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L’EUROPE À L’HEURE ITALIENNE (VOL 2)

Le beau Roberto (Baggio), qui a joué dans pratiquement toutes les équipes évoquées dans ces deux chroniques italiennes. Et avec quel talent ! Photo Wikipedia.

On avait parlé l’autre fois du renouveau européen du football italien, après une décennie de disette, même si la Juve a sauvé l’honneur en participant récemment deux finales de C1, perdues contre le Barça et le Real. Est-ce un effet indirect de la succession des gouvernements de droite et d’extrême-droite dans la péninsule, l’austérité qui semblait la règle n’a plus cours et les clubs ne regardent plus à la dépense pour recruter des stars. Les chômeurs et les pauvres, habitués des stades, paieront en compensation. Si la Juve n’a pas sauté le dernier obstacle, leur vainqueur – le F.C Séville – affrontera la Roma en finale de la coupe Europa. En coupe conférence, c’est la Fiorentina qui se verra opposée aux Hammers de West Ham. Petit retour sur l’historique de ces trois clubs illustres du Calcio.

La veccha senora (la vieille dame), danseuse de la famille Agnelli et des usines Fiat, n’a jamais trop brillé en Champions league. Deux victoires seulement, mais combien de finales perdues et de coupes de l’UEFA remportées.

La première victoire remonte à 1985, contre les Reds de Liverpool dans un stade du Heysel qui allait se transformer en cimetière. On ne reviendra pas sur ce triste événement qui verra Thierry Roland et Jean-Michel Larqué continuer à commenter le match, bien qu’informés du désastre, comme s’il ne s’était rien passé. Show must go on… Pire, Michel Platini exultera et brandira la Coupe aux grandes oreilles devant des tribunes dévastées par la mort. La seconde, puisqu’il n’y en aura pas d’autres, date de 1996 contre l’Ajax Amsterdam. Depuis, quelques lots de consolation.

5 coupes de l’UEFA et une coupe d’Europe des vainqueurs de coupe, tout de même ! Plus une finale UEFA perdue contre les rivaux de Parme en 1995, mais surtout pas moins de 7 finales perdues en C1, de 1973 (contre l’Ajax) à 2017 (contre le Real), en passant par Hambourg (1983), Borussia Dortmund (1997), le Real encore (1998), Manchester United (2003) et Barcelone (2015). 7 finales perdues, un record approché seulement par Benfica (6).

Les joueurs de la Juve des temps héroïques ont pour noms Omar Sivori, le Gallois Charles ou Boniperti, suffisants pour remporter le Scudetto, mais pas encore prêts pour l’Europe. Dans les années 1960, les clubs de Milan raflent tout et la Senora fait figure de parent pauvre.

Il faut attendre 1965 pour une finale (perdue) en Coupe des Villes de Foire, ancêtre de l’UEFA. Le club est mené d’une main de fer par l’autre Herrera, le Paraguayen Heriberto (à ne pas confondre avec Helenio de l’Inter, inventeur du Catenaccio). L’Italie remporte la Coupe d’Europe des Nations en 1968 et la Juve recrute le Napolitain Anastasi et l’Allemand Helmut Haller. Ce sera le début d’une nouvelle ère avec l’Argentin Carniglia comme entraîneur avant l’ex Interiste Picchi. Ce sera aussi le temps de l’immortel gardien Dino Zoff, de Roberto Bettega, du Brésilien Altafini (ex Milan A.C) et de Fabio Capello. Boniperti deviendra l’entraîneur d’une équipe finaliste de la C1 en 1973. En même temps, la Juve remporte son deuxième scudetto (il y en aura beaucoup d’autres).

Trappatoni arrive en 1976 et il va construire ce qui sera la grande équipe de la Juve avec les Cabrini, Gentile, Tardelli et Schirea. C’est le premier trophée européen, la Coupe de l’UEFA, remportée en 1977 contre l’Athletico Bilbao. Les Bianconeri, jusqu’alors composés exclusivement de joueurs italiens, font venir Michel Platini, Paolo Rossi, Llam Brady, Laudrup et le Polonais Boniek. Après une nouvelle défaite en C1 contre Hambourg en 1983, c’est un triplé Coupe de l’UEFA, des vainqueurs de coupe et un scudetto en prime en 1984. On ne revient pas sur la première C1, en 1985. Les clubs de Milan et Naples dominent à la fin des années 1980 et la Juve, après le retrait de Platini, Boniek et de toute la génération Trappatoni, accuse le coup.

Puis c’est cette seconde coupe d’Europe en 1996, sous la férule de Marcello Lippi, avec des joueurs comme Gianluca Vialli, Roberto Baggio ou Alessandro Del Pierro, une victoire aux penalties qui les met sur le toit de l’Europe avec deux finales perdues les années suivantes. Buffon a remplacé l’ancêtre Zoff dans les buts (il y restera aussi longtemps que lui), et les Français Deschamps, Vieira, Trezeguet et Thuram sont arrivés, avec Davids, Nedved et Inzaghi. Courte défaite en 2003 face au Milan A.C avant la rétrogradation pour matchs truqués en 2005. Les Cannavaro, Zambrotta et Ibrahimovic quittent le navire avant remontée en 2007 avec Claudio Ranieri aux commandes.

On en arrive à la Juve contemporaine avec des titres enchaînés et des transferts de luxe sous l’ère Antonio Conté : Pirlo puis Pogba, Tevez, Vidal, Evra… L’équipe qui perdra deux finales en 2015 et 2017, tout en restant maître chez elle, en Italie. Allegri prendra les rênes à son tour, avec Christiano Ronaldo, Rabiot et les tours de défense Chellini et Bonucci, tous deux récemment retraités. Mais abondance de bien… La Juve vivra sa pire saison en 2022 – 2023, partie avec 15 points de pénalité pour transferts frauduleux et on a du mal à comprendre les incessants allers-retours de joueurs cadres qui cachent des montages financiers acrobatiques. Buona sera, signorina !

L’A.S Roma dispute avec ses rivaux de la Lazio la primauté sur la ville éternelle. La Roma est surtout connue pour se mêler parfois à la course en tête et de disputer l’imperium aux Milanais et à la Juve. C’est le cas en 1983 où la Roma remporte son deuxième titre et, après une brillante campagne, tombe contre le Liverpool F.C en finale de la C1 l’année d’après. Une Roma à l’heure brésilienne, avec Cafu, Cerezo, Altaïr, Junior et Falcao, plus l’Allemand Brieghel et les internationaux italiens Conti, Di Bartolomei (qui mettra fin à ses jours après cette finale), Righi, Nella et De Rossi.

Les années 1990 sont malheureusement stériles, avec une seule coupe d’Italie en 1991, mais rien sur le plan international. Le Français Candela est arrivé avec les bombers allemands Völler et Hässler, mais ça ne suffit pas. Il faudra l’arrivée du goleador Francesco Totti pour repartir du bon pied. Totti, Del Vecchio et l’Argentin Battistuta, alias Battigoal. Troisième titre en 2001 et un abonnement aux places d’honneur les années suivantes. Une victoire en coupe en 2008 et un scudetto qui leur échappe d’un petit point. Des Français se risquent à l’A.S Rome, club peu réputé pour sa francophilie : Menez, Mexès, Giully…, ce qui n’empêche pas le club de décliner sous la direction de la fille Sensi – Rosella – qui a succédé à son père Franco. Les Sensi, une véritable dynastie.

Il faudra l’arrivée de Claudio Ranieri pour redresser la barre et l’arrivée de Luca Toni qui suivra plus tard Trappatoni au Bayern. Les grenats et ors peuvent aussi compter sur l’Anglais Riise, ancien de Fulham. Ranieri cédera sa place à l’Argentin Luis Enriqué et les Américains du groupe Riedkin prendront le contrôle du club. Ils ouvriront grand le portefeuille avec des recrutements prestigieux (Lamela, Gago, Pjanic ou Sketelenburg). Puis c’est Zeman qui rate son retour au poste d’entraîneur, malgré l’arrivée du Brésilien Marquinhos.

Mais il faudra l’arrivée du coach lillois Rudi Garcia pour faire de la Roma les éternels seconds du Calcio, avec les ex-Lillois Gervinho ou Strootman. Garcia qui sera ensuite remplacé par Ranieri dont ce sera le grand retour. La Roma sera régulièrement qualifiée en Coupe Europa, souvent dans le dernier carré, et Paulo Fonseca (aujourd’hui à Lille) remplacera Ranieri. La louve remportera la Coupe Europa conférence en 2022 avec l’inénarrable José Mourinho aux commandes.

Pas de grands noms dans l’effectif actuel, si ce n’est l’Argentin Dybala venu de la Juve et El Shaarawi, passé par le Milan A.C et l’A.S Monaco. Suffisant pour battre Séville, six fois vainqueur de la compétition ? Pas sûr. Mais la Roma se sera en tout cas replacé parmi les grands d’Europe. Rome ville ouverte, à tous les espoirs.

On termine ce Giro avec les violets et blancs de la Fiorentina, un club qui n’a pas le lustre de ceux que l’on a passés en revue. Sous des appellations différentes, la Fiorentina est l’un des plus anciens clubs italiens et ce sont les fascistes qui, dans les années 1920, vont faire en sorte de fusionner les clubs des grandes villes afin d’éliminer les ancrages socialistes ou communistes de certains d’entre eux. En 1957, l’A.C Fiorentina jouera une finale de coupe d’Europe (la seule à l’époque) perdue contre le Real, avec déjà des joueurs sud-américains comme le Brésilien Julinho ou l’Argentin Montuori. Ce sera l’une des particularités de cette équipe de recruter en Uruguay ou en Argentine. Ces années 1950 verront la Fiorentina remporter deux scudetti.

L’équipe est, dans les années 1960, abonnée aux deuxièmes places et remporte un Coupe d’Europe des vainqueurs de coupe contre les Glasgow Rangers en 1961, avant de disputer la finale de la même épreuve contre l’Athletico Madrid l’année suivante. La Viola de l’époque comprend des joueurs comme Picchi (qui rejoindra l’Inter) ou Amarildo (qui partira au Milan A.C).

Les années 1970 ne réussiront pas à La Viola, malgré l’éclosion d’un joueur comme Antognoni ou du gardien Galli. Mais c’est la décennie suivante qui va marquer les supporters, avec l’Argentin Bertoni, Vierchowood, Vialli, Mancini ou Graziani. L’équipe est soutenue à bout de bras par un industriel du BTP et, en 1990, la Fiorentina de Roberto Baggio est battue en finale de la coupe UEFA. Pin, un défenseur de la Squadra Azzura, traitera les joueurs de la Juve de « ladri » (voleurs) au micro de la RAI. Scandale dans la botte.

Sous la direction de Ranieri et avec Battistuta, Rui Costa et Chiesa, La Viola remporte une coupe d’Italie en 1996 grâce à un but sur hors-jeu de Battigoal. Viendra ensuite Trappatoni pour des parcours résistibles en Coupe d’Europe. Trappatoni devient le sélectionneur de l’équipe nationale et la Fiorentina est déclarée en faillite et reléguée en série B après une dernière victoire en coupe d’Italie. Remontée en 2007 avec Della Valle comme entraîneur et l’arrivée de Luca Toni.

Mais les Florentins seront à nouveau pénalisés à la suite d’un match truqué contre Bologne et retour en série B . Puis ce sera l’arrivée de Christian Vieri et une demi-finale de la coupe de l’UEFA (devenue Europa). La Viola peut encore tailler des croupières aux grands d’Italie, avec des joueurs comme Mutu ou Salah. Puis viendront plus récemment Boateng ou notre Ribery national. Est-il besoin d’aller plus loin ?

Ici non plus, rien de notable dans un effectif solide, à part l’ex Lillois Ikoné, l’Argentin Lucas Martinez Quarta ou le Brésilien Dodo. Pas de quoi faire peur aux Hammers de West-Ham en finale de la coupe des conférences, mais de quoi réveiller une belle endormie. Forza La Viola !

28 mai 2023

ÉPILOGUE : on dirait qu’on leur porte la poisse. La Roma est battue en finale par le F.C Séville quand West Ham bat la Fiorentina grâce à un deuxième but dans les arrêts de jeu. Reste l’Inter (résultat non parvenu, comme on dit dans la presse sportive), et pour cause, c’est le 10 juin.

Comments:

Bravo Didier, bel article ! Dire que la coupe de la Juventus en 1996 aurait pu être nantaise sans les erreurs d’arbitrage du match aller en demi finale (expulsion ridicule de Carotti sur une simulation de Padovano) et pénalty oublié sur Oudec, victoire 2-O de la juve au match aller et victoire de Nantes 3-2 au match retour… A bientôt !

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