Journaliste à l’hebdomadaire Politis dans les pages économie et social, Erwan Manac’h a consacré plusieurs articles à la SNCF, au ferroviaire et à la privatisation du rail. Avec son frère Gwenaël au dessin, il a sorti une bande dessinée : Un Train d’Enfer, aux éditions La ville brûle. Une enquête passionnante sur le ferroviaire en France. Les lecteurs de Politis de la métropole lilloise, en partenariat avec Attac Métropole et avec l’aide de l’association nationale Pour Politis (actionnaire du journal), organisent une soirée sur ce thème, le 25 novembre.
Les salarié-e-s de la SNCF étaient encore massivement en grève au printemps 2018, au moment de la mise aux normes définitives – entendre à la soumission aux exigences – de la Commission Européenne avec, à la clé, l’ouverture à la concurrence (comme on dit pudiquement, pour ne pas parler de privatisation). Nouvelle organisation (séparation voyageurs et infrastructures), nouveau management selon les standards du privé, nouveaux tarifs en fonction des algorithmes et souffrance au travail à tous les étages.
On a ici une enquête sociale fouillée qui va des salarié-e-s jusqu’aux lieux de pouvoir où tout se décide en passant par les exécutifs régionaux et les associations d’usagers. Le trait de crayon est vif et le constat est sans appel : à l’heure d’une transition écologique où les transports jouent un rôle important, quid du fret ferroviaire, lequel se trouve réduit, malgré les promesses du plan de relance, à quelques trains de marchandise rendus obsolètes à l’heure du tout camion. Un non sens écologique, mais aussi un fléau pour la vie des territoires.
Les ouvertures du capital, ou privatisations euphémisées, ont déjà sévi à EDF – GDF, à la Poste ou à France Télécom avec les mêmes conséquences : restructurations, filialisation, segmentation de clientèles, abandon du service public, des péréquations et de tarifs souvent régulés. Désastres économiques (pas pour tout le monde qu’on se rassure), mais aussi désastre social avec des vagues de suicides, de dépressions et un absentéisme record. On sait pourtant que cette concurrence est faussée et qu’elle aboutit à chaque fois à la domination de deux ou trois oligopoles, après que le marché se soit « stabilisé », comme disent les économistes distingués.
Les syndicalistes de la SNCF se battent dos au mur sur fond de crise sociale, avec toutes les incertitudes qui pèsent, ont ou vont peser sur leur régime de retraite, leur statut, la reconnaissance de leurs métiers. Depuis les différents « paquets » ferroviaires de la Commission Européenne, l’heure est à la défiance contre les politiques lesquels, fidèles à la doxa libérale qui veut que le privé fait toujours mieux, ne parlent que de rentabilité, ce qui implique la fermeture des petites lignes et l’assèchement des financements des régions. Logique commerciale et « pensée comptable » pour des pouvoirs publics inconséquents mettant les profits à court terme avant le bien commun et les impératifs écologiques.
Déjà, Navigators, le film de Ken Loach (2001) faisait la démonstration par l’absurde que la fin du monopole de British Rail, avec par voie de conséquence les multiples compagnies concurrentes se tirant la bourre, n’était guère viable. Même si on n’en est pas encore là en France, on s’en rapproche dangereusement et cette bande dessinée nous invite à débattre et à se mobiliser pour un service public qui, même si encore perfectible, a prouvé son utilité comme son efficacité.
Notons, pour être complet, que l’éditeur, La ville brûle, s’était déjà illustré en publiant l’excellent album des Pinçon-Charlot et du dessinateur Lecroart (un ancien de Politis), Panique dans le 16° (2017).
De tous ces sujets importants pour un avenir commun et désirable, nous débattrons justement le mercredi 25 novembre à 19h à la librairie BIGLEMOI Place De Geyter à Fives Lille avec l’auteur, Karima Delli (députée européenne EELV et présidente de la commission Transports et Tourisme) et des syndicalistes CGT et SUD Rail qui témoigneront sur l’évolution de leur entreprise et sur leurs luttes. Débat public organisé par Pour Politis et Attac Métropole.
Attention, la jauge est limitée à 40 places et il est prudent de réserver. Mail à didier.delinotte@wanadoo.fr