C’est à la fin du marché qu’on compte les bouses, nous dit un vieux proverbe plein de sagesse paysanne. Comme chaque année, le marché des transferts a connu une brusque accélération à la fin août, juste avant la clôture. Quelques affaires en cours ont été conclues et d’autres se sont vues abandonnées faute d’accords entre les clubs (et les agents de joueurs qui prennent une place prépondérante). On commence par une revue d’effectif des clubs français de Ligue 1 avant de faire le tour des clubs européens la fois prochaine, ce qui fera le troisième volet de cette chronique du marché aux esclaves, car n’oublions pas que ce sont des hommes, fussent-ils footballeurs professionnels, qui sont vendus et achetés aux plus offrants. Même à prix d’or, il y a là quelque chose de révoltant.
On commence par les Européens, on veut dire les deux clubs qui ont accédé à la Champion’s League, puisque Marseille s’est fait éliminer aux barrages face aux modestes grecs du Panathinaikos, après un arbitrage délirant mais bon… Allez l’O.M, putaing cong !
Au Paris SG, on a perdu Messi, Neymar, Verratti et on a failli perdre M’ Bappé qui, finalement, reste. Il sera le pilier d’une attaque renouvelée avec Kolo Muani et Dembélé ; Etikité, l’ex rémois qui n’a jamais convaincu à Paris, partirait à Crystal Palace. Le vieux Sergio Ramos raccroche les crampons, Paredes part à l’AS Rome et Icardi au Galatasaray. Même si les Qataris en ont assez de leur danseuse, ce sont pas moins d’une dizaine de joueurs qui viennent en renfort de ce PSG new look, les plus connus étant l’Uruguayen Ugarte, l’ex Lyonnais Barcola, l’ex de Fulham Kurzawa et le Coréen Lee. Le PSG ne devrait plus survoler le championnat comme les années précédentes, mais il en reste une valeur sûre avec un nouvel entraîneur, Luis Enriqué, qui a fait ses preuves avec le Barça. Pas les terreurs d’avant, mais un virage qui, espérons-le, leur apportera modestie et humilité avant de repartir à l’assaut de l’Europe.
Le Racing Club de Lens ne fait rien comme les autres, cédant ses deux meilleurs joueurs (Openda à Leipzig et Fofana en Arabie Saoudite) alors qu’il dispute la C1. Sans parler d’Onana au Besiktas. Mal partis en championnat, les Lensois n’auront peut-être pas leur grinta des deux années précédentes. Certes, Wahi arrive de Montpellier avec le Colombien Cortès et le Bulgare Khusanov, mais les autres arrivées sont anecdotiques et on voit mal Lens sortir d’un groupe comportant Arsenal, le PSV Eindhoven et le FC Séville. De même qu’en championnat, on les voit mal aux places d’honneur cette année. Mais l’équipe est tellement surprenante…
L’Olympique de Marseille aurait pu jouer la C1, mais elle devra se contenter du championnat. Marcellino, le nouvel entraîneur, aura du mal avec des supporters toujours au bord de la crise de nerfs à la moindre contre-performance. Marseille perd Under, Tavares et Payet (parti au Brésil), plus le buteur maison Sanchez, parti à l’Inter. Les arrivées ? Kondogbia, Sarr ou Aubameyant, pas vraiment des épées, plus des Sud-américains dont la régularité n’est pas toujours assurée (Correa, Murillo ou Luis Enriqué). Mais il y a longtemps que Marseille ne fait plus de folies. Reste une petite chance en Europa… Dernière heure, Marcellino n’aura pas fait long feu, c’est le Milanais Gattuso qui le remplace. Combien de temps ? Les paris sont ouverts. C’est plus une valse, c’est du pogo !
Parmi les autres européens (la petite coupe Conférence), on compte le Lille OSC, vainqueur aux barrages. Là aussi, on peut nourrir des craintes avec les départs de Weah (Juventus), Fonte (Braga), Andre Gomes (Everton) ou Bamba au Celta Vigo. En contrepartie, rien de bien convaincant avec l’éternelle armada cosmopolite des demi-soldes du foot mondial, plus Umtiti, venu du Barça. Lille encore à l’heure portugaise côté entraîneurs, mais Lille qu’on a connu plus ambitieux et qui aura du mal à rafler une place d’honneur.
Le Stade Rennais de Genesio réussit toujours à se hisser dans les 5 premiers, mais jamais dans le trio de tête. Blas arrive de Nantes et Le Fée de Lorient. À part ça, c’est l’hécatombe : Majer, Doku, Toko Ekambi, Traoré, Meling et Guirassy font leurs valises. Ici aussi, de quoi être inquiet, et pour la Coupe Europa, et pour les premières places du championnat.
Dernier club en lice pour les coupes d’Europe, le Toulouse F.C, vainqueur de la coupe. Le grand nettoyage, du sol au plafond, ou plutôt le grand remplacement. Changement d’entraîneur (Montanier out et Martinez-Novell in), mais des renfort de Ligue 2 et pas moins de 15 joueurs sur le départ, dont Van Den Boomen, Dejaeghere, Spierrings et le gardien Dupé. Très peu de chances de briller en Europa, et aucune chance de jouer les premiers rôles en championnat.
Les autres, les sans-grades du championnat ? L’A.S Monaco, à mon avis, devrait remporter le titre, avec un recrutement intelligent et ambitieux : Balogun, Salisu ou le gardien Köhn. C’est toute l’équipe qui se met à l’heure allemande, avec un staff où on trouve Hittel et Schmidt. Les anciens (Ben Yedder, Fofana, Golovine, Malipan…) restent, même si le club perdu Nübel (Bayern), Volland (Union Berlin) ou Di Sasi (Chelsea). Les Monégasques ne sont pas pour rien les actuels leaders du championnat. Les mercenaires du rocher vont faire mal.
On verrait bien aussi les voisins de l’OGC Nice aux places d’honneur. Même si leur changement d’entraîneur est incompréhensible (Digard cède sa place à l’Italien Farioli), beaucoup de richesses dans cette équipe renforcée encore par Guessand (ex Nantes) ou Sanson (Aston Villa). Les Aiglons perdent, en revanche, Pépé, Dolberg et leurs anglais sur la promenade Ramsey et Barkley, pas transcendants la saison dernière. À suivre, en tout cas.
L’Olympique Lyonnais, lui, est à la ramasse en cette entame de championnat. Un recrutement modeste avec le Croate Caleta-Car et Mama Baldé parmi les plus connus, mais une hémorragie avec les départs de Barcola, Koné, Thiago Mendes, Faivre, Gusto ou l’autre Dembélé. Désormais sans la tutelle d’Aulas, Blanc va se faire des cheveux gris, et broyer du noir ? Dernière minute, il est viré.
Le Montpellier S.C de Der Zakarian a surpris pour sa fin de saison, alors que le club était au bord de la relégation. Wahi, à l’origine du miracle, part à Lens mais le trio d’attaque El Tabani (un Jordanien venu de Louvain) Adam et Nordin est percutant. Certes, ils perdent aussi Madividi (Leicester) et Mouassa (Bruges), mais leur début de championnat laisse espérer une belle saison.
Que dire du R.C Strasbourg, qui a raté sa saison l’an dernier, ne devant son maintien qu’à un sprint final ahurissant. Vieira, venu de Crystal Palace, est leur nouvel entraîneur et les renforts abondent : une dizaine de joueurs mais rien de transcendant, à part Sylla (Bruges), Mwanga (Bordeaux) ou Gabriel (Chelsea). Beaucoup de départs aussi, notamment Liénard, Djiku et surtout Habib Diallo en Arabie Saoudite. Strasbourg a gardé l’autre Habib, Diarra, malgré des offres somptuaires. On les verrait bien en milieu de tableau, avec eux aussi un début de championnat réussi.
Le Stade Brestois et le F.C Lorient présentent un peu les mêmes caractéristiques : des effectifs moyens mais, à l’arrivée, des classements honorables. Pas de grands noms parmi les arrivées brestoises, à part l’Uruguayen de l’Inter Satriano, et l’ex Marseillais Amavi. Une dizaine de départs dont Honorat (Moenchengladbach), Hérelle (Metz) et Duverne (Nantes). Brest qui a lui aussi bien débuté son championnat. Pour Lorient, c’est moins bon, qui perd Faivre, Le Fée et Meïté. Un recrutement niveau Ligue 2 excepté l’ex Manchester City Benjamin Mendy, sorti de la tourmente judiciaire. Bref, du mouron à se faire mais, on l’a dit, les merlus s’en sortent bien (en général).
On va passer maintenant aux possibles relégables. Si le Clermont Foot a réalisé une saison honorable, il peut craindre le pire avec un début de championnat catastrophique. 7 départs pour autant d’arrivées, mais rien de connu. Clermont avait souvent gagné des matchs à l’énergie et dans le money-time. Il semble que la magie n’opère plus.
On aimerait ne pas voir descendre le F.C Nantes, mais l’équipe qui a frôlé la relégation l’an dernier ne donne pas de gages de confiance. Une flopée de nouveaux dont Marquinhos (ex Arsenal), Duverne ou Pierre Gabriel, plus le Turco-Suisse Cömert ; mais une saignée qui leur fait perdre leurs meilleurs joueurs (Blas, Girotto, Guessand, sans compter Delort). Sans être cuits, les canaris auront du mal à voler haut.
Deux promus qui ont aussi du souci à se faire. Le F.C Metz malgré une douzaine de renforts (rien de très connu dont 4 joueurs du F.C Seraing) et les départs de Niane à Angers ou de leur buteur le Géorgien Mikaudtadzé à l’Ajax. Ce sera dur de se maintenir pour des Lorrains habitués à faire l’ascenseur. Le Havre A.C, l’autre promu, n’est guère plus rassurant avec une dizaine d’arrivées sans grand renom à part Bayo ex Lille, et des départs (Lekhal, Richardson, Diakité) qui risquent de peser lourd.
On terminera sur le Stade de Reims qui pourrait bien être la surprise de la saison. Les hommes de Will Still (son frère sera son adjoint) ont perdu Balogun, Cajuste, Lopy, Keita, Van Bergen, Flips et Doumbia, mais ils ont recruté une dizaine de joueurs qui se sont déjà fait remarquer dans ce championnat tels le Japonais Nakamura, le Maltais Teuma, le Danois Daramy ou l’Anglais Wilson-Esbrand (ex Manchester Ciy). Sans parler du Havrais Richardson, de l’Angevin Salama et de tous ces joueurs venus de Belgique pour l’essentiel qui n’ont pas encore pu montrer leurs qualités sur le pré : Bojang, Okumu ou Khadra, tout en gardant l’ossature de l’équipe de l’an dernier. Les Rémois débutent bien et on sent un gros potentiel avec un banc renforcé. Champagne ? On attendra un peu.
Voilà pour la revue d’effectifs, mais on doit avouer qu’on est très mauvais pronostiqueur. Les clubs étrangers la fois prochaine, avec un focus pour l’Arabie Saoudite qui est devenue la maison de retraite – palace des stars du ballon rond. Marché aux esclaves, mais certains plus affranchis que les autres. Quand le foot est devenu aussi un moyen de pression et de prestige géopolitique.
1° septembre 2023
PS : une pensée pour Dominique Colonna, gardien du grand Reims inventeur de la relance à la main. Une pensée aussi pour Salif Keita, dribbleur facétieux des Verts à leur meilleur. À ne pas confondre avec le griot homonyme. On connaît l’anecdote d’un Keita qui était arrivé à Saint-Étienne, depuis Le Bourget, en taxi. La France vue du Mali. La note fut salée, mais il a pu la payer sur le terrain au centuple. Keita s’est ensuite égaré à Marseille. Il fut le premier ballon d’or africain. Deux idoles de mon enfance pour Colonna, de mon adolescence pour Keita.
Oui, du mouvement un peu partout, mais éclipsé par le feuilleton Mbappé et la valse des joueurs en Arabie saoudite qui a pris pratiquement toute la place…
Merci Didier pour cette revue d’effectif.