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HILTON VALENTINE / SUR LA PISTE DE L’ANIMAL

Hilton Valentine guitare au poing dans la première mouture des Animals.

Guitariste des premiers Animals, Hilton Stewart Paterson Valentine est décédé dans le Connecticut le 29 janvier. Lors de leurs premières prestations au Club A Gogo de Newcastle, les Animals se composaient d’Eric Burdon (chant), Valentine (guitare), Alan Price (claviers), Chas Chandler (basse) et John Steel (batterie), managés au départ par le russe fou Giorgio Gomelsky. Après une longue absence, Hilton Valentine était revenu officier au sein d’une reformation du groupe à la fin des années 90. Portrait du guitariste en jeune chien.

Que faire quand on a 20 ans à Newcastle, à part engloutir des litres de Guinness et supporter les Magpies, le club de foot local ? Fonder un groupe de rock, peut-être ? Né en 1943 à North Shields sur le Tyne, localité proche de Newcastle, Valentine fait ses premières armes dès 1962 avec l’organiste Alan Price dans le Alan Price Combo qui deviendra les Animals l’année suivante, une fois que l’aura rejoint Eric Burdon. Les Animals seront leur nom pour la sauvagerie et la brutalité dont ils font montre sur la scène du Club A Gogo de Newcastle (Burdon prétendra que c’est en souvenir d’un garnement de Newcastle surnommé Animal Hoog). Leur répertoire est tourné vers le blues et le rock’n’roll, avec, pour référence, une sainte trilogie incluant Bo Diddley, John Lee Hooker et Chuck Berry.

On est déjà au milieu des années 60 et l’époque est au Swinging London. Découverts par un Giorgio Gomelsky qui, en parrain du British Beat, a déjà en main les Yardbirds et les premiers Rolling Stones, le groupe monte à Londres et signe chez Columbia – EMI, distribués par MGM aux U.S.A. Gomelsky fera tout pour mettre ses poulains dans le carré de tête des groupes anglais, juste derrière les Beatles et les Stones. D’abord, il les fait tourner dans le pays avec des grands du blues comme Sonny Boy Williamson ou Howlin’ Wolf ; ensuite, il les enregistre sur scène à Canterbury pour un live de légende daté de 1963 mais qui ne sortira que bien plus tard, chez BYG Actuel.

En septembre 1964 sort leur premier album après que leur premier hit, « The House Of The Rising Sun », reprise d’un traditionnel déjà rodé par Dylan sur son premier album, ait atteint la première place des hit-parades de l’été. « Disque de l’année », selon le New Musical Express pour un classique où les arrangements de Alan Price font merveille. L’album qui suit est produit par Mickie Most, un chanteur ayant passé sa jeunesse en Afrique du Sud et qui s’occupera aussi de Donovan et du Jeff Beck Group. Rien de bien renversant sur ce disque, baptisé sobrement The Animals sans aucune composition originale et avec des reprises de Bo Diddley, John Lee Hooker, Chuck Berry, Ray Charles ou Fats Domino. On voit bien d’où leur vient l’inspiration mais, contrairement aux Stones ou aux Yardbirds, ils peinent à la transcender. On remarque quand même les accents gouailleurs de Burdon et son organe puissant de bluesman écorché vif comme on est sensible au son vibrant du piano électrique de Alan Price. Valentine est un guitariste efficace qui se garde bien de se mettre en avant, se sachant moins doué que la plupart de ses pairs.

Un passage au Ed Sullivan Show et une tournée aux États-Unis plus tard (avec le Dave Clark Five en première partie), c’est Animals On Tour, en février 1965, avec enfin une composition originale signée Burdon et Price, le bouleversant « I’m Crying » qui fera un hit en même temps que le « Boom Boom » de John Lee Hooker. Bingo. D’autres hits vont suivre (« Hallelujah I Love Her So » et « Don’t Let Me Be Misunderstood », de Ray Charles ou « Bring It On Home To me » de Sam Cooke) et en mai paraît leur deuxième album studio, Animal Tracks. L’année 1965 est leur année, qui ne les voit distancés que par les Beatles et les Stones. L’album, toujours produit par Most, a pour temps fort le « Bo Diddley » (il y aura aussi un long et rigolard « Story Of Bo Diddley ») de leur mentor et le « I Believe To My Soul » de Ray Charles toujours ; finalement leur plus grande inspiration. On remarque aussi le « Bright Lights, Big City » de Jimmy Reed, l’une de leurs grandes admirations, reprise à la même époque par les Pretty Things.

Avec les Pretty Things justement, ils ont inventé le Chuck’n’Bo rock, du nom de Bo Diddley et de Chuck Berry, leurs principales influences. Un rock caractérisé par l’attachement à l’idiome du blues, par une certaine sauvagerie, l’absence de fioritures et un certain goût pour l’outrage. Ils sont au sommet, mais tout va bientôt se dérégler. C’est d’abord Alan Price qui part fonder le Alan Price Set à l’été 1965 et il accompagnera Dylan lors de sa tournée anglaise. Il est remplacé par Dave Rowberry qui mettra la main aux arrangements des deux hits suivants du groupe : « We’ve Got To Get Out Of This Place » et « It’s My Life », sûrement ce qu’ils ont fait de mieux. Encore deux reprises de songwriters du Brill Building new-yorkais, cette usine à tubes où des auteurs pondent des hits au kilomètre. On peine toujours à trouver des compositions du groupe, et c’est un peu là que le bât blesse. À cet exercice, bien des groupes, des Kinks aux Who, sont bien meilleurs qu’eux.

D’autant qu’à l’été 1965, leur prend la mauvaise idée de s’adjoindre une section de cuivres qu’ils inaugurent au festival British Jazz And Blues de Richmond. C’est The Animals Big Band, une curieuse mutation qui les éloigne d’une gloire à portée de main.

Cap sur l’Amérique avec deux derniers albums (si l’on s’en tient aux Animals en faisant l’impasse sur les New ou les New New Animals), produits par Tom Wilson, producteur de Dylan. Barry Jenkins (ex Nashville Teens) a remplacé John Steel à la batterie, mais Valentine est toujours solidement arrimé au manche de sa guitare. C’est d’abord Animalism qui sort cette fois chez Decca en mai 1966 avec les sempiternelles reprises de Chuck Berry, Jackie Wilson, Joe Tex, et le « I Put A Spell On You » de Screamin’ Jay Hawkins déjà popularisé par leur ex leader Alan Price, celui qui ne supportait pas de prendre l’avion. Outre le « Shake » de Sam Cooke ou le « Hit The Road Jack » de Ray Charles, on remarque trois compositions signées Burdon – Rawberry dont l’excellent « You’re On My Mind ». On remarque aussi une reprise sidérante du « Hey Gyp » de Donovan qui sortira en simple avec le poignant « When I Was Young » en face B. Un saut qualitatif. D’autant que leur dernier hit, « See See Rider » – signé abusivement Burdon alors que c’est en fait un classique folk-blues attribué généralement à Ma Rainey – sort en juin et c’est une véritable tuerie, avec un riff lancinant au piano et un Burdon qui n’a jamais été aussi rageur. Car qu’on ne s’y trompe pas, sous des apparences joviales, les Animals sont en fait un gang énervé, mal embouché. Des voyous révoltés. Eric Burdon est et restera l’une des grandes voix du rock, avec Jim Morrison et Roger Daltrey.

Un dernier tour de piste pour les animaux avec Animalization, en août de la même année. On y retrouve des titres de Animalism et aussi des compositions Burdon – Chandler, « Cheating » ou « Inside Looking Out » ; mais, surtout, « See See Rider » et ce qui sera leur dernier hit (mineur), ce « Don’t Bring Me Down » signé Jerry Goffin et Carol King. Tin Pan Alley, toujours.

En septembre, Burdon amorce une carrière solo et promeut son nouveau hit, « Help Me Girl » à Ready Steady Go et à Top Of The Pops, en solitaire. Chas Chandler s’en va découvrir Jimi Hendrix aux États-Unis et seul Carl Jenkins suit Burdon dans la formation des New Animals, qui prend le tournant psychédélique en 1967, mais sans Hilton Valentine, lequel se fend d’un album solo (All In Your Head), passé inaperçu. Valentine, comme Burdon, fera le voyage en Californie mais il le fera en toute discrétion quand Burdon devient une icône hippie en ambassadeur des groupes anglais à Monterey Pop.

Mais la saga des New Animals californiens est une autre histoire. Après les New Animals, War, un duo avec le bluesman Jimmy Witherspoon, une résistible carrière solo et l’album de la reformation, Burdon passera le plus clair des années 80 clochardisé à Los Angeles, dormant dans sa voiture. La reformation des Animals surprend tout le monde, en pleine vague punk. Un album convaincant (Before we were so rudely interrupted) et une tournée à la clé qui réjouit le cœur des fans nostalgiques.

On pourra revoir Hilton Valentine lors d’une ultime reformation des Animals à la fin des années 90 avec son compère John Steel, mais sans Burdon et les autres. Burdon qui se voit remplacé par un véritable clone avec la même voix et les mêmes éclats de gouaille. Lui habite toujours Los Angeles où il se livre au culturisme et à la méditation. En 1994, c’est l’hommage du Rock’n’roll Hall Of Fame pour l’ensemble de leurs œuvres.

Si l’on excepte leur peu de don pour les compositions originales, on peut souligner les qualités intrinsèques d’un groupe plus qu’estimable : sa puissance, son intensité, l’émotion qu’ils ont toujours prodigué en abondance. En plus, ils auront eu le grand mérite de faire découvrir la crème des bluesmen et les héros oubliés du rhythm’n’blues à toute la jeunesse occidentale. Ce qui n’est pas rien.

Même si Hilton Valentine n’a toujours été qu’un honnête musicien et qu’il n’a pas pris la lumière dans le Swinging London où tant d’astres ont brillé, il reste l’un de ces artisans précieux et lucides ayant su s’effacer derrière le succès du collectif. Comme, en sport, ces équipiers porteurs d’eau fiers de servir ceux que la gloire distinguera.

Hilton Valentine aura su rester humble et discret, mort à 77 ans, âge canonique pour un rocker.

Disques EMI Pathé / Columbia / Decca / MGM (USA)

13 février 2021

Comments:

Merci Didier pour cet excellent rappel. Je ne savais pas qu’il vivait dans le Connecticut. Quand j’ai vu les Pretty Things en fin août 2001 dans le bas de Manhattan, j’y suis allé le premier soir, et j’ai appris ensuite qu’Hilton Valentine les y avait rejoint pour le deuxième soir … que je n’ai donc pas vu. Dommage.

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