militants fidèles des 3 comités qui ont, souvent depuis le début, impulsé, accompagné et suivi nos campagnes. On évoquera aussi le souvenir de celles et ceux qui nous ont quittés.
Le tout visera à concilier les démarches militantes avec l’aspect festif et convivial, pour un événement qui devrait avoir lieu l’après-midi du samedi 18 novembre à la Bourse du travail. À confirmer, car d’autres salles sont actuellement prospectées et la date a été choisie en fonction de la première représentation du texte et des scènes théâtrales, début novembre.
Une journée à ne pas manquer et dont nous reparlerons. Attac est en tout cas plus que jamais nécessaire dans une société ultra-libérale, sécuritaire et autoritaire où celles et ceux qui relèvent la tête sont réprimés ou menacés de dissolution.
Après le Soulèvement de la terre, les soi-disant écoterroristes et les menaces sur les subventions de la LDH, Attac sera-t-il le suivant ? Ce serait nous faire honneur, mais c’est malheureusement envisageable. Alors, plus que jamais, à l’Attac !
26 juin 2023