Macron / Le Pen, bis repetita placent. On s’y attendait mais, quand même, ça fait mal. Jusqu’à 23h30, on espérait encore un léger fléchissement de fifille et un petit rebond de Méluche, avec le vote définitif des grandes villes. Même si Brice Teinturier nous dit que les résultats à ce stade sont définitifs. Sur France 2, Delahousse ménage un suspense très télégénique. Suspense insoutenable, tellement insoutenable que je suis allé me coucher avec l’espoir d’une qualification sur le fil. Espoir déçu le lendemain matin, quand un flash sur France Inter annonce la réédition de la finale de 2017. Alors que faire ? Comme disait le vieux. « Pas une voix pour Le Pen », répète quatre fois Mélenchon. Alors, on vote Macron, comme on a voté Chirac en 2002 ?
Déjà en 2017, j’ai voté blanc, persuadé que la Le Pen n’avait aucune chance. Aujourd’hui c’est différent, martèle-t-on partout, et avec raison. Sauf que…
Voyons d’abord les surprises qui n’ont pas manqué, même si le résultat final était attendu. Mélenchon d’abord, avec 22 %. Il aura réussi à unifier la gauche sur son nom, quand on voit le score piteux des autres candidats du même bord. Seul Jadot sauve les meubles avec 4,8 % (juste sous la barre des 5 permettant le remboursement des frais de campagne, c’est rageant) ; Roussel pro chasse, pro nucléaire, productiviste et sécuritaire à 2,4, Hidalgo à 1,7 et les frères et sœurs ennemis du Trotskysme à moins de 1, même si Poutou n’est pas Arthaud. Ne parlons pas de Lassalle, follicule rural qui dépasse les 3 %. De quoi se les mordre !
C’est l’effondrement de la social-démocratie déjà en chute libre et pompée par Macron (beaucoup) à droite et Jadot (un peu) à gauche. C’est aussi l’effondrement de la droite classique, même si de moins en moins (classique), avec les 4,7 % de Pécresse . Les notables des Républicains appellent à voter Macron sans hésiter quand les Ciotti, Aubert et leurs affidés voteront Le Pen, même s’ils s’abstiennent de le dire tout haut.
Pour les scores de Macron et Le Pen, ils étaient annoncés par tous les instituts de sondage. On peut seulement se réjouir des 7 % de Zemmour, qui se voyait dans le trio de tête. C’est la dernière surprise et l’histrion néo-nazi a atteint son plafond de verre, laissant dépité ses supporters, grandes bourgeoises à carré Hermès et grands bourgeois décomplexés. N’empêche, l’extrême-droite dans toutes ses composantes, et on y ajoute Dupont-Aignan, est à 32 %, un score inédit sous nos latitudes, quand le total gauche dépasse à peine 30 %. Si on ajoute à cela le « bloc bourgeois » (Reps + LREM) crédité de 31, on est à peu de choses près aux 3 tiers. Nonobstant l’inconnue Lassalle, le quatrième tiers de Pagnol ?
Attention, on n’a jamais été un inconditionnel de Mélenchon et on a toujours eu de sérieuses réserves sur le bonhomme, caractériel et un rien mégalo, comme sur ses analyses de politique étrangère (sur la Syrie notamment, mais pas que). Mais bon, son programme est écosocialiste, féministe et altermondialiste et son entourage a évolué, avec des personnalités comme Aurélie Trouvé ou Susan George mises au premier plan.
On nous parle maintenant des Législatives, avec les mêmes contraintes et les mêmes handicaps pour une gauche désunie qui ne va pas se fédérer d’un seul coup d’un seul derrière Mélenchon, lequel va se prévaloir d’un score qu’il n’aurait pas atteint sans le fameux vote utile (ou « efficace »). Gageons que les négociations seront âpres et à nouveau démotivantes pour nombre de militants, mais les deux mois séparant Présidentielles et Législatives risquent de peser dans la balance et de moins faire jouer le réflexe légitimiste consistant à donner une majorité à l’heureux élu. Alors, un petit espoir de ce côté-là ? Pas trop quand même, quand on voit les scores cumulés de la droite et de l’extrême-droite qui culminent à près des deux tiers de l’électorat. La gauche a encore une lourde responsabilité et un devoir d’union (air connu).
Un espoir quand même, si on s’en réfère, pour rester dans la métropole, aux 50 % que fait Méluche à Roubaix ou aux 40 % qu’il fait à Lille, sans parler d’un Macron en troisième position dans la ville de son ministre de l’intérieur, à Tourcoing. Ça fait plaisir, quand même, par les temps qui courent.
Alors que faire au second tour ? That is the question, que je vous remercie de ne pas m’avoir posée, ce qui ne m’empêchera pas d’y répondre. Qu’on me comprenne bien, je ne suis ni prescripteur ni influenceur et chaque choix est respectable (sauf le vote Le Pen évidemment), mais je profite d’avoir un blog suivi par quelques amis et connaissances pour y aller de mon petit pipi éditorial, même si on n’attend sûrement pas ça de moi. Tant pis. On se lance.
Le Pen d’abord. Ce serait un changement de régime, un basculement dans l’inconnu, une plongée dans l’incertitude de l’après-République, menaçant l’État de droit. Question de nature, pas de degrés. Même si on n’en serait plus au fascisme des années 1930 et si son règne tiendrait plus des régimes illibéraux à la hongroise ou à la polonaise. Est-ce plus rassurant ? Pas sûr. Mais on peut se dire que même un Bolsonaro n’a pu mettre en place le fascisme au Brésil.
Elle serait impitoyable envers les étrangers, les migrants, les racisés, les mouvements sociaux, les minorités sexuelles, les femmes et pas seulement les féministes. Sans parler d’une presse et d’une justice mises au pas. Elle dit qu’elle adopterait le RIC, mais ce ne serait qu’une stratégie pour contourner les institutions démocratiques et faire adopter toutes les dégueulasseries possibles (peine de mort, mesures discriminatoires et anti-sociales), et, in fine, imposer la préférence nationale. Sans parler de la honte de se lever tous les matins dans un pays dirigé par une néo-fasciste avec ses gros bras et sa garde prétorienne pour faire taire toutes les oppositions possibles. Avec des galonnés qui en appelaient déjà au coup d’état contre le grand remplacement (Valeurs actuelles). On ne dira d’ailleurs jamais assez le mal qu’ont pu faire les Bolloré, Praud, Hanouna et consorts avec C. News et les réseaux sociaux. Quant au virage social de la Le Pen, chacun sait que c’est de la blague et une colossale arnaque. Elle est, comme son père, ultra-libérale et amie du patronat et des puissants, cachant mal son mépris pour les pauvres (sauf à Hénin-Beaumont, sa terre d’élection). Aurait-elle une majorité parlementaire, rien n’est moins sûr car elle aurait à affronter un « front républicain » résolu à la dégager. En plus, on peut parier qu’elle ne gouvernerait pas trois mois et que tout cela se terminerait dans une cacophonie générale, avec les commissaires européens à ses trousses pour la destituer, comme cela a été fait avec Berlusconi en 2008. D’autant qu’elle aura le concert des nations contre elle, à part ses amis russes et de les anciens satellites.
Macron ensuite. On a déjà écrit un long article sur ce blog pour dire ce qu’on pensait de lui et c’est pourquoi on ne va pas trop s’étaler. Un ultra-libéral lui aussi, un illuminé ne jurant que par la technologie et les start-ups, un jeune technocrate plein de mépris et de morgue pour les gens modestes, un monsieur Prudhomme moderne déguisé en grande conscience humaniste (cf ses références à Ricoeur). Il est dégoulinant de bons sentiments et de propos faussement bienveillants alors qu’il n’est là que comme fondé de pouvoir de la bourgeoisie possédante, soucieux des intérêts d’une minorité, celle qui vote à tous les coups, malheureusement. On n’oublie pas non plus qu’il aura été le bourreau des Gilets jaunes, n’hésitant pas à mutiler des manifestants et à réprimer violemment des manifestations pour museler toutes contestations. Il aura été bien aidé en cela par le Covid, et Valls avant lui, mais c’est une autre histoire.
Ce qui précède pourrait laisser croire qu’entre deux maux, évitons le pire. Eh bien non ! Ras-le-bol de devoir aller voter avec ses pieds pour éliminer l’extrême-droite et faire élire quelqu’un qui méprise le peuple et nous prépare un avenir calamiteux, d’autant qu’il n’aura plus aucune limite avec un second mandat où il pourra donner libre cours à toutes ses saloperies. Et qu’on ne se fasse pas d’illusions sur les « inflexions » sociales données à son programme (sur les retraites notamment) qui ne visent qu’à pouvoir compter sur les voix de quelques mélenchonistes culpabilisés. Et puis, qui a besoin d’un Aliot ou d’un Bardella, quand vous avez un Darmanin ou un Blanquer ?
Faudra-t-il un jour voter pour Marine Le Pen afin d’éviter sa nièce ? On est quand même à la deuxième élection où une néo-fasciste accède au second tour. En 2002, la présence de Le Pen père avait mis du monde dans la rue et j’ai le souvenir d’un 1° mai où il était difficile de faire un pas dans une foule compacte. 20 ans après, on s’habitue et on aura peut-être quelques manifestations avec de maigres cortèges. Des cortèges où se précipiteront les abstentionnistes et les réfractaires à la « démocratie bourgeoise ». C’est la troisième mi-temps, le « tous dans la rue !» bien connu des périodes post-électorales, sauf que cela ne dispensait pas de voter au premier tour pour un candidat de gauche qui avait des chances de l’emporter.
Alors voilà, mon siège est fait, comme on ne dit plus. Je resterai chez moi le dimanche 24 avril et il faudrait vraiment un resserrement fatal des tendances pour me décider à aller voter. On me dira que je laisse faire le sale boulot aux autres. On m’a déjà dit ça avec Chirac et ce genre d’arguments ne pèse plus. On ne va pas nous faire le coup du vote « pour faire barrage » jusqu’à la fin des temps et, si les Français veulent vraiment tâter d’un régime autoritaire, de la persécution des minorités, de la fin de l’état de droit et de la restriction des libertés, ils vont bien finir par y arriver, à force. C’est désespérant mais c’est la réalité, un principe de réalité au nom duquel il faudrait se dépêcher d’aller voter Micron (comme on dit à Groland). Non merci, comme disait Cyrano.
Cette fois, comme d’ailleurs en 2017 mais dans un contexte différent où le danger était moindre, ce sera non. Désolé.
15 avril 2022
PS : au vu des sondages et pour ne pas avoir à regretter mon abstention toute ma vie si la Pen passait, j’irai quand même voter dimanche, ce qui ne rend pas pour autant caduque ce qui précède.
La chute… Juste la chute ps….???
Didier Delinotte, soyez plus précis, comme vous le demande « Peperstraete » et moi aussi. Vous irez voter dimanche, soit. Au lieu de rester chez vous. Soit.
Mais vous avez trop parlé ou pas assez. Votre « PS » est ambigu.
Ce serait clair si vous disiez ce que sera votre vote: blanc, nul, Macron ?
Personnellement, sauf changement peu probable d’ici dimanche, j’irai voter blanc (et non pas nul) .même si beaucoup d’ONG et Politis appellent à voter Macron.
Ma décision se fera dans l isoloir .pour l instant je ne sais pas mais ton exposé est très bien analysé.
Ben voilà, ai trouvé un nouvel éditorialiste pour un journal que j’aimais bien 😂
Pour l instant je vote blanc
Si les sondages sont de 52 48 je vote macron par crainte
Pascal. VERGHOTE