La lecture de l’article d’Erwan Manach sur la privatisation, la mise en concurrence et finalement le démantèlement d’EDF, m’amène à poursuivre le parallèle avec les ex services publics en réseau : SNCF mais surtout, pour ce que je connais le mieux, La Poste et France Télécom.
Les mêmes stratégies sont à œuvre : segmentation de clientèle, filialisations, réorganisations, restructurations, marchandisation, recentrage sur le cœur de métier, abandon des péréquations tarifaires, service public réduit à un filet minimum européen ; sans oublier les attaques contre le statut des personnels, la montée de la précarité et les risques psychosociaux surgissant lorsqu’un service public se profile en opérateur lambda.
Sauf qu’ici, l’article le montre bien, le cas EDF est caricatural jusqu’à l’absurde : la création ex nihilo d’un marché concurrentiel à partir d’une marchandise (l’électricité) qui ne se stocke pas (ou mal) et dont la production doit répondre quasiment en temps réel à la consommation.
EDF a certes la mauvaise réputation chez les écologistes à cause de la politique nucléariste d’un Marcel Boiteux dès les années 50 et d’un fonctionnement technocratique à l’abri des regards citoyens. Mais il il s’agit ici d’une concurrence fabriquée de toutes pièces, les opérateurs concurrents n’étant au mieux que des courtiers en énergie, au pire des traders ou des margoulins.
On connaît l’histoire de la multinationale Enron dans les années 90, qui fut une démonstration grandeur nature de l’aberration constituée par la marchandisation de l’énergie. L’exemple n’a pas suffi et le démantèlement de l’opérateur public – comme d’ailleurs de tous les services publics en réseau – s’est effectué à coups de directives européennes au nom du dogme concurrentiel.
Je me permets de renvoyer à deux documentaires édifiants de Gilles Balbastre sur la question : EDF, Les Apprentis Sorciers (2006) et, plus récent, Main Basse Sur l’Énergie (2018). Deux films exemplaires par leur construction didactique, qui laissent largement la parole à des salarié-e-s de l’ex entreprise publique. Gilles Balbastre, toujours au service des mouvements sociaux, a réalisé des documents de même valeur sur la SNCF et le fret ferroviaire, la poste ou l’école (entre autres). Il prépare un documentaire sur France Télécom. Une défense et illustration du service public à lui tout seul. C’est à souligner !
Amicalement
PS : je mets Erwan en copie.
Et la réponse d’Erwan :
Bonjour Didier,
Merci pour ces ajouts. C’est très bien dit et éclairant. J’ai en grande partie découvert cette histoire de marché de l’électricité et je suis un peu tombé des nues. J’ai aussi vu le docu de Gilles Balbastre, en effet vraiment bien foutu. Il y a aussi une série de vidéos, plus techniques, mais très claires faite par le syndicat Sud Energie.http://www.sudenergie.org/site/2019/11/le-marche-de-lelectricite/
Au plaisir.
Erwan
Lettre non publiée à ce jour.