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ASSOCIATIONS : LES SOLIDARITÉS EN PÉRIL

Le Collectif des Associations Citoyennes en manifestation, image piquée sur Internet. Le camarade photographe ne m’en voudra pas…

À l’heure où les différents budgets, votés ou non, s’accordent tous à mettre à mal les associations, les résistances s’imposent. Deux mâchoires d’un même piège : la baisse drastique des subventions d’une part, et le Contrat d’engagement républicain d’autre part. Ce C.E.R qui est une façon de museler les associations les plus politiques. On ne dira jamais assez l’utilité des associations pour le lien social et la citoyenneté, et on parlera ici des associations de lutte, qu’elles soient écologistes , sociales ou citoyennes. Un tour d’horizon rapide, ou plutôt un état des lieux de ce qui résiste encore. Jusqu’à quand ?

Le samedi 11 octobre avait lieu sur tout le territoire des manifestations réussies en faveur des associations victimes des restrictions budgétaires sous le mot d’ordre « ça ne tient plus ». Des manifestations bien suivies par tout le monde associatif, que ces associations soient citoyennes, humanitaires, sportives ou de loisirs.

L’Humanité du 23 octobre faisait le bilan désastreux de la dernière loi de finance pour les associations. Il est question de 90000 emplois menacés dans le secteur et d’une baisse drastique de 1 milliard d’Euros quant aux budgets. « Variable d’ajustement », titre l’éditorial du journal, insistant sur le fait que le néo-libéralisme et ses serviteurs n’ont de cesse que de « soumettre le monde associatif aux logiques de la marchandisation ». Nous y voilà.

Depuis déjà une dizaine d’années, et sur le modèle des « social bonds » anglo-saxons, les associations sont mises en concurrence entre elles et avec le milieu associatif privé. Le privé qui, comme chacun sait (credo libéral) fait tout mieux que les autres. On a pu le voir avec les Ehpad notamment à travers le livre de Victor Castanet Les fossoyeurs. Mais d’autres secteurs subissent cette marchandisation avec les mêmes conséquences : service dégradé, public méprisé, salaires en berne et conditions de travail mortifères.

Les associations font partie du tiers secteur, de ce qu’on appelle l’économie solidaire (et sociale), avec les coopératives et les mutuelles. Elles constituent souvent de véritables bouées de sauvetage, remplaçant parfois des services publics et des services sociaux défaillants et épaulant les municipalités dans l’aide aux citoyens à travers des actions caritatives ou de solidarité.

Beaucoup de ces associations sont animées par des bénévoles qui prennent sur leur temps libre pour accomplir ces tâches indispensables que le secteur marchand délaisse de plus en plus. Ce sont souvent des retraités qui mettent la main à la pâte. Ces fameux « boomers » dont on dit pis que pendre. Celles et ceux qui se seraient goinfrés durant les 30 glorieuses et qui sont responsables à la fois de la dette, du chômage et de tous les maux de la société. C’est oublié un peu vite que cette génération a su se battre contre les gouvernements et leurs politiques et qu’elle a souvent porté haut les couleurs de la justice et de la solidarité.

On parle ici des associations citoyennes, les plus politiques, qu’elles soient écologistes, à vocation sociale, d’éducation populaire ou humanitaires. Les associations sportives, culturelles ou de loisirs obéissent à d’autres logiques et, pour utiles qu’elles puissent être, elles n’entrent pas dans notre champ de vision, pour ne pas parler de notre étude, au même titre que les associations du para-médical ou des associations communautaires, entre beaucoup d’autres.

Toutes sont pourtant régies par la loi de juillet 1901 votée par le gouvernement Waldeck-Rousseau et qui dispose que «l‘association est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d’une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices. Elle est régie, quant à sa validité, par les principes généraux du droit applicables aux contrats et obligations ». Il s’agit simplement de nommer un président et un trésorier au minimum et de déclarer les statuts en préfecture.

On l’a dit, ce tissu associatif est utile à la société et aux classes populaires dans la mise à disposition de certains biens et services mais aussi, comme le font par exemple les centres sociaux, dans la prise en compte de la parole citoyenne et dans la politisation de gens qu’on n’écoute pas et dont on ne tient pas compte, n’ayant pas l’agentivité, les moyens et les ressources des catégories sociales plus aisées.

Car c’est aussi cela le rôle du milieu associatif, faire en sorte que la parole des plus modestes soit écoutée et permettre aux plus éloignés des sphères de pouvoir de faire entendre leur voix, dans un idéal démocratique et citoyen.

Bien sûr, on vous parlera d’associations plus ou moins bidons qui font vivre quelques personnes plus ou moins bien intentionnées, mais ce ne sont souvent que quelques exemples ultra-minoritaires montés en épingle pour décrier globalement le monde associatif, car celui-ci n’a pas que des amis et est vu d’un mauvais œil par les partisans des lois du marché et de leurs supposées efficacités, pour ne pas parler d’efficience. Tout ce qui le contourne et y contrevient est bien entendu assimilé à du parasitisme ou à du copinage.

Depuis longtemps les résistances s’organisent, à travers notamment le CAC (Collectif des Associations Citoyennes) qui a mené des actions remarquées dans les années 2000. On a aussi des collectifs souvent formés par des chercheurs – politistes ou sociologues – ,comme l’Observatoire citoyen de la marchandisation des associations ou l’Observatoire du droit à la ville sur les questions du logement notamment à l’exemple des Ateliers Populaires d’Urbanisme (APU). Ces chercheuses et ces chercheurs mettent leur savoir et leurs compétences à disposition des luttes citoyennes.

Parmi ces associations de lutte, on trouve notamment les associations de chômeurs (AC !, APEIS, MNCP), les associations d’éducation populaire (Attac, Copernic), les associations pour le logement (DAL), pour les migrants (Cimade), les sans-papiers (CSP) ou la défense des droits de l’homme et des libertés publiques (LDH). C’est assez dire que le tissu associatif est riche et qu’il indispose souvent les pouvoirs publics, les politiques et les milieux d’affaire quand on voit la répression qui s’abat sur des associations écologistes comme Les soulèvements de la terre, XR (Extinction Rébellion), Dernière Rénovation ou Greenpeace. On pourrait aussi parler des radios associatives, fédérées autour du FSER (Fonds de Soutien à l’Expression Radiophonique) qui a senti le vent du boulet l’année dernière avec des restrictions budgétaires drastiques mais qui pourraient bien perdre 44 % de leur budget.

Outre les baisses de subvention et les restrictions budgétaires, on a aussi le Contrat d’Engagement Républicain (C.E.R), ce fameux C.E.R du 1° janvier 2022 qui dispose que les associations doivent respecter les valeurs de la république sous peine de se voir refuser toute subvention ou agrément d’état. Parmi les sept engagements, on ne sera pas surpris de trouver « la non remise en cause du caractère laïque de la République » ou encore « l’abstention de toute action portant atteinte à l’ordre public », ce qui pourrait mettre hors-la-loi les collectifs les plus militants et les plus radicaux, sans parler des associations citoyennes des quartiers et des banlieues qu’on pourrait taxer d’islamo-gauchisme ou pire. Si le C.E.R a fait l’objet d’une levée de boucliers au début, il faut bien avouer que la plupart des associations ont fini par le signer, sous peine de ne pouvoir bénéficier de subventions indispensables au fonctionnement. Une victoire pour un gouvernement dont le but avoué est de mettre au pas les associations, de séparer le bon grain de l’ivraie, soit une paix royale aux associations les plus dociles et les moins dérangeantes contre une marginalisation des associations les plus revendicatives et les plus radicales dans la critique sociale.

Que faire ?, comme aurait dit Lénine (il n’a pas été le seul à dire ça mais on le cite toujours). D’abord informer, et cet article n’a pas d’autres ambitions, mais aussi se battre et lutter contre cet état de fait en fédérant les associations de lutte et toutes celles qui ont beaucoup à perdre dans cette nouvelle donne. Se battre avec les chercheurs et les sociologues pour mettre en lumière ces coups portés aux associations en organisant des débats et en lançant des campagnes de sensibilisation, sachant que le monde associatif est vaste et qu’il concerne beaucoup de monde.

Des manifestations, aussi réussies soient-elles, ne suffiront pas. Il est urgent de s’associer aussi dans l’action contre une droite et une extrême-droite qui considèrent les associations comme des officines politiques à mater.

La fenêtre de tir va vite se refermer car cette droite dure, et les sondages l’y encouragent, piaffe aux portes du pouvoir. Il est encore temps d’éviter le pire.

3 décembre 2025

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