C’était le club préféré de mon père et de mes frères. Pas le mien. Pourtant, j’ai vu presque tous les matchs à domicile des dogues dans la période 1963-1965, alors qu’ils jouaient encore au stade Henri Joris et en deuxième division. Depuis lors, deux titres de champions de France, une coupe de France et souvent des places d’honneur au classement de la Ligue 1. Sans parler de succès inattendus dans les coupes d’Europe. De quoi se fendre d’un article sur un club qui, s’il n’a jamais eu mes faveurs, n’en mérite pas moins un coup de chapeau. Petit historique !
Mon père me parlait souvent de l’âge d’or du LOSC, qu’il avait connu. Vainqueur de quelques championnats dans les années 1930 et, surtout, de quatre coupes de France après-guerre. Il évoquait avec émotion les joueurs de l’époque, les Darui, Dubreucq, Sommerlinck, Baratte et autres Kalocsaï, entraînés par Jules Bigot. Au sujet de ce-dernier, il y avait une anecdote qui voulait qu’un Hongrois homonyme avait fui Budapest et la répression soviétique de 1956 pour se présenter à la place du joueur. Il était incapable de jongler avec un ballon ou même de courir un peu, ce qui avait aidé à démasquer l’imposteur et à le ramener à sa triste condition de réfugié politique. Des anecdotes de ce genre, il en avait à la pelle et on l’écoutait patiemment, jusqu’à ce qu’on finisse par se rendre compte que c’étaient toujours les mêmes. Il racontait notamment l’origine du LOSC, soit la fusion entre le S.C Fives (un club qui évoluait en Division 1 dans les années 1920) et le Lille Olympique. Ça avait donné le LOSC, qui avait pris un dogue pour mascotte.
Au mitan des années 1960, en les voyant jouer en deuxième division contre des clubs comme Forbach ou Besançon, j’avais l’impression que les temps héroïques étaient passés et qu’on pouvait maintenant parler de vieilles gloires. Je me souviens qu’en mai 1966, j’avais failli être écrasé contre les balustrades à la suite d’un but lillois contre Bastia qui leur avait permis de remonter à l’échelon supérieur. Les supporters des « populaires » où nous étions avaient tous déboulé vers les grilles, pour mieux communier avec les joueurs, et j’avais senti, à 12 ans, ma dernière heure arriver.
Le retour en première division ne fut pas très probant. « Le tout est de se maintenir », avait titré France Football, manière adroite d’exprimer son scepticisme. On avait fait venir quelques joueurs comme André Guy, venu de Saint-Étienne, mais l’ossature restait la même : Samoy – Mezzara, Daquet, Stakowiak, Navarro – Adrien, Bourbotte – Houen, Guy, Erhardt et Petyt. En 4 – 2 – 4, c’était moderne à l’époque. Les dogues furent relégués l’année d’après et entamèrent une descente aux enfers qui les mena jusqu’aux portes de la troisième division, soit le Championnat de France Amateurs, autant dire l’enfer. Les meilleurs étaient partis, Guy à Lyon, Petyt à Bordeaux ou Adamczyk à Nancy.
Au milieu des années 1970, ils remontèrent dans l’élite avec la colonie sud-américaine post coupe du monde au Mexique : les Chiliens Fouilloux, Gautier ou Nogues et l’Uruguayen Mujica. Un peu avant, on avait eu droit aux Yougoslaves (au temps de la Yougoslavie) du Partizan de Belgrade, les Skorbic et Bajic. On aura par la suite Karasi, venu des concurrents de l’Étoile Rouge. C’est l’époque où on pouvait entendre Raoul De Godevaersvelde entonner son « Allez le LOSC ! » dans le stade. Les supporters revenaient et Lille allait mieux, jusqu’à cette fin des années 1970 calamiteuse où ils allaient retrouver les bas-fonds.
On en arrive à la période moderne, si on peut le dire comme ça. Le LOSC avait une fâcheuse tendance à faire l’ascenseur entre première et deuxième division, malgré le passage remarqué de quelques joueurs d’exception comme Jocelyn Angloma, Abedi Pelé ou Bernard Lama. Les Loscistes étaient reconnus pour leur solidité défensive et leur capacité à tenir le score. Réputés aussi pour faire déjouer les meilleurs avec des performances contre les clubs les plus huppés, le Paris Saint-Germain en premier lieu.
Les entraîneurs se succèdent : Peyroche, Arribas, Dos Santos, Heylens, Samoy, Santini… Et on recrute à la frontière avec les internationaux belges Van Den Bergh ou De Smet. Pas encore la dream team, mais ça prend tournure, jusqu’à la descente, une nouvelle fois, et une remontée au terme de la saison historique 1997 – 1998, où le LOSC a dominé le championnat de Division 2 de la tête et des épaules, battant le record du nombre de victoires.
Lille allait retrouver la première division et, dès lors, le club n’allait plus la quitter. Sans être si peu que ce soit historien du club, on se souvient des derniers exploits des lillois, auteurs d’un doublé coupe et championnat en 2011 et titulaires d’un autre titre il n’y a pas si longtemps, en 2021.
En coupes d’Europe, Lille va loin dans la Coupe Europa, s’extrayant souvent de poules de qualification difficiles, et on se souvient de leur victoire historique en Champions League contre le Milan A.C après avoir tenu la dragée haute à Manchester United.
En 2011, l’année du doublé, le LOSC de Rudi Garcia a dans son effectif l’Ivoirien Gervinho, le Brésilien Bastos ou le Belge Hazard, avec les petits jeunes qui montent et qui partiront tous en Angleterre l’année d’après : Debuchy à Arsenal, Cabaye à Newcastle, sans parler de Hazard qui ira exercer ses talents chez les Blues de Chelsea. Comme tous les clubs, le LOSC a tout l’air d’une légion étrangère avec des Grecs, des Portugais, des Croates et des Africains. On n’oublie pas les buteurs africains qui se sont succédé sous les couleurs rouges et marine des Lillois : Matt Moussilou, Moussa Sow, Divok Origi ou le Nigérian Victor Osimhen qui fait maintenant les beaux jours du SS Naples.
On ne parlera pas, par pudeur, de la gestion hasardeuse du président Gérard Lopez, ni celle de Dayan ou Seydoux avant lui, qui ont laissé moins de trace. La politique ambitieuse du club n’a pas toujours été en adéquation avec ses moyens financiers et on compte nombre de joueurs prêtés et de montages financiers acrobatiques, notamment avec les clubs belges de l’Excelsior de Mouscron ou du KV Ostende. Mais c’est une autre histoire, comme disait l’autre, qui pourrait presque faire l’objet d’un article complet. Gageons qu’avec le bon président Létang, Olivier de son prénom, ancien joueur du Stade de Reims et chef-comptable puis directeur sportif de Reims, du PSG, de Rennes et maintenant de Lille, ces vieilles pratiques discutables n’ont plus cours. Gageons.
À l’issue de la saison 2017 – 2018, le LOSC a pourtant bien failli retrouver la Ligue 2. Le club avait fait venir Bielsa, entraîneur argentin qui avait pourtant été à la tête de la Roja chilienne et était passé par Marseille. L’homme à la glacière n’avait pas réussi à Lille, c’est le moins qu’on puisse dire, et il était parti chercher meilleure fortune à Everton.
Cette année-là, les envahissements de terrain n’étaient pas rares après des matchs perdus dans les dernières minutes. Lille n’avait plus sa réussite légendaire et les ultras (parfois liés aux fachos de la Citadelle) faisaient le coup de poing. On se souvient notamment d’un match perdu à domicile contre Montpellier où le terrain avait été envahi, Lille se retrouvant en position relégable . Il avait fallu un miracle pour s’extraire de la zone rouge dans les dernières journées.
Personnellement, je ne vais au stade Pierre Mauroy que lorsque les Rémois y viennent. Ce sont souvent des défaites pour mes favoris, mais pas toujours. Une victoire en 2013 avec un but gag des Rémois et deux matchs nuls récents sur les scores de 1 – 1. Pas si mal, face à une équipe qui fait partie des cadors du football français, même si la régularité n’est pas toujours son fait.
Et puis il y a eu cette saison miraculeuse 2020 – 2021, justement la saison où Létang remplace Lopez à la présidence et où Christophe Galtier, venu de Saint-Étienne, permet à son équipe de remporter son deuxième titre d’après-guerre avec des joueurs venus à l’intersaison comme le Brésilien Gabriel, Osimhen, Fonte, Botman, Yilmaz, le serial buteur turc ou le Canadien David.
Tout cela vient s’ajouter au gardien Maignan, aux autres turcs Yacizi et Celik, à Ikoné, à Renato Sanches ou à Bamba. C’était aussi la saison où Lille avait perdu Nicolas Pépé (Arsenal) et Loïc Rémy parti en Turquie. Cette année-là, le LOSC avait coiffé le PSG au poteau, avec seulement un point de plus. Ce n’était pourtant pas la dream team et l’équipe n’était pas donnée favorite en début de saison, mais ils l’ont fait et, depuis, Galtier est passé de Nice au Paris Saint-Germain sans pouvoir renouveler un exploit mémorable. Qui restera en tout cas dans les mémoires des supporters lillois, dont je ne suis pas, au risque de me répéter.
Cette saison est en demi-teinte, même si Lille maintient son rang dans la première partie du tableau, avec des résultats en dent de scie. De nouveaux joueurs s’illustrent dans un effectif pléthorique où Fonseca, le nouvel entraîneur, peut puiser à sa guise. Ce sera juste pour une place européenne, mais les dogues ont toujours les crocs, le public est toujours là, et le club a le chic pour révéler des talents. Alors ?… Surtout pas à mettre à la niche, les dogues.
8 mars 2023