WHITE RIOT – film de Rubikah Shah
« White Riot » est un hit des Clash, groupe punk anglais emblématique de cette fin des années 70 si bien décrite dans ce documentaire. Les Clash omniprésents dans ce film, dès l’intro avec leur spectral et angoissé « London Calling ».
On aurait tort cependant de prendre White Riot pour ce qu’il n’est pas : un film musical. Bien sûr, le punk-rock né en 1976 dans cette Angleterre de cauchemar en butte à la montée du racisme en même temps qu’à celle du chômage et du délitement du lien social. Thatcher parachèvera de la façon que l’on sait cette triste histoire d’un empire déclinant qui rejette ses fils du Commonwealth qu’elle a pourtant fait venir en masse après-guerre.
1977 : le National Front de Martin Webster a le vent en poupe et grignote le grand Londres circonscriptions par circonscriptions. Le documentaire retrace avec précision la montée des fascismes dans ce pays qu’on croyait à la pointe de la démocratie et du libéralisme politique. Des discours du député d’Irlande du Nord Enoch Powell – théoricien du racisme – aux skinheads casseurs de pakistanais en même temps que fans des musiques jamaïcaines, il s’est développé un mouvement néo-fasciste monstrueux encouragé par les classes dirigeantes afin d’affaiblir la gauche et les syndicats.
Une extrême-droite qui bat le pavé, décomplexée, avec ses leaders rougeauds à cous de taureaux et ses suiveurs suant la haine. Rock Against Racism aura l’intelligence stratégique de se servir de la vague punk pour mobiliser la jeunesse contre le National Front et sa vision ethnique et bas du front du monde et de la société.
Côté rock justement, les héros sont fatigués et le punk vient remettre les choses en place. Les pop stars vieillissantes se sont retirées à Los Angeles et certaines d’entre elles (David Bowie, Eric Clapton ou Rod Stewart entre autres) affichent, à longueur d’interviews ou de provocations, des sympathies avec l’extrême-droite en poussant des cris d’orfraie devant la décadence de l’empire britannique. À pleurer.
Longuement interviewé, Red Saunders – leader du mouvement – raconte dans les détails cette mobilisation profonde avec ses hauts faits d’arme. D’un fanzine punk avec lettrage façon lettre anonyme jusqu’aux concerts géants comme celui de Victoria Park, qui réunira 80000 jeunes en prélude au carnaval de Notting Hill. On trouve en tête de pont – et sur scène, les Clash, le Sham 69 de Jimmy Pursey (poseur ambigu) , le Tom Robinson Band, X Ray Spex et tous les groupes de ska ou de reggae londoniens ; manière de bien faire passer le message que blancs, noirs et indiens ont tout intérêt à s’unir contre le marasme social qui va s’abattre.
Une question de classe, pas de races. Saunders, vieux gauchiste barbu rompu aux stratégies militantes, qui va plus tard unir R.A.R au mouvement social aux côtés de mouvements plus politiques (et plus radicaux). Mais Saunders n’est pas l’épicentre d’un film où tout le mouvement, des graphistes aux secrétaires en passant par les militant-e-s de base, peut s’exprimer sur cette aventure peu commune qui voit une simple association s’emparer des forces d’un mouvement musical pour terrasser la bête immonde.
C’est d’ailleurs tout de travail de fourmi, ces tâches militantes, ce travail de conviction, d’argumentation et de créativité qui forcent le respect, pouvant servir de mode d’emploi à n’importe quel regroupement d’activistes. La note finale est d’ailleurs émouvante, qui dit que n’importe où et n’importe quand, des gens motivés et actifs peuvent changer le monde (si peu que ce soit, ajoutera-t-on).
Même s’il s’agit là d’une belle aventure humaine doublée d’un excellent documentaire social et politique, on ne peut cependant que déplorer un manque de rythme (un comble!), une mise en scène parfois laborieuse (beaucoup de documents simplement montrés à la caméra) et, pour les amateurs du genre, une bande-son plutôt décevante en regard des trésors vinyliques de l’époque.
Mais bon, là n’était pas le sujet après tout et, tel qu’il existe, ce film est exemplaire à bien des égards, ne serait-ce que par l’humanisme généreux qu’il appelle.
Ben voilà une chronique de « movie » qui est éclairante ….