DAN FANTE – RÉGIME SEC – 13° Note éditions
Dans la famille Fanté, on connaît surtout le père, mais on a aussi le fils. Un fils turbulent, comme avait pu l’être celui de William S. Burroughs. Les chiens ne font pas des chats.
Le livre est préfacé par l’auteur qui raconte ses premiers pas difficiles dans la littérature et la traduction est assurée par Léon Mercadet (le prénom du tué et le nom du tueur), ex-plume de feu Actuel. On a ici huit nouvelles qui semblent beaucoup à voir avec la vie de l’auteur., lequel se définit comme un « écrivain français » puisque seul ce pays s’est intéressé à ses écrits. Il n’a pu se prévaloir de la gloire de son père dans son propre pays, John Fanté n’y ayant jamais été très célèbre et, si peu qu’il l’ait été, vite oublié en tout cas.
Ça commence moyen avec Bob le macho, un portier d’hôtel qui arnaque les chauffeurs de taxi. Bruno (c’est son nom tout le long de ces récits) est taxi et prend des clients dans cet hôtel et à l’aéroport de L.A. Le macho est battu par sa femme et il est plutôt très con. Bruno rêve de se venger de lui pour toutes les indélicatesses exercées à son endroit comme à tous ses collègues. Pas terrible, on va dire.
Du sous Bukowski. Ça se confirme dans Mae West où le narrateur, alcoolique, nous raconte son parcours de désintoxication exigé par sa copine l’accusant de battre son chien qu’il déteste. Il replonge, bien sûr, et la nouvelle se termine sur un show bien arrosé en l’honneur de la célèbre actrice.
Dans Caveat emptor, Bruno le chauffeur de taxi transporte une masseuse perverse d’origine mexicaine, et ses rapports tarifés lui valent un herpès géant. Moyennement drôle.
L’homme au marbre. Notre homme travaille maintenant dans un centre d’appel et il accompagne une collègue pour visiter un appartement. La visite est guidée par un couple de bourgeois amateur de marbre rare, et la scène tourne à la partouze.
Princesse est le nom d’un python possédé par un couple de décorateurs d’Hollywood. Le mec est un junky qui finit dans un centre psychiatrique où Bruno est interné. Rendu à l’état d’épave, il nourrit son serpent avec des petits animaux trouvés par petites annonces ou dans des animaleries. À vomir.
Après s’être fait tailler une pipe par un travelo dans un cinéma, Bruno s’aperçoit qu’il a perdu sa licence. Il court au service adéquat pour en avoir une nouvelle et est pris à partie par un type énorme qui l’énerve au plus au poing. Ils en viennent au main. C’est La nouvelle licence, aucun intérêt.
Lebobby est son colocataire, lui aussi chauffeur de taxi. Ils font la tournée des bars et l’autre lui raconte des histoires décousues à base de cul, de coke et de baise. Les dialogues sont tout aussi décousus et on se noie dans cette histoire à dormir debout. La chute, Lebobby a chargé le vieux Alvin, un gars plein aux as,et l’a laissé dans son vomi tout en raflant quelques biftons. Bruno désapprouve le vol et, comme Lebobby devait payer l’addition fort de ses dollars tout neufs, il se barre et la laisse à Bruno.
Enfin, on allait faire ouf, on a Ocean promenade, sans conteste la meilleure. Bruno va chercher une femme et sa fille à l’hôpital de Sinaï. La mère se meurt d’un cancer du pancréas et sa fille est persuadée de ne pouvoir vivre sans elle. La fille est émouvante dans sa détresse et Bruno en tombe amoureux. Il apprend le lendemain que les deux femmes se sont jetées de la fenêtre de leur immeuble et Bruno a reçu un message de la fille sur son répondeur. Trop tard.
Je parle de ce livre car il s’agit de nouvelles, un genre méprisé ou en tout cas peu publié dans l’édition, à quelques exceptions près. Moi qui en écrit à mes moments perdus, je sais qu’il n’est pas facile d’écrire une histoire courte avec un thème, un climat, une intrigue consistante et des personnages bien campés. Dan Fanté ne plaide pas en tout cas pour réhabiliter le genre. Dans la famille Fanté, on préférait le père.
LIAM Mc ILVANNEY – LE QUAKER – Métaillié noir
Où l’on reparle de l’Écossais de Nouvelle-Zélande, Liam Mc Ilvanney, ma grande découverte de cet été, avec Richard Price. Un auteur qu’on nous présente comme très politique, sauf que ce roman l’est moins avec retour aux fondamentaux du polar moderne : tueur en série, organisations criminelles et flics pourris. Dieu merci, on en est pas encore aux tests ADN, à la géolocalisation, à Internet et tutti quanti. C’est déjà ça. À la place, on a un vieux voyant venu de Rotterdam – Pete Maertens – qui voit des grues , un fleuve et un ciel gris. Ça n’aide pas vraiment.
Glasgow 1969. Les flics des affaires criminelles font la gueule car ils n’ont toujours pas coincé Le Quaker, un tueur en série qui a déjà, depuis 1967, trois meurtres de jeunes filles à son actif, tous trois à la sortie du même dancing. L’ambiance est à la rancœur et au ressentiment, d’autant que Duncan Mc Cormack a été envoyé par la hiérarchie pour secouer les puces de Cochrane et de ses hommes, passablement dépités. En fait, il est chargé d’un audit, manière élégante de clôturer une affaire inextricable, d’autant qu’on croit Le Quaker mort.
Parallèlement, on a Alex Paton, un vieux truand expérimenté, qui accepte de faire partie d’une bande de malfrats envisageant le casse d’un salle de vente aux enchères, avec la complicité d’une employée.
Au milieu de ces deux récits apparemment sans lien, on a droit aux monologues intérieurs post-mortem des trois victimes. La construction, on le voit, est ambitieuse, au risque de brouiller les pistes.
Le Quaker tire son sobriquet de ses imprécations de prêcheur et de son aversion pour la modernité, synonyme pour lui de mal. C’est du moins ce qu’a prétendu Nancy Scullion, une fille qui lui a échappé. Les trois fois, il étrangle la victime avec son propre collant en laissant sur le corps ce collant et une serviette hygiénique, car elles ont leurs règles à chaque agression. Un rituel. Le hold-up réussit et Paton se planque en attendant de regagner Londres. Mc Cormack, lui, reprend l’enquête avec un regard neuf.
Un polar en tout cas qui vous tient en haleine, avec cette vision d’un Glasgow rénové engloutissant l’ancien, ses ruelles et ses cours. Mc Ilvanney tient un peu de Ian Rankin pour les spécificités écossaises, mais il se rapproche aussi d’un David Peace pour le climat, l’atmosphère. On dit bien se rapproche, car il est encore loin des polars métaphysiques littéralement hantés de Peace avec son Quatuor du Yorkshire. Il n’a pas son style heurté, syncopé, proche parfois de la démence.
Et puis, l’auteur parle si bien de Glasgow qu’on a envie d’y aller et même de déguster le Haggis, la fameuse panse de brebis farcie moquée naguère par un Jacques Baudouin. Avec un bon Laphroaig !
JEAN-JACQUES ROUSSEAU – LES CONFESSIONS – Éditions Baudelaire
Ce cher vieux Jean-Jacques, philosophe des lumières dont le nom a été accolé à un « isme ». L’un des premiers, bien avant Marx, à avoir mis au premier plan des valeurs d’égalité – voire d’égalitarisme – et de justice sociale. Plus en poète idéaliste qu’en économiste révolutionnaire. On parle beaucoup, en politique et pas seulement, de Rousseau et de Rousseauisme, mais est-ce qu’on l’a bien lu, ou est-ce qu’on l’a tout simplement lu ? Pas sûr du tout. Nietzsche dira de lui qu’il aura été « le premier homme moderne », à savoir sans religion et sans attaches, citoyen du monde épris de justice.
Les Confessions, c’est un peu sa biographie, tous les événements, y compris les moins glorieux, qui ont fait du jeune Jean-Jacques un individu hors norme, dévoué à la cause des plus humbles. Une biographie sous forme de roman picaresque, à la manière des mémoires de Casanova ou du Barry Lyndon de Thackeray ; de la petite enfance à l’âge adulte.
Écriture grand siècle et style un peu ampoulé, pas toujours d’une grande clarté pour le lecteur d’aujourd’hui. Mais quel style ! Un maniement de la langue qui se joue de tous les obstacles avec une grande éloquence. À rapprocher du Cardinal de Retz ou d’un Saint-Simon.
Sa mère morte quelques jours après sa naissance à Genève et son père devant fuir après une mauvaise querelle, le jeune Jean-Jacques est élevé par une tante avant d’être recueilli par une les Lambercier puis d’être livré à lui-même. Il connaît sa première volupté en étant fessé par Mme Lambercier. Freud aurait du travail avec Jean-Jacques que l’on réputera masochiste et paranoïaque. La dromomanie est une affection psychiatrique consistant à vagabonder, dans l’incapacité de se fixer. Rousseau en était-il victime ? On le suit de ville en ville, en Suisse ou en Italie, au service de diverses familles auxquelles il est recommandé. Il est amoureux d’une dame de Warens qu’il appelle « maman » ou plutôt il l’aime en secret – tous ses amours sont platoniques et il aime la compagnie des jeunes filles – et se convertit au catholicisme, issu d’une famille de protestants ayant fui la France. Après divers métiers, il va se consacrer à la musique, sans connaître le solfège, et monte à Paris chez un autre protecteur. Puis c’est Lyon, toujours la bougeotte. Ce qui frappe dans ce récit, c’est sa naïveté et sa candeur, ne voyant le mal nulle part et toujours prêt à s’émerveiller de tout. Le bon sauvage ? Un innocent ? Un idéaliste, un rêveur, un romantique jamais à l’aise avec le moment présent et la réalité, mais ivre de bonheur dans ses pensées et dans ses rêves.
Retour à Chambéry, chez maman. Occupé comme employé du cadastre, il décide à la trentaine d’enseigner la musique et d’en jouer. Il est dépucelé par « maman » – œdipe roi – et commence à s’intéresser à la philosophie et à la politique par les écrits de Voltaire. Il tombe malade, ou est-ce de l’hypocondrie, et profite de sa convalescence pour dévorer tout ce qui est disponible en philosophie. Rousseau devient Rousseau. D’autant plus qu’il a une aventure en allant se faire soigner à Montpellier et que, à son retour, « maman » l’a remplacé. Son univers s’effondre. Fin de la première partie.
On le retrouve à Paris où il essaie d’imposer une méthode de lecture de la musique avec des chiffres plutôt que des notes et des portées, sans réussite. Puis il part à Venise comme secrétaire d’ambassade.
À Venise en temps de guerre, il est mêlé à quelques intrigues amoureuses et diplomatiques qui lui valent l’inimitié de l’ambassadeur. Il est chassé, victime d’une cabale, mais garde la tête haute.
Rentré en France, il copine avec d’Altuna, un Espagnol qui mourra jeune et est admis dans une maison dont il s’éprend de Thérèse, la blanchisseuse à qui il fera deux enfants directement amenés à l’assistance publique. Il lui en fera d’autres, qui subiront le même sort. Il s’en explique en disant qu’il vaut mieux les confier à l’état plutôt que les élever mal en famille. Il compose des opéras qui sont détestés par Rameau mais auxquels les nobles parisiens trouvent du charme. Le public lui trouve du talent, mais Rameau et sa coterie font tout pour le calomnier et lui nuire. Autant Rousseau a pu être gai et insouciant dans sa jeunesse, autant cette seconde partie, écrite à 60 ans, montre un vieillard aigri et amer se méfiant de tout et de tous.
Il rencontre Condillac puis Diderot et d’Alembert, ces derniers lui proposent d’écrire le chapitre musique de l’encyclopédie. Un travail qu’il accomplit vite et pour lequel il ne sera pas payé. Pauvre Rousseau.
Il accueille Diderot à sa sortie de prison, copine avec l’un des frères Grimm et se met en ménage avec Thérèse après avoir participé à un concours de philosophie lancé par le Mercure de France. Après Rousseau musicien, Rousseau philosophe. Malgré ses premiers succès littéraires, il se fait copiste de musique, logé chez Mme Dupin. Loin de le réjouir, ses premiers succès publics (l’opéra Le devin du village et Le traité sur l’inégalité) le fâchent avec ses amis et, après un dernier saut à Genève où il se reconvertit au protestantisme, Mme de Lépinay lui trouve une demeure – L’ermitage – à Montmorency.
Dans une solitude farouche qu’il défend contre le monde extérieur, Rousseau s’isole et va publier ses livres les plus fameux : L’Émile ou La nouvelle Héloïse, plus le Contrat social qui n’est qu’une synthèse des deux premiers traités philosophiques.
À 45 ans, il tombe amoureux de Mme Houdetot, déjà épris de Saint-Lambert, parti à la guerre. Son grand amour qui se limitera à une amitié amoureuse. Il vieillit mal et se fâche avec Grimm, avec Diderot, avec Holbach et toutes ses protectrices, puisant dans sa correspondance les motifs de fâcherie.
C’est pour finir un long lamento. Rousseau se sent persécuté, une humeur ou une pathologie, laquelle s’apparente à la paranoïa. « Hypertrophie du je », disait à son sujet mon prof de philo. Il se fâche même avec Voltaire, par correspondance.
Mais rien n’est simple chez lui et il aime à fréquenter l’aristocratie qui séjourne dans l’actuel Val d’Oise, se prétendant misanthrope et ours, mais ne dédaignant pas les mondanités. On croirait parfois lire Proust. Qu’on se rassure, il finit toujours par se fâcher.
Mais les paranoïaques ont aussi des ennemis, et, après la parution du Contrat social, les jésuites mènent une cabale incitant les puissants à lancer contre lui une « prise de corps », ce qui l’amène à fuir en Suisse. À Berne puis à Neufchâtel avant l’île de Saint-Pierre où il a dû se réfugier alors que l’on lui jetait des pierres. Rousseau écrit pour le peuple, mais le peuple, manipulé, lui en veut. Très actuel.
Il est persécuté jusqu’en Suisse et ce sera, après avoir envisagé la Corse, l’Angleterre avant Ermenonville où il écrira la suite de ses Confessions et Les rêveries d’un promeneur solitaire.
Il était question d’un troisième tome aux Confessions, mais sa mort, à 65 ans, a ruiné l’entreprise.
Comment un jeune homme naïf et confiant, un peu benêt, devient un homme mur puis un vieillard soupçonneux, misanthrope et aigri. « Toute vie est un processus de démolition » (F. Scott Fitzgerald).
Sauf que sa vie à lui aura donné des idées aux révolutionnaires de 1789. Pas si mal, le Jean-Jacques !
HONORÉ DE BALZAC – SPLENDEURS ET MISÈRES DES COURTISANES – Folio / Gallimard
Un roman qui fait partie de La condition humaine, quasiment l’intitulé générique des œuvres complètes de Balzac. On peut lire tous ces volumes sans forcément en respecter l’ordre, comme pour Zola avec ses Rougon-Maquart. Dans ces deux sagas littéraires du XIX° siècle, l’une pour la première et l’autre pour la seconde moitié, on trouve les mêmes personnages, les mêmes lieux et seules les intrigues sont différentes.
Ici, on a Rubempré et son âme damnée Vautrin devenu au hasard des circonstances l’abbé Carlos Herrera. Et des femmes vénales au milieu de ces deux hommes avec un Vautrin cynique, Rubempré l’encourageant par sa passivité et sa faiblesse. L’enjeu, la belle Rachel, une courtisane au zénith de sa beauté. Elle est amoureuse de Rubempré mais un baron richissime – Nucingen – la convoite et les compères, par l’intermédiaire de toute une série d’individus de sac et de corde – espions, indicateurs, flics au service des puissants – sont mêlés à l’affaire et entendent bien prendre leur part de ce qui n’est finalement qu’une vaste entreprise de prostitution de luxe.
Comme toujours chez Balzac, les arrières-plans politiques sont omniprésents, ici ces temps d’après la restauration et Louis XVIII et la montée en puissance du monde de la bourse et de l’argent dans les affaires de l’état. Balzac a toujours su décrire avec minutie les montages financiers, carambouilles et escroqueries de ces milieux interlopes.
Ici, tout est faux-semblant, déguisements, mascarade, simulacre et Balzac s’en amuse. On est presque chez les Pieds Nickelés et on a tendance à se perdre entre les vrais personnages et les contrefaçons, les imitateurs ou les usurpateurs dans leurs machinations. On est étourdi par la virtuosité de Balzac à s’amuser avec des cocottes devenues des mondaines ou des voyous jouant les marquis. Tout cela semble badin, mais c’est l’argent qui est le vrai moteur de tout ce beau monde ; l’argent et l’avidité, la cupidité et la cruauté qui vont avec. On bascule de Feydeau à Darien ou Mirbeau.
Esther fait tourner Nucingen en bourrique, elle prend les millions mais ne couche pas. Rubempré convoite l’héritière des Grandlieu, même s’il ne l’aime pas. Herrera tire les ficelles mais des aigrefins, les domestiques, ont compris le manège et prennent part à ce jeu dangereux, espérant y trouver fortune. L’argent est planqué pour Vautrin par Paccard, son homme de main.
Coups de théâtre ! Esther meurt empoisonnée et Rubempré est emprisonné ; tous deux victimes d’une cabale menée par Corentin et Contenson, deux indicateurs de police manipulés par le procureur général De Granville craignant pour l’honneur de Mme De Cerizy. Collin / Herrera est lui aussi embastillé. S’ensuit une longue description de l’appareil judiciaire de l’époque dont Balzac semble expert.
Une lettre de Esther innocente Rubempré. Il a chargé Herrera avant de se rétracter et se suicide en prison avec sa cravate ; l’administration judiciaire parle de rupture d’anévrisme. Toute cette partie est remarquable sur le fonctionnement de la justice et de sa police et Balzac en connaît tous les rouages. Les belles personnes sont trop mouillées avec les voyous pour cacher la vérité, et c’est là toute l’histoire : l’alliance du crime et de la bourgeoisie couronnée par l’argent.
La dernière partie nous conduit sur les pas de Vautrin et de quelques personnages aussi peu recommandables. Le juge Camusot veut sa peau et est prêt à convoquer tous les malandrins qui ont frayé avec lui quand sa femme entend bien venger toutes ses amies et à la fois maîtresses de Rubempré.
Vautrin / Herrera est inconsolable de la mort de Rubempré. Le crocodile verse de vraies larmes et même le mal ne le concerne plus. Il tire sa peine, identifié comme Jacques Collin ; Balzac en profite pour nous faire un cours sur l’argot, les prisons et ses prisonniers. Vautrin ne pense plus qu’à sauver un jeune corse de ses amis menacé de la guillotine et à se venger du procureur De Granville. Pour cela, il exerce un chantage avec les lettres enamourées envoyées à Lucien par des dames du monde.
Comme jadis un François Vidocq, Vautrin finira chef de la police, en couronnement d’une vie de scélérat de haut vol. Balzac met dans le même sac voleurs et gendarmes, que le hasard met d’un côté ou de l’autre. Et la morale dans tout cela ? Pas son affaire, c’est un cynique.
Trop de digressions et des intrigues par trop rocambolesques. Ce n’est pas le meilleur Balzac, loin de mes préférés (Le cousin Pons ou La duchesse de Langeais), mais bon, c’est Balzac et ce n’est pas rien.
GEORGES SIMENON – LE FOU DE BERGERAC – Fayard / Le livre de poche
Encore Simenon, toujours Simenon. On ne va pas réitérer ici les préventions qu’on a contre le bonhomme, mais il faut bien avouer que peu de gens ont su si bien que lui raconter des histoires passionnantes dans des petits livres écrits sans fioritures, avec des mots simples. Simenon n’a jamais joué au grand écrivain, et c’est ainsi qu’il l’est devenu.
Un Maigret de 1932, l’un des premiers. Maigret se rend chez un ami retraité à Bergerac, Leduc. Dans le train, il est surpris par son compagnon de wagon-lit qui délire et saute en marche. Maigret à sa poursuite, le fugitif lui tire une balle dans le bras. Maigret mènera l’enquête depuis sa chambre de l’hôtel d’Angleterre à Bergerac où il est soigné. Une enquête qui porte sur le meurtre de deux filles avec une aiguille plantée dans le cœur. Le fou, c’est peut-être Maigret qui soupçonne tous les notables de la ville venus lui rendre visite. Le médecin Rivaud puis le procureur Duhourceau, et d’autres encore.
On va s’apercevoir qu’il avait de bonnes raisons de le soupçonner et, une fois n’est pas coutume, Madame Maigret va être utile à son enquête en chambre. Un billet de seconde classe retrouvé dans une chambre de l’hôtel et le fait que Rivaud dit avoir été médecin à Alger le mettent sur une piste. Le billet a été trouvé sur le corps du fugitif du train, que l’un des notables connaissait, et aucun Rivaud n’a jamais exercé la médecine à Alger. Il s’agit en fait d’un certain Meyer dont le père – Samuel – trafiquait des faux-papiers pour des réfugiés de toute l’Europe. Un père devenu fou qui, réfugié à Chicago alors que son fils a fait courir le bruit qu’il était mort, est pris de folie et tue des femmes. Samuel Meyer revient au pays de son fils, à Bergerac, et tue encore deux femmes. Meyer devenu Rivaud doit le faire disparaître avant que le scandale n’éclate. Avec la complicité de sa maîtresse, qui n’est autre que sa belle-sœur, il maquille le meurtre du père en suicide et fait tout pour brouiller les pistes, exerçant un chantage sur Duhourceau, collectionneur de livres cochons qui aurait mis enceinte la belle-sœur de Rivaud, celui-ci lui faisant croire que l’enfant est de lui.
Maigret tendra un piège en faisant revenir la mère de Rivaud, une ex-chanteuse lyrique attirée par une promesse d’héritage. Les notables sont démasqués et la vérité éclate. Maigret, rétabli, n’a plus qu’à aller déguster « truffes en serviette et foie gras du pays » au restaurant de l’hôtel, avec madame et le bon vieux retraité Leduc, le régional de l’étape, qui aura été indispensable à l’enquête par sa connaissance du terrain, des notables du coin et de leurs lourds secrets.
Mais ce ne sont pas les intrigues, souvent embrouillées même si toujours rigoureuses, qui sont les plus importantes chez Simenon, c’est cette fameuse atmosphère, ces ambiances qui sentent la vieille France, la bourgeoisie rance, la vie qui va et quelques figures attachantes, souvent venues des milieux populaires.
Alors, des truffes, du foie gras et un Maigret de canard, pour faire local.
20 septembre 2024
Merci Didier pour ces introductions à des ouvrages que je ne connaissais pas ou que je n’avais pas lus.