Club mythique de l’est parisien, les rouges (anciennement verts) du Red Star évoluent toujours en National (troisième division), après deux saisons passées en Ligue 2. On est loin du club qui, avant-guerre, remportait régulièrement des coupes de France, de même qu’on ne garde plus que des souvenirs nostalgiques du Red Star pensionnaire de la première division, dans les années 1960. Un club ouvrier, populaire, dont les supporters se partageaient entre salariés de l’automobile et loulous de banlieue. Petite histoire d’un club formateur attachant qu’on espère un jour voir revenir au plus haut niveau. Un vœu renouvelé d’année en année.
On sait peu que le Red Star a remporté 5 coupes de France, même si 4 d’entre elles l’ont été dans les années 1920 (la dernière en 1942, gagnée contre le F.C Sète avec un défenseur du nom de Helenio Herrera). Des matchs capitaux où l’étoile rouge triomphe dans la douleur, deux fois aux dépends de clubs du Nord comme l’U.S Tourcoing ou le Racing de Roubaix (pas encore le CORT). Les finales d’alors se jouaient au Stade Pershing, au fin fond du bois de Vincennes, et, au moins pour l’une d’elle, la victoire a été controversée, les Audoniens étant suspectés de tricherie.
Après le stade Pershing, ce sera le stade Yves Du Manoir bien avant le Stade Bauer, qui deviendra l’antre des Audoniens. Le Stade Bauer où s’entassent ouvriers de l’automobile : Citroën, qui deviendra Peugeot, est à deux pas et Renault n’est pas si loin. Des ouvriers et les premiers blousons noirs.
Ceux-ci garnissaient les gradins du stade Charles Bauer où évoluait le Red Star, soit littéralement l’Étoile rouge fleurant bon les dénominations des équipes des pays communistes – autant dire staliniens – d’Europe centrale. Pourtant, même si les Audoniens (l’intitulé exact était à l’époque le Red Star Olympique Audonien) jouaient dans la ceinture rouge, en banlieue, à Saint-Ouen, leurs maillots étaient verts à manches blanches et on avait du mal à percevoir la petite étoile rouge enchâssée dans un rond vert ; le tout floqué à la place du cœur.
L’atelier, la taule, l’usine, tout cela évoque le Red Star. Le Racing jouait à Colombes, près des beaux quartiers, le Stade Français au Parc des Princes et le Red Star était le seul club parisien à évoluer en banlieue, dans les quartiers populaires. Club ouvrier par excellence, le Red Star est l’un des plus anciens clubs français, créé par Jules Rimet en 1897, et plusieurs fois vainqueur de la coupe dans les années 1920 et 1930, on l’a vu. Jules Rimet sera le premier président de la Fédération française de football puis de la Fédération Internationale qui organisera les premières coupes du monde (d’où le trophée éponyme).
Une première fusion avec l’Olympique de Paris donnera au club ses belles couleurs vertes alors qu’il jouait jusque-là en marine et blanc. Au sortir de la seconde guerre mondiale, la fusion de plusieurs clubs de Saint-Ouen et des environs renforce encore un club qui est devenu une place forte du mouvement ouvrier et des jeunes des classes populaires. Mais le professionnalisme sied mal à un club qui a toujours chéri les valeurs de l’amateurisme, de la solidarité et de la culture ouvrière.
Une dernière finale de coupe de France en 1946 avant le déclin d’un club porté à bout de bras par la municipalité communiste et les usines Citroën.
Une deuxième fusion en 1949 avec le Stade Français (ils reprendront chacun leurs billes), et le Red Star fera longtemps l’ascenseur entre première et seconde division. Malgré des joueurs de talent comme l’Argentin José Farias, Jean-Claude Bras, l’un des fondateurs de l’UNFP (syndicat des joueurs) et les Antillais Taillepierre et Robinet, le club fusionne, pour la troisième fois, en 1967 avec le F.C Toulouse, dirigé à l’époque par le milliardaire rouge Jean-Baptiste Doumeng, et devient le Red Star F.C. La solution qu’avait trouvé Doumeng, en cheville avec les municipalités communistes de la ceinture rouge, pour éviter la descente à son club. Une fusion absorption qui vivra le temps d’une saison.
En première division, le Red Star possédait en Christian Laudu un gardien de classe et une défense solide avec Robinet, Béton ou Brucato. Les milieux de terrain (les demis on disait à l’époque), avaient pour noms Ducuing ou Moy, avec des attaquants affûtés déjà cités : Taillepierre, Farias ou Bras. Après la fusion avec Toulouse, l’effectif va s’enrichir du rugueux défenseur central paraguayen Carlos Monin, comme des arrières latéraux Cros et Mérelle et l’attaquant chti Edmond Baraffe. Plusieurs toulousains ont refusé l’exil parisien et sont restés au pays. Volem rester al païs…
C’est l’époque (fin des années 1960) où quelques joueurs capés en fin de carrière viennent enrichir un effectif déjà bien doté : Nestor Combin, Fleury Di Nallo, l’ex gardien de l’équipe de France Pierre Bernard, le Monégasque Jean Baeza, le Sedanais Yves Herbet et le Nantais Jacky Simon.
Mais c’est déjà le déclin. La municipalité a coupé les vivres et Citroën est en crise. Après quelques saisons en queue de première division, le Red Star descend en division 2 et dépose le bilan en 1978 pour abandonner provisoirement le professionnalisme et tomber en Division d’honneur. Le public ouvrier constitué par d’anciens loubards formatés par l’usine sont cocus une deuxième fois. La première par leur statut social dévalorisé quand la classe ouvrière ne fait plus rêver, la seconde par la faillite de leur club fétiche.
Pour l’anecdote, au début des années 1970, le Red Star avait formé le projet de recruter l’ailier droit de l’équipe nationale du Brésil de la grande époque : Mané Francisco Dos Santos dit aussi Garrincha, le dribbleur aux jambes torses, meilleur footballeur brésilien toutes générations confondues après Pelé. L’affaire ne se fera pas quand les dirigeants audoniens s’apercevront que le joueur est devenu alcoolique au dernier degré et d’une condition physique exécrable. On peut cependant être sûr que, même en chaise roulante, les supporters l’auraient adopté.
D’ailleurs, le Red Star se fera une spécialité de donner une dernière chance à des grands anciens en fin de carrière : Vincent Guérin, Tony Cascarino, Safet Susic ou l’Uruguayen Acosta. On aura plus tard Itandjé, Le Cornu, Marlet, Domoraud ou Kastendeusch (lui aussi devenu patron de l’UNFP, une spécialité audonienne).
C’est maintenant l’A.S Red Star qui surgit du fin fond des divisions perdues pour remonter en deuxième division, en 1982. Le club retrouvera le statut professionnel 10 ans plus tard mais redescendra à l’échelon inférieur, en National. Sous la dénomination définitive du Red Star F.C 93, l’équipe joue à La Courneuve ou à Saint-Denis et retombe dans les profondeurs de l’amateurisme avant de retrouver la Ligue 2 puis de redescendre à nouveau. Il faut être fidèle et ne pas craindre l’échec pour supporter un tel club. On peut se consoler en se disant que le Red Star est devenu un club formateur, envoyant bon an mal an des joueurs à l’échelon supérieur.
À Reims par exemple, où le Stade, maintenant en Ligue 1, a lui aussi passé des années en Ligue 2, en National ou aux échelons encore inférieurs. La preuve vivante qu’il ne faut jamais totalement désespérer d’un club.
J’ai pu voir s’affronter le Red Star et le Stade de Reims, alors qu’ils jouaient encore à La Courneuve. Un Red Star alors emmené par Kader Ferhaoui, international algérien venu de Montpellier et de Saint-Étienne. En 2001 notamment, Ferahoui avait marqué en première mi-temps et Reims l’avait finalement emporté grâce à deux buts du sénégalais (international mauritanien) Gaston Diamé.
Reims et le Red Star ont d’ailleurs toujours entretenu les meilleurs rapports. Plusieurs joueurs rémois, à toutes les époques, ont été formés au Red Star, Xavier Chavalerin ou Julien Jeanvier dans la période récente. Cette saison, le défenseur rémois Ducouré a été prêté au Red Star.
Actuellement 13° du championnat de National, le Red Star n’a plus aucune chance de monter en Ligue 2 malgré un entraîneur prestigieux, l’ex Marseillais et consultant Habib Beye et quelques joueurs de qualité comme le gardien Butelle, l’Ivoirien Ghabaoui en défense, le vétéran ex Angevin Cheik N’Doye ou encore le globe-trotter sénégalais Papa Ba en attaque.
N’oublions pas que le Red Star avait formé des joueurs comme Moussa Sissoko (Toulouse et Tottenham) ou Abdoulaye Meïté (Bolton puis West Bromwich).
Les effectifs du Red Star ont toujours été très colorés. À l’image de la banlieue ex rouge et de la Seine-Saint-Denis, le club a toujours compté en son sein beaucoup de maghrébins, d’africains et d’antillais.
Pour tous les amateurs de football, le Red Star reste le club des ouvriers et des classes dangereuses de la banlieue parisienne. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si des rappers tels que Topas, Fianso, Guy 2 Bezbar ou Niska citent le Red Star et revendiquent leur attachement au club. Les rappers après les punks et les rockers. Souhaitons-lui le meilleur, et que l’étoile rejaillisse au firmament du football français, ou européen pourquoi pas ? A (red) star is reborn.
10 janvier 2022