POUR MOHAMMED
MOHAMMED DOIT RENTRER CHEZ LUI !
Nous n’étions pas bien nombreux, le mercredi 19 février sur la Place de la République de Lille pour marquer le demi-anniversaire (6 mois) de l’expulsion de Mohammed Lakel vers l’Algérie.
Après la signature de cartes postales à destination du Préfet du Nord, les membres de son comité de soutien sont partis pour la traditionnelle et hebdomadaire (depuis 1996!) manifestation des Sans Papiers à travers le centre ville.
Le comité de soutien à Mohammed Lakel (dans lequel milite activement Solidaires 59 et notamment SUD Éducation entre beaucoup d’autres) a été créé en août 2019 quand Mohammed avait fait l’objet d’une Obligation de Quitter le Territoire Français (O.Q.T.F en beau langage administratif) alors que son visa avait expiré. Il a donc été expulsé en plein mois d’août malgré des rassemblements à Lille et à Roubaix où Mohammed vivait, parfaitement intégré, dans la ville et dans son quartier de l’Épeule. Fin août à Roubaix, une bonne centaine de personnes étaient partis pour une marche fraternelle depuis le jardin où il travaillait jusqu’à la ferme du Trichon où il avait trouvé à s’employer. Une marche qui était passée par la mairie, pour dire aussi la responsabilité des pouvoirs publics dans cette affaire marquée du sceau de l’absurdité et de l’arbitraire.
Car c’est un cas d’école stigmatisant la bêtise administrative et l’arbitraire xénophobe que celui de Mohammed Lakel. Tout le monde connaissait Mohammed dans l’associatif roubaisien, de l’UPC (Université Populaire et Citoyenne) à Attac en passant par la FAL (Fédération des Associations Laïques), le MRAP ou la LDH. Il rendait service à tout le monde et travaillait comme jardinier à la paroisse du Bienheureux Charles de Foucault dans le quartier de l’Épeule à Roubaix. Il donnait aussi un coup de main, bénévolement, au restaurant l’Univers, à la Popote ou au Secours Catholique. Il a été arrêté à la suite d’un banal contrôle d’identité à Lille et la Préfecture a jugé, dans sa grande sagesse, « qu’il ne remplissait pas l’ensemble des critères pour être régularisé ». Fin de citation.
Sans vouloir trier entre les immigrés, que faut-il faire de plus que Mohammed pour remplir ces critères ? Lui qui avait justement rempli tous ses devoirs en regard de la solidarité humaine, un concept qui ne doit pas être compris de nos pouvoirs publics. Il faut bien faire du chiffre et montrer qu’on peut être efficace, ne serait-ce que pour bander les muscles devant le R.N.
Exit Mohammed donc, citoyen exemplaire, malgré une promesse d’embauche à la ferme du Trichon faite par l’UPC pour tenter de faire reculer la machine administrative. Ce sera en vain.
Lors du rassemblement lillois, Roland Diagne, du CSP 59 et Josette Farigneau, du MRAP, prennent la parole pour décrire comment le sort fait aux étrangers est de plus en plus dur en France et en Europe, avec des traquenards et des pièges tendus par la police. Calais n’est pas si loin, Grande-Synthe non plus, et on joue dans toute l’Europe avec des gens qui fuient les guerres, les dictatures et la misère.
Il ne fait pas bon être étranger en France, sous Macron, et l’expulsion de Mohammed rejoint la problématique des migrants ou des Roms, toujours stigmatisés et rejetés quand ils ne sont pas brutalisés. Dans le pays des droits de l’homme. Schengen permet de se refiler la patate chaude entre États, et de créer des situations de détresse comme celles des hotspots installés en Grèce ou en Turquie, sans même parler des milliers de morts en mer (2260 morts en Méditerranée en 2018, d’après Le Monde, plus de 1000 en 2019 et le bilan s’alourdit de jour en jour).
Mais le combat continue. La pétition sur facebook « Mohammed doit rentrer chez lui » est toujours en ligne et le comité de soutien toujours actif, à l’initiative justement de rassemblements et de campagnes pour sensibiliser l’opinion.
Comme le disait une personne du comité de soutien, « Mohammed attend, en Algérie. Dans sa famille. C’est comme s’il était dans une salle d’attente à ciel ouvert, sachant qu’il risque d’attendre longtemps ».
Nous aussi, on attend. On attend son retour et on ne désespère pas de le retrouver, à Roubaix, là où il est apprécié, là où il est souhaité. En toute amitié et en toute fraternité. Parce que Mohammed doit rentrer chez lui et qu’il est chez lui à Roubaix.