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MARÉE BRUNE TRANSATLANTIQUE

Grève générale en Argentine – photo AFP, avec leur aimable autorisation, on espère.

Argentine – Pays-Bas, c’était une finale de Coupe du monde de football, en 1978, dans l’Argentine de la dictature militaire du sinistre Jorge Videla ; une coupe remise à l’ombre des charniers. Les Pays-Bas étaient à l’époque une social-démocratie avancée, avec Amsterdam comme capitale de la jeunesse. Social-démocrate aussi à l’époque, la Suède de Olof Palme, assassiné dix ans plus tard. Les temps ont changé et pas spécialement en bien, avec un fou furieux en Argentine et un néo-fasciste revendiqué aux Pays-Bas, entre autres personnages calamiteux qui nous font entrer de plain-pied dans une séquence risquant d’être néfaste pour les droits de l’homme. Tour d’horizon autour du monde.

Commençons par l’Argentine qui vient de se doter d’un nouveau président, le libertarien (c’est ainsi qu’il se définit) Javier Milei. L’homme à la tronçonneuse, censée symboliser ses coupes dans les budgets sociaux et ses suppressions de ministères régaliens, est libertarien mais sûrement pas libertaire. Il veut abandonner le peso pour le dollar (la dollarisation avait déjà provoqué une catastrophe économique en 2002), est anti-avortement, climato-sceptique et nostalgique de la dictature militaire. Bien évidemment, et en bon populiste, il a promis la lune au peuple et vilipende la caste des politiques néo-péronistes qui se sont succédé depuis 20 ans, depuis une faillite d’état déjà orchestrée à l’époque par le FMI et la Banque mondiale.

Seuls les gouvernements néo-péronistes de Raul Alfonsin et des Kirchner (Alfredo puis Christina) avaient réussi à sortir le pays de l’ornière, mais la situation économique s’était aggravée avec les potions libérales de Carlos Menem et surtout de Mauricio Macri.

Le Bolsonaro austral est passé au second tour avec 55,7 % des voix, loin devant son rival Sergio Massa, ministre du sortant Alberto Fernandez, successeur des Kirchner. Les reports de voix de l’électorat de Patricia Bullrich, la candidate de la droite classique, ont fait la victoire de El Loco (le fou), comme le surnomment ses adversaires.

Une victoire à la Pyrrhus, puisque Milei, avec son petit parti L.L.A (La Liberté Avance) devra faire des compromis avec la droite classique et ne pourra mettre en œuvre son programme ultra-libéral. D’autant que syndicats et oppositions sont vent debout et les spécialistes prévoient sans trop s’avancer un retour de la conflictualité.

Reste à savoir comment une bonne partie du peuple argentin, complice de la bourgeoisie, a pu porter au pouvoir un tel énergumène. Quelqu’un qui rendrait des points à Trump, Bolsonaro ou l’Indonésien Duterte. Certes la crise économique, la misère, l’exclusion et la désespérance sociale issue du bilan de gouvernements impuissants devant la rudesse des marchés et des institutions financières internationales, mais tout cela n’explique pas que l’on puisse se jeter dans les bras d’un néo-fasciste ordurier et dangereux. Son épouse est une sorte de foldingue mystique qui lit dans les tarots et avait prévu la victoire de son champion. Un beau couple

Reste à voir ce que va faire Milei, qui devra composer avec la droite de l’ex-président Macri, l’un de ceux qui ont mis le pays à genou, et il est à espérer que les premières mesures de son gouvernement de coalition provoqueront des émeutes et des troubles sociaux. C’est d’ailleurs ce qui est en train de se passer avec des rassemblements massifs autour de la Casa Rosada (La maison rose, le nom du palais présidentiel).

Mais Milei l’a dit et redit, il est prêt à faire donner la troupe et à tirer dans le tas. El loco, on vous dit. Du sang et des larmes, a-t-il promis (et de la sueur et du labeur, ajoutait Churchill). Triste Argentine. Et triste Amérique latine, alors que les gouvernements de gauche dominaient la plupart de ces pays dans les années 1990 – 2000.

Triste Hollande aussi. Cette fois, c’est Geert Wilders, physique de fin de race et cheveux blonds peroxydés. Une jeunesse en mode punk (il dit avoir été fan des Sex Pistols), et la relève d’un certain Pim Fortuyn, leader d’extrême-droite assassiné.

Son Parti de la « liberté », P.V.V, arrive en tête des dernières législatives, après le retrait de Mark Rutte à la suite d’un scandale d’accusations infondées de fraude aux allocations familiales. Avec 37 sièges, le P.V.V devance largement la coalition Verts – socialistes de l’ex vice-président de la Commission européenne Frans Timmermans (25) comme elle enfonce la droite classique du V.V.D menée par l’ex-ministre Dilan Yesilgöz(24). Dilan Yesilgöz est une fille d’immigrés qui prône des mesures drastiques contre l’immigration, un peu comme Darmanin chez nous.

Pire, un autre parti d’extrême-droite, , le N.S.C, rafle 19 sièges et pourrait entrer dans une coalition de la droite dure, un gouvernement technique qui bénéficierait de la bienveillance d’une partie de la droite classique qui ne réagit même plus contre le péril fasciste, quand elle n’est pas avec elle d’une complicité révoltante. Les barrages républicains contre l’extrême-droite devront désormais se passer d’eux.

L’extrême-droite européenne applaudit à tout rompre, de Orban qui salue les « vents du changement » (sur l’air du « Winds Of Change » des Scorpions) à Marine Le Pen en passant par Giorgia Meloni, Vox et le Vlaams Belang. L’internationale brune se félicite de voir les dominos de la démocratie libérale s’effondraient les uns après les autres, ou plutôt les uns sur les autres..

Le programme du P.V.V de Wilders était axé sur deux priorités, d’une part le Nexit, soit leur équivalent du Brexit avec les Néerlandais qui feraient sécession de l’Union Européenne alors qu’elle en a toujours été historiquement un pilier. Wilders est prêt à engager un référendum sur la question. Et bien sûr l’immigration qui est le cheval de bataille des deux partis d’extrême-droite, leur dénominateur commun et leur mission divine.

L’immigration qui, selon les gazettes néerlandaises, aura été la clé du succès de Wilders et de son parti avec un gel de l’asile, le rétablissement des contrôles aux frontières (en fait la sortie de l’espace Schengen) et la fin des dépenses liées à l’accueil des immigrés pour s’attaquer aux problèmes de pouvoir d’achat des classes laborieuses qui sont, c’est bien connu, la préoccupation principale des fascistes, ces grands défenseurs du peuple. Gageons que Wilders aura à cœur de servir ses intérêts car, comme le dit Wybren Van Haga, sans rire (cité par L’Humanité)  : « Wilders est profondément socialiste, voire néo-marxiste ». Van Haga est le leader d’un autre parti d’extrême-droite, le mal nommé Forum pour la démocratie. Encore plus à droite que lui si c’est possible. Cerise sur le gâteau, Wilders se propose de renforcer les liens avec Israël, de transférer l’ambassade à Jérusalem et de fermer sa représentation à Ramallah. Un sans faute.

Mais le V.V.D avait bien préparé le terrain à Wilders et à sa clique, avec un programme d’austérité et des déclarations anti-immigrations de plus en plus assumées. C’est aussi des errements des libéraux dont se nourrissent les néo-fascistes. Plutôt Hitler que le Front populaire (air connu).

Plus beaucoup de place pour évoquer la Suède avec la victoire des « démocrates suédois » (un parti d’extrême-droite) fin septembre et la démission de la socialiste Magdalena Andersson. Des démocrates populistes qui cherchent à former une coalition avec le centre-droit et la droite, leur dénominateur commun étant l’immigration et l’insécurité. On va vers ce type de coalition désespérante dans tous les pays du monde, avec des défaites à chaque fois des coalitions de gauche. Une fatalité ?

Ce qui laisse tirer un bilan sans appel : l’extrême-droite est au pouvoir, ou en passe de l’être en Italie, en Pologne (en attendant la coalition libérale issue récemment des urnes), en Hongrie, en Lettonie, en Croatie, en Roumanie, en Bulgarie et elle est en tête des intentions de vote en Autriche et en Belgique. Rassurant, à la veille des Européennes. L’Europe des nations qu’ils disaient, avec des relents d’années 1930.

Pour les démocrates, les vrais, les combats sont devenus cruciaux.

P.S : dernière minute, la grève générale en Argentine du 24 janvier a été un succès. Un peu d’espoir ?

31 décembre 2023

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