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CORONAWORLD

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« Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà », comme disait déjà Blaise Pascal. La triste histoire du Coronavirus et des traitements nationaux qui lui auront été réservés illustre parfaitement l’adage.

Vérité au-delà de l’Atlantique, devrait-on plutôt dire. À commencer par l’Ubu Roi brésilien, j’ai nommé Jaïr Bolsonaro. Comme il y a des climato-sceptiques, il existe des corona-sceptiques, et Bolsonaro semble tout désigné pour en devenir une sorte de chef de file, sinon de gourou. Ce qui ne l’empêche aucunement d’être aussi un climato-sceptique de choc. Ça va souvent ensemble.

Pour sa triste majesté des tropiques, c’est pas un minuscule virus qui va nous empêcher de faire du fric en continuant à exploiter les ressources naturelles de la forêt amazonienne, même si à Manaus, ville nouvelle construire au cœur de l’Amazonie, on enterre les morts par centaines dans des fosses communes. Il a liquidé son ministre de la santé, Luiz Enriqué Mandetta, pour des différences de vue sur la pandémie ; le ministre, irresponsable et vraisemblablement inconscient des enjeux économiques, défendant la distanciation et le confinement. Le naïf ! Mais même les militaires en poste dans son gouvernement lui reprochent amèrement son approche pour le moins cavalière de la pandémie. Quant aux mouvements sociaux, ils sont déchaînés et voient dans l’incurie de Bolsonaro une occasion historique de s’en débarrasser. Il y a loin de la coupe aux lèvres.

Après Bolsonaro, on a Donald Trump, celui qui, pour ne pas être médecin, n’en est pas moins malin (« smart », c’est lui qui le dit). Le virus craint la lumière ? Il craint les antiseptiques et les milieux trop sains ? Et hop, la solution : se mettre à portée de rayons lumineux incandescents et absorber goulûment des produits détergents (certains l’ont fait au péril de leur vie). Molière avait son Diafoirus, comment qualifier Trump ?, alors que la ville de New York affiche des records de mortalité (170000 personnes atteintes et des milliers de morts). Des pauvres, rassurons-nous. Si on osait une moralité : quand on vote pour des cons, le désastre ne se fait pas attendre.

Il y a aussi des pays où le Coronavirus ne fait pas trembler des dirigeants inflexibles. Au Nicaragua par exemple où Daniel Ortega fait la politique de l’autruche, organisant fiestas et manifestations sans aucune précaution. Il y a aussi le Chili, où le président Pinera a décrété enfin l’état de catastrophe après les premiers décès, lui qui s’inquiétait avant tout du «business as usual ». Le bon élève pourrait bien être le Venezuela de Maduro, avec des mesures prophylactiques très tôt adoptées, mais ceux qui le disent sont vite taxés de manque d’objectivité et de parti pris krypto communiste…

En Europe de l’est, les dictateurs au pouvoir en profitent pour serrer les boulons. Orban, en Hongrie, se sent pousser des ailes et les pays voisins (Pologne, Slovaquie, Serbie, République Tchèque où on a même pu assister à un détournement de masques) s’en donnent à cœur joie contre un virus largement confondu avec l’ennemi intérieur avançant masqué sous couvert de démocratie. Dans les pays nordiques, c’est prophylaxie maximum et tolérance zéro pour le virus – la trilogie masques, gel, tests -, sauf pour la Suède qui a voulu tenter l’expérience de l’immunité collective, avec un succès mitigé. Pour l’Allemagne, la pauvre Merkel a longtemps essayé de tenir bon devant des milieux patronaux réclamant la reprise, mais elle a été moins inflexible devant les mêmes qui ne veulent pas entendre parler de corona bonds et autres remises des dettes aux calendes grecques.

Mais on aurait tort de ne pas faire un détour dans l’Angleterre du grand « Big Dummy » Johnson. Dummy pour imbécile, jobard, débile et autres qualificatifs péjoratifs. Lui aussi a voulu jouer l’immunité collective, jusqu’à en être lui-même contaminé. En sortant de l’hôpital, il a congratulé les médecins et le personnel infirmier, mais chassez le naturel… On pense à un chroniqueur ultra-libéral de France Inter – un dénommé Jean-Marc Sylvestre, les anciens s’en souviennent – qui chantait les vertus de l’hôpital et du service public après sa guérison… Pour reprendre son antienne libérale quelques jours plus tard. C’est en fait la fable éternelle de la grenouille et du scorpion, quand le second pique la première alors qu’il en a besoin pour traverser la rivière : ça ne sert évidemment pas ses intérêts mais c’est dans sa nature. Plus fort que lui.

La situation en France a suffisamment été évoquée ici pour qu’on y revienne pas, comme pour l’Italie et l’Espagne, pays martyrs qui, comme nous, entament un déconfinement prudent. Au fait, doit-on dire déconfinés ou déconfits ? On passera aussi rapidement sur la Chine, où tout a commencé. Si tout le monde savait ce qu’était qu’une chauve-souris, beaucoup ont découvert l’existence du pangolin, sympathique mammifère à écailles présentant l’inconvénient d’être moyennement comestible. La Corée et plusieurs pays du sud-est asiatiques ont été intraitables : masque, tests, gel et tracking de masse pour endiguer le fléau, au prix des libertés individuelles. Mais c’est encore le Vietnam héroïque qui s’en tire le mieux avec, officiellement, zéro décès et très peu de cas, grâce à un dispositif rigoureux et quasiment militaire qui fait du virus l’ennemi. Il est vrai qu’en matière de guerre, le pays avait de l’expérience.

Et l’Afrique direz-vous ? Là où tout confinement semble impossible et où les conditions de survie imposent de s’affranchir de nos sacro-saintes mesures barrières. Un bilan qui s’annonce désastreux, mais, comme d’habitude, on regardera ailleurs et le FMI et la Banque Mondiale pourront imposer des plans d’ajustement structurel conditionnés à l’austérité à vie, à la misère et aux migrations. En Afrique du Nord, le hirak algérien a dû provisoirement rendre les armes et la situation en Tunisie est jugée alarmante avec un ministre de la santé déjà présent sous Ben Ali. L’Iran a été aux premières loges, avec rapidement 4357 décès et 70000 cas confirmés. Inch Allah, après avoir refusé le confinement, le pays des Mollahs a dû s’y résigner et on passe maintenant, comme tout le monde, au déconfinement.

On va terminer avec Israël, avec d’abord la Palestine – puisqu’on voudrait nous faire croire que c’est pareil – où le énième plan de paix à la sauce Trump – Natanyahou fait déjà des ravages. Comment confiner dans la bande de Gaza, là où la densité de population empêche toute distanciation (pourquoi sociale?). Les Palestiniens attendront encore longtemps des jours meilleurs sous les tirs israéliens et en pouvant compter sur la compassion internationale. Quant à Israël, Gantz (pas Bruno, Benny), a décidé de former un gouvernement d’union nationale – pour ne pas parler d’union sacrée devant le coronavirus – avec Netanyahou, alors qu’une coalition de la gauche et du centre semblait possible. Là aussi, le coronavirus peut faire des miracles pour consolider le pouvoir des gouvernements les plus réactionnaires.

En attendant, bien sûr, le jour d’après sur lequel on place tous nos espoirs. Peut-être un peu trop d’ailleurs quand après avoir dessiné le monde d’après à longueur de tribunes et de pétitions, on entend de plus en plus ceux qui ont hâte de siffler la fin d’une bien étrange récréation.

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