Le Stade de Reims peut s’enorgueillir de compter dans son effectif ce joueur fin et élégant, bien dans la tradition des grands attaquants du club. Il a marqué son 18° but, record pour un attaquant dans ce Reims « du XXI° » siècle, mais, surtout, meilleur buteur du championnat actuel devant Kilian M’ Bappé avec 8 réalisations. À but et à dia !
Il faut voir le dernier but marqué par Boulaye au stade Bollaert à Lens, le 8 novembre. Il est dos au but et récupère un ballon à l’arrache. Il pivote en mettant dans le vent un premier défenseur. Il fait quelques mètres balle au pied et glisse le ballon entre deux autres défenseurs avant d’aller dribbler le gardien et de déposer délicatement le cuir dans les filets. Un but de rêve, le genre d’action qui vous réconcilie avec un football hyper réaliste, fermé et bas du front. Un geste gracieux et délié qui justifie une passion.
Dia est au club depuis sa remontée en ligue 1 en 2018, après que le club ait fait une saison exceptionnelle en Ligue 2. Il est recruté pour l’équipe réserve et joue très peu la première saison. Sauf que son culot et sa classe en font vite la bête noire des grandes écuries de ligue 1, buteur sur les pelouses du Paris Saint-Germain, de l’Olympique de Marseille ou du Stade Rennais, entre autres (autant de victoires à l’extérieur la saison dernière).
Dia venait d’un club de l’ex CFA 2 (maintenant National 3), soit la cinquième division. Il est né à la forge, une Zup d’Oyonnax en 1996 dans une famille pauvre et c’est une sorte de miraculé du football professionnel qui serait passé à travers les radars sans la perspicacité d’éducateurs éclairés comme Pascal Moulin, son entraîneur à Jura Sud.
Franco-sénégalais ayant maintenant opté pour le Sénégal où il joue en sélection, les débuts de Boulaye Dia ont été plus que discrets. À l’AS Saint-Étienne, il doit faire un essai mais la voiture de son père tombe en panne avant d’arriver à Geoffroy-Guichard. Il a 15 ans quand il est repéré par l’Olympique Lyonnais, l’éternel rival, mais, bien que doué techniquement, on le juge trop petit pour un futur joueur professionnel. Ce sera donc le Jura Sud Foot, en amateur.
Il arrête le foot un moment, décroche un bac pro et dégotte un boulot d’électricien pour subvenir aux besoins de la famille dont le père est malade. On croit que l’histoire s’arrête là mais sa réputation d’attaquant doué a franchi les limites de la région et un agent de joueur le fait recruter par une équipe du Pays de Galles où il se blesse. Dia ne connaîtra pas l’âpreté du football britannique et ses clubs chargés d’histoire.
Retour piteux à Jura Sud où il retrouve vite ses marques et est sacré meilleur buteur de la division avec 15 buts en 20 matchs pour la saison 2017 – 2018, ce qui lui vaut d’être repéré par la cellule de recrutement du Stade de Reims dirigée par Olivier Lacour. Le club n’a pas les moyens des grosses cylindrées de la ligue 1 et il lui faut dénicher des pépites sur les terrains bosselés des clubs amateurs les plus modestes.
Des débuts timides contre le SCO d’Angers et un premier but sous le maillot rouge et blanc contre l’En Avant de Guingamp, le 24 novembre 2018. On l’a vu, la saison d’après, c’est une série de buts décisifs contre les cadors du championnat ; David contre Goliath. De quoi attiser les convoitises pour un joueur méritant toujours à la poursuite de son rêve, depuis l’enfance.
L’Olympique de Marseille le voulait mais sa cote a grimpé et le club phocéen est passé à autre chose. Ce n’est que partie remise, dit-on, et Dia pourrait devenir marseillais au mercato d’hiver, ce qui serait dommageable pour le club qui lui a fait confiance, à défaut de l’avoir découvert.
Buteur stylé, Boulaye Dia tient plus de la gazelle que du renard de surface, donnant toute sa dimension lorsque son équipe joue en contre et qu’il peut partir pour de longues chevauchées où sa vitesse et sa technique font mouche.
En concurrence à Reims avec de jeunes internationaux comme Seerhuis (Pays-Bas) ou Hornby (Écosse), ou avec de jeunes espoirs comme El Bilal Touré ou Nathanaël M’ Buku, Dia est titulaire à chaque match et surprend l’observateur par sa classe naturelle, son volume de jeu et un sens du but de plus en plus aiguisé. Un futur grand, s’il ne l’est pas déjà.
Une gazelle chez les lions de la Téranga (de la solidarité), l’équipe nationale du Sénégal où ont évolué les Camara, Cissé et autres Diop, quarts de finaliste de la coupe du monde 2002 en Corée. Souhaitons à Boulaye autant de gloire qu’à ses aînés, en équipe nationale comme à Reims. Il le mérite.